En amont de la requalification des places Xavier Ricard et de l’église en plein cœur de Sainte-Foy-lès-Lyon (69), une équipe d’archéologues de l’Inrap a mis au jour un quartier médiéval et moderne fortifié, ainsi qu'une portion de l’ancien cimetière bordant l’église.

Dernière modification
01 avril 2025

Entre mi-octobre et mi-décembre 2024, les archéologues de l'Inrap ont fouillé une emprise de 641 m² en plein cœur de Sainte-Foy-lès-Lyon, sur les places Xavier Ricard et de l’église. Ils sont intervenus sur prescription et contrôle de l’État (Drac Auvergne –Rhône-Alpes), en amont de la requalification de ces places, menée par la commune de Sainte-Foy-lès-Lyon. Lors du diagnostic archéologique réalisé auparavant, sept sondages archéologiques avaient été réalisés. L'extension ouest du cimetière médiéval, les vestiges arasés de bâtiments entourant l’église aux époques médiévales et modernes, ainsi que le fossé bordant le rempart du château avaient alors été repérés. La fouille menée fin 2024 avait pour objectif de compléter ces découvertes, et d'en préciser la nature, l’organisation et la chronologie.

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Sondage de diagnostic ayant livré une sépulture médiévale, un puits et une caves comblés au XIXe siècle.

© Ellébore Segain, Inrap

Le « castrum sancte fidis » du XIIe siècle et son évolution

Au XIIe siècle, une enceinte fortifiée est construite autour de l’église de Sainte-Foy, délimitant un château sans réduit défensif ou castrum sancte fidis, c’est-à-dire sans tour maîtresse. L’enceinte polygonale, encore visible aujourd’hui par endroit, mesurait environ 50 x 70 m. D’après les textes, la porte d’accès donnait sur le chemin menant de Lyon à Saint-Genis-Laval (actuel chemin de la Fournache ?). Un fossé sec, d’une quinzaine de mètres de largeur, entourait l’enceinte et la séparait du bourg disposé plus au sud.

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Portion encore visible du rempart médiéval sur l’arrière de l’église actuelle.

© Ellébore Segain, Segain, Inrap

L’enceinte castrale abritait plusieurs édifices de la vie publique tels que l’église paroissiale (alors axée est /ouest), et le cimetière, situé à l’époque médiéval au nord de l’église, et à l’époque moderne, à l’ouest. Elle abritait également des bâtiments seigneuriaux à fonction administrative (au sud-est de l’enceinte), et des habitations privées, construites sur des parcelles exiguës délimitées par des ruelles.

La majorité de ces bâtiments furent détruits lors de la construction de la nouvelle église (vers 1840), puis lors du dégagement de la place devant l’église (années 1860 à 1890) et enfin lors de la mise en place de l’actuelle avenue Valioud (vers 1870).

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Report des vestiges médiévaux principaux attendus sur le cadastre napoléonien de 1823 (Archives communales du Rhône, 02034). 

DAO : Ellébore Segain, Inrap

Évolution à l’intérieur du rempart

La fouille a permis d’explorer le parvis de l’église actuelle, qui correspondait aux extérieurs sud de l’ancienne église médiévale. En tout, 24 structures funéraires ont été découvertes, qui se répartissent sur au moins trois niveaux. La datation de cet ensemble n’est pas connue pour l’instant (en attente des résultats de datation par carbone 14). Les sépultures ont par la suite été recouvertes par des aménagements urbains correspondant au pavage d’une ruelle encore visible sur le cadastre napoléonien de 1823.

La fouille de la place située devant l’église a mis au jour une grande cave voutée et son accès, qui étaient encore en partie vides malgré l’éboulement ancien du rez-de-chaussée des maisons concernées. Il s’agit des restes de deux pièces qui devaient être accolées au rempart.

