Fouillé au XIXe siècle par l’archéologue breton Louis Le Pontois, le tumulus de l'âge du Bronze de Cruguel (commune de Guidel) a fait l'objet de nouvelles investigations par des archéologues de l'Inrap sur prescrition de la DRAC Bretagne. Grâce à de nouvelles méthodes, cette intervention a permis de documenter le tumulus et son environnement.

Dernière modification
21 juillet 2022

Du XIXe au XXIe siècle, de nouvelles méthodes d’investigation archéologique…

Largement détruit par des constructions allemandes datant de la Seconde Guerre mondiale, le monument de Cruguel n’occupait plus aujourd’hui qu’une surface de 110 m2 sur les 530 m2 encore existants au XIXe siècle. Son élévation avait aussi été largement arasée. Ce mauvais état de conservation a conduit le service régional de l’archéologie à prescrire une fouille complète de ce tumulus, mettant en œuvre des méthodes actuelles et permettant ainsi de récolter de nouvelles données. Au XIXe siècle, Louis Le Pontois avait exploré ce monument, mesurant à l’époque 26 m de diamètre et 5,50 m de haut. La tombe centrale avait été entièrement fouillée. Un dépôt contenant trois poignards en bronze et 14 pointes de flèche en silex accompagnait la sépulture. Ces objets sont actuellement conservés au musée des Antiquités nationales de Saint-Germain-en-Laye.

Les recherches de cette année, en convoquant des techniques telles que la photogrammétrie, vont permettre, grâce à des relevés très précis, de reconstituer le volume du monument et toutes les étapes de sa construction. Le recours aux analyses paléoenvironnementales permettra de mieux connaître le contexte naturel de ce secteur au début de l’âge du Bronze : en effet, les prélèvements organiques étudiés par le carpologue (pour les graines) et le palynologue (pour les pollens) fourniront des informations précieuses sur les plantes sauvages ou cultivées présentes, à l’époque, à proximité du monument. Des études micromorphologiques permettront quant à elles de déterminer la provenance des matériaux de construction et leur organisation à l’intérieur du tumulus.

… pour mieux comprendre l’environnement et l’architecture du tumulus

Le tumulus de Cruguel est très caractéristique des monuments funéraires de l’âge du Bronze connus en Bretagne occidentale. Nombreux, ils sont de précieux témoins de la vie des sociétés qui ont occupé cette partie du littoral en ces temps protohistoriques. Si les traces d’habitats s’effacent ou sont au fil du temps enfouies dans le sol, les tumuli traversent davantage les siècles : souvent aménagés sur des points hauts afin d’être vus de loin (et notamment depuis la mer) ils peuvent aussi être circonscrits par des aménagements en pierre qui ont favorisé leur conservation.

Au XIXe siècle, le tumulus de Cruguel, implanté en hauteur et à moins de 500 m de la mer, était encore coiffé de menhirs surmontés d’un très gros bloc de granite. Cette année, la fouille visait à mettre au jour d’éventuels menhirs en granite, périphériques au monument. Si les archéologues n’en ont finalement pas découvert, ils ont cependant mis au jour deux grandes fosses contenant des fragments de céramique décorés ainsi qu’un petit coffre funéraire contemporain du tumulus.

La fouille a également permis de mieux comprendre l’architecture du monument funéraire, constitué d’apports successifs de terres entre lesquelles s’intercalent des niveaux d’argile, destinés à stabiliser et solidifier l’élévation. Ces argiles ont été prélevées à proximité, comme l’attestent les grandes fosses d’extraction découvertes à une vingtaine de mètres à l’est du monument. Une petite structure empierrée, dont la fonction n’est à ce jour pas déterminée, a également été mise au jour à la base du tumulus.

Les archéologues ont surtout eu la bonne surprise de redécouvrir la tombe centrale, heureusement préservée sous les vestiges allemands. De forme quadrangulaire, elle mesurait 4 m de long sur 2,50 m de large et était creusée sur près d'1 m de profondeur. La fouille a permis de montrer que la disposition des blocs qui en constituaient la partie supérieure avait été largement perturbée par l’exploration du XIXe siècle puis par l’effondrement qui avait suivi. Un bloc perforé et un bloc à cupules (formes rondes piquetées dans la pierre) ont quand même été extraits du comblement : leur fonction, peut-être symbolique ou esthétique, pose encore question.

Bloc en micaschiste, perforé découvert dans la tombe.

Bloc en micaschiste, perforé découvert dans la tombe.

© Emmanuelle Collado, Inrap

La suite de l’étude viendra enrichir la connaissance des premières sociétés de l’âge du Bronze, où les tombes dédiées à un défunt unique supplantent les tombes collectives et trahissent une hiérarchisation grandissante.

Aménagement : Privé
Contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie (DRAC Bretagne)
Recherche archéologique : Inrap
Responsable scientifique : Sandra Sicard, Inrap
Directeur adjoint scientifique et technique : Michel-Alain Baillieu