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Des occupations du Néolithique et de l’âge du Bronze sur les rives de l’Huveaune à Marseille (Bouches-du-Rhône)
À l’est de Marseille, sur la rive droite de l’Huveaune, le site du Domaine de Vallée Verte a fait l’objet d’une fouille préventive avant la construction d’immeubles de bureau et de service par Vastint France. La fouille, d’une surface de 4 198 m², repartie de façon inégale de part et d’autre d’un fossé et d’une allée de platanes, a mis en évidence des vestiges du Néolithique ancien et un vaste bâtiment de l'âge du Bronze d'un type inédit à Marseille et en Provence.
L’environnement
Le site se trouve à 30 m au-dessus de l’Huveaune, dans une dépression entourée de roches sédimentaires (poudingue stampien). Il descend en pente douce vers le fleuve et est facilement accessible au sud-est. Le sol est composé de marnes argileuses, rouge ocre au sud et blanc crème au nord, avec une forte présence de nodules carbonatés. Une bande de galets, orientée nord-ouest/sud-est, indique la possible existence d’un ancien ruisseau.
Un foyer à pierres chauffées du Néolithique ancien
Des fragments de céramique et des silex taillés éparpillés dans les sédiments témoignent d’une fréquentation diffuse du site au Néolithique.

Céramiques dans le petit foyer.
© J. Labussière, Inrap
La seule structure conservée est un spectaculaire foyer à pierres chauffée de 2 m de diamètre, daté par le carbone 14 autour de 5 000 ans avant J.-C.

Trois états du foyer à pierres chauffées du Néolithique ancien.
© N. Weydert, Inrap
La « grande maison » de l’âge du Bronze ancien
La découverte la plus importante de la Vallée Verte est un grand bâtiment sur poteaux porteurs, long de près de 30 m et large d’environ 9 m, mis au jour à l’ouest du site.
La structure comporte 24 poteaux à l’est, 25 à l’ouest et 6 poteaux faîtiers de grande dimension sur l’axe central. L’extrémité sud semble être une façade plane, tandis qu’au nord, 17 des trous de poteau matérialisent une abside semi-circulaire.

La « grande maison » de l’Âge du bronze ancien en cours de fouille depuis le sud.
© N. Weydert, Inrap

Le bâtiment à la fin de la fouille complémentaire depuis le nord.
© N. Weydert, Inrap

Orthophotographie composite du bâtiment.
© N. Bourgarel et N. Weydert, Inrap
Les trous de poteau latéraux présentent globalement une certaine homogénéité, tant dans leurs profils dissymétriques avec avant-trou, que dans leur comblement, composé de l’argile blanc crème à carbonate, utilisée comme calage, et d’un bouchage réutilisant les marnes ocre rouge provenant du creusement. Ce comblement est similaire pour les poteaux faîtiers et les poteaux absidiaux.

Vue du comblement d’un trou de poteau latéral.
© P. Tramoni, Inrap
Les trois trous de poteau faîtiers au centre de la portée semblent avoir accueilli des poteaux doubles, contrairement aux trois autres. À l’intérieur du bâtiment, quelques petits trous de poteau suggèrent un cloisonnement. Aucun niveau de sol tangible n’a été perçu lors de la fouille.
On observe de nettes différences de taille des trous de poteau, puisque ceux de l’abside, au nord, sont sensiblement plus petits que ceux de la nef. Cette différence suggère que l’abside a été ajoutée après coup à un bâtiment originellement rectangulaire.
Ce type de maison est assez bien connue dans la moitié nord de la France et en Europe du Nord. Elles sont exceptionnelles dans le sud de l’Europe, et en Provence en particulier.
Une occupation diffuse de l’âge du Bronze final
À l’est du site, quarante-trois autres structures se répartissent entre fosses, trous de poteau et foyers. Les premières datations au carbone 14 situent cette occupation à la fin du Bronze final. Aucune organisation cohérente ne semble se dégager de cet ensemble.
Parmi ces structures, une fosse piriforme, très fortement rubéfiée, comblée par une couche charbonneuse, pourrait s’apparenter à un petit atelier de bronzier.

Plan et coupe du possible atelier métallurgique de l’âge du Bronze final.
© J. Labussière, Inrap
La fréquentation de la région marseillaise au Néolithique est bien connue, que ce soit dans le centre de la ville avec les découvertes du Boulevard Nédelec et de la rue Bernard-du-Bois, ou celles de Camp de Sarlier et des Passons à Aubagne.
Les sites de l’âge du Bronze sont en revanche extrêmement rares. En effet, en dehors de quelques découvertes de la fin du XIXe siècle, dont celle de la Grotte Loubière est la plus marquante, les sites se limitent à ceux de la Station Louis-Armand, du collège Vieux-Port, de la place Jules-Verne, et de la Capelette, fouillé en 2023. La découverte d’une « grande maison » est donc d’autant plus exceptionnelle que ce genre de vestiges est presque inconnu en Provence.
Contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie (Direction régionale des affaires culturelles de Provence-Alpes-Côte d'Azur)
Recherche archéologique : Inrap
Responsable scientifique : Nicolas Weydert, Inrap