Elles étaient positionnées dans la continuité du bâtiment actuel de la cure. Ces constructions sont visibles sur le cadastre napoléonien de 1823 et ont été détruites lors de la création de la place au XIXe siècle. Aucun élément du rempart ne semble subsister dans le mur sud-est de ces bâtiments, impliquant sans doute une construction tardive, c’est-à-dire après l’abandon du système fortifié et son démantèlement. Il est cependant probable qu’elles aient été construite à l’emplacement de bâtiments plus anciens. L’étude d’archive (en cours) devrait permettre de mieux comprendre leurs évolutions.

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Linteau recouvrant l’entrée de la cave, entre la pièce nord et la pièce centrale. 

© Clément Denizeau, Inrap

Sur le reste de l’espace de la place, des silos servant vraisemblablement à stocker des grains ont été retrouvés, datés du XIIe siècle, ainsi que des structures associées (trous de poteaux épars et probable fond de cabane). Cet ensemble correspond vraisemblablement aux réserves céréalières (pour manger mais également semer ou faire du commerce) des habitants du castrum sancte fidis ou du potentat local avant la densification de l’occupation privée à l’intérieur du rempart. Ils semblent avoir été quasiment tous préservés des destructions malgré l’installation, au fil des siècles, d’habitation au-dessus.

Et à l’extérieur du rempart

Au Moyen Âge, un bourg borde le castrum au sud, structuré autour de la Grande Rue. Le fossé entourant l’enceinte est peu à peu abandonné, pour finir par être comblé au XVIIIe siècle, alors que le rempart est abattu du côté du bourg, pour fluidifier la circulation entre ces deux parties de la ville. La Grande Place (qui deviendra la place Xavier Ricard commerçante) se développe alors.

Le secteur de fouille situé place Xavier Ricard, devant les commerces, a permis de mieux comprendre ce fossé sec et son comblement. Deux sondages profonds ont été réalisés pour rechercher les limites et le fond de ce fossé, pour connaître son mode de mise en place, et confirmer ses dimensions, jusqu’à présents hypothétiques. Le fond de cette structure défensive monumentale a été perçu à 4,87 m dans le sondage principal, confirmant l’hypothèse d’un fossé particulièrement imposant, avoisinant les 15 m de largeur.

Après son comblement, la zone a été transformée en place, expliquant les très nombreux niveaux de préparation de sols et de circulation retrouvés en surface, ainsi que les nombreux creusements récents venus perturber ces niveaux (fosses pour les arbres, réseaux, support de drapeau, etc.).

Le grand fossé sec entourant l’enceinte a également été perçu au sud-est de la place de l’église, à l’extérieur des bâtiments et de leur cave. Il n’a pas été sondé à cet endroit -là, mais il a révélé en surface des aménagements particuliers, notamment les niveaux de circulation liés à une place venue recouvrir le fossé, et un bâtiment inconnu dont ne subsiste que quelques fondations arasées.

L’étude du mobilier archéologique recueilli dans le fossé (fragments de céramique ou d’objets en verre, rejets de faune, notamment de nombreux fragments de mâchoires de bovin issus d’une ancienne boucherie) permettra de mieux comprendre les populations qui ont comblé ce grand trou dans la ville.

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Bordure du fossé entourant l’enceinte, comblé au XVIIIe siècle, et bâtiment le recouvrant. 

© Ellébore Segain, Inrap

Les différentes études en cours sur le mobilier récolté, les informations collectées ainsi que les datations qui seront réalisées ultérieurement permettront de préciser la chronologie et d’affiner les interprétations de ces vestiges découverts sur Sainte-Foy-Lès-Lyon, afin de mieux documenter le cœur de la ville ancienne.

Aménagement : Ville de Sainte-Foy-Lès-Lyon
Contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie (Drac Auvergne – Rhône-Alpes)
Recherche archéologique : Inrap
Responsable scientifique : Ellébore Segain, Inrap
Responsable archéo-anthropologue : Alexia Lattard, Inrap
Responsable du diagnostic : Ellébore Segain, Inrap