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Une tombe princière de l’âge du Bronze ancien à Giberville (Calvados)
Dans la Plaine de Caen, à Giberville, une équipe de l'Inrap vient de mettre au jour des fosses de chasse du Néolithique, une remarquable tombe princière de l'âge du Bronze, ainsi que des enclos et une nécropole de l'âge du Fer. De quoi alimenter les recherches sur l’évolution des occupations humaines dans la Plaine de Caen.
Une équipe de l’Inrap achève une fouille préventive à Giberville (Calvados) dans le cadre de l’aménagement de la ZAC du Chemin de Clopée par la SNC « Les Jardins de Clopée ». Prescrite par les services de l’État (Drac Normandie), l’opération a permis d’exhumer des vestiges du Mésolithique / Néolithique jusqu’aux périodes contemporaines, en particulier des fosses ayant servi de pièges pour la chasse à la Préhistoire et un ensemble funéraire de l’âge du Bronze comprenant une remarquable tombe princière.
Des fosses de chasse
Parmi les découvertes figurent d’étonnantes structures creusées. Ainsi, les archéologues ont identifié une quarantaine de fosses dites « en Y » appelées aussi Schlitzgrüben. Leur usage pourrait remonter à une période comprise entre le début du Néolithique et l’âge du Bronze final (5000 et 1000 ans avant notre ère). Ces fosses, longues de 3 à 5 mètres, étroites et profondes, servaient à piéger du gros gibier (cerfs, aurochs, chevreuils, sangliers). La moitié d’entre elles, alignée sur 120 mètres, crée un système de piège étendu. Le reste des fosses Schlitzgrüben est dispersé sur l’emprise de la fouille.
Fouille d'une fosse de chasse en "Y" ou schlitzgruben
E. Ghesquière, Inrap
Plus difficiles à détecter, une dizaine de fosses-pièges cylindriques ou légèrement coniques ont également été mises en évidence. Remontant au Mésolithique ou au début du Néolithique (6 000-5 000 ans avant notre ère), elles constituent les plus anciennes fosses de chasse actuellement repérées dans la Plaine de Caen. Autre indice d’occupation ancienne, un four du Néolithique ancien (4 900 avant notre ère) a été mis au jour. À ce jour, seuls trois fours de ce type sont connus en Basse-Normandie pour cette période (une dizaine en France).
Une tombe princière de l’âge du Bronze
La fouille a livré quatre ensembles funéraires de l’âge du Bronze ancien. L’un de ces groupes contient deux très grandes tombes et une dizaine d’autres plus modestes associées à une exceptionnelle tombe dite « princière » datée de 1800-1600 ans avant notre ère. Son vaste caveau, de forme trapézoïdale, devait être surmonté d’un monument funéraire dont aucune trace n’a été conservée. L’individu y est allongé sur le dos, la tête à l’est, et est accompagné d’un riche viatique.
L’âge du Bronze ancien voit l’abandon du phénomène des tombes collectives néolithiques au profit de l’essor des sépultures individuelles, comme c’est le cas à Giberville. Parallèlement, le « monde des morts » reflète à cette période une forte hiérarchisation sociale. Si la majorité des sépultures ne contient pas ou peu de mobilier funéraire, d’autres peuvent être richement pourvues. Certaines d’entre elles, particulièrement riches, sont dénommées « tombes princières ». La tombe de Giberville a notamment livré un poignard en bronze, des fragments de parures en ambre et 14 pointes de flèche armoricaines en silex, mobilier ayant vocation à affirmer, jusque dans l’au-delà, le statut du défunt.
Tombe princière
Inrap
Fouille d'une sépulture de l'âge du Bronze
E. Ghesquiere, Inrap
Enclos de l'âge du Bronze
E. Ghesquière, Inrap
Un mobilier de prestige, viatique pour l’au-delà
Ces armatures de flèche, de type ogival et à ailerons longs sont une des spécificités de l’âge du Bronze ancien de l’ouest de la France. Hormis au Danemark, dans le Wessex (Angleterre) et en Armorique, peu de communautés valorisent au cours de cette période la production d’objets en silex très standardisés. Souvent réalisées dans des matières premières exotiques (le silex jaune translucide de la vallée du Cher), ces pointes de flèche sont d’une extrême finesse et sont produites par pression à l’aide d’une pointe en cuivre, ce qui nécessite une haute technicité. Il s’agit de biens de prestige.
Le poignard en bronze possède une lame de 27 cm et une garde composée de 6 rivets. Ce type d’objet est généralement l’apanage d’hommes adultes. De type armoricain, ce poignard s’apparente à ceux découverts à Longues-sur-Mer (Calvados) ou Bourbriac (Côtes d’Armor) et peut être daté de 1950 et 1750 avant notre ère. Actuellement, seules trois autres sépultures possédant poignard et pointes de flèches ogivales ont été mises au jour dans la région, à Beaumont-Hague (Manche), Loucé (Orne) et Fleury-sur-Orne (Calvados). Le mobilier funéraire de Giberville renvoie sans conteste à la « culture des Tumulus armoricains » que l’on connaît mieux à l’ouest de la péninsule bretonne. Enfin, bien plus discrets, quelques fragments de parures en ambre, originaire de la Mer Baltique, sont présents dans la sépulture de Giberville.
Cette nécropole, et la majorité des structures funéraires de l’âge du Bronze ancien, occupent des espaces qui semblent se répondre les uns aux autres. Elles pourraient être les facteurs déterminants du regroupement et de l’agrégation des communautés, autour d’elles, à partir du IIe millénaire et pourraient être à la source de la formation de nouveaux territoires.
Des enclos d’habitation et une nécropole de l’âge du Fer
Un enclos elliptique de l’âge du Bronze ancien (1 700-1 500 ans avant notre ère) a été mis au jour, livrant dans son fossé un abondant mobilier, témoignant d’une occupation domestique : ossements de faune, céramique, silex taillés.
Un autre enclos fossoyé datant du Second âge du Fer (120-52 avant notre ère) a également été identifié, au croisement de deux chemins anciens. De forme carrée, il renferme une forte concentration de vestiges : des probables « caves », des lambeaux de sols et de multiples trous de poteaux témoignent de la présence d’un grand bâtiment. Un souterrain comportant deux petites pièces, dont la voûte est encore conservée, jouxte le bâtiment.
Orthophotographie de l'enclos de La Tène finale
S. Hérubel, Inrap
Orthophotographie de la nécropole latènienne
S. Hérubel, Inrap
Fouille d'un habitat de La Tène finale
S. Pillault, Inrap
Cave de La Tène finale
S. Pillault, Inrap
Dégagement du souterrain de La Tène finale
S. Pillault, Inrap
Souterrain de La Tène finale
E. Ghesquière, Inrap
Au sud de cet enclos, une nécropole de 45 tombes datant elle aussi de la période gauloise, borde un chemin. De façon originale, elle semble contenir des inhumations d’individus de tous les âges, dont certains portent des parures (bracelet en lignite ou en bronze, fibules en bronze et en fer), ainsi que quelques urnes à incinération.
Beaucoup plus récents, des vestiges de la Seconde Guerre mondiale sont présents sur le site. Ainsi, une quarantaine d’abris individuels (« trous d’hommes ») probablement utilisés par des soldats canadiens ont été identifiés.
Le projet d’aménagement de la zone de Colombelles-Giberville dans la Plaine de Caen a déjà donné lieu à de nombreuses recherches archéologiques. Les nouvelles données permettront d’abonder les études sur l’évolution des formes du paysage à l’échelle d’un territoire vaste de plusieurs centaines d’hectares.
Fouille de la nécropole de l'âge du Fer
E. Ghesquière, Inrap
Contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie (Drac Normandie)
Recherche archéologique : Inrap
Directeur adjoint scientifique et technique : Cyril Marcigny, Inrap
Responsable scientifique : Emmanuel Ghesquière, Inrap