L’opération de fouille du site des « Mézières » a permis la découverte de nombreux vestiges dont 14 fosses contenant des équidés et des chiens datés de la fin de l'âge du Fer. Plusieurs autres occupations anciennes, dont la chronologie s’échelonne du Mésolithique au haut Moyen Âge, ont été révélées par des concentrations de vestiges, préservés dans le fond d’un petit vallon, de part et d’autre d’un ruisseau.

Dernière modification
26 août 2024

Il y a 10 000 ans : une halte de chasse

Les vestiges les plus anciens attestent une présence humaine au Mésolithique, autour de 8000 avant J.-C. L’Europe connaît alors la fin d’une phase climatique froide dominée par un couvert forestier boréal (forêt de résineux). Des chasseurs-collecteurs se sont installés sur le bas du versant est d’une colline, dans un vallon sédimentaire qui a favorisé la conservation des restes. Le campement, fouillé sur une quinzaine de mètres carrés, est une halte de chasse ponctuelle, une occupation légère qui se caractérise par la présence d’outils en pierre miniatures, appelés « microlithes », destinés à armer les flèches. Le reste de l’industrie lithique est majoritairement composée de lamelles débitées à la pierre tendre qui servaient à produire outils et armatures de flèches. On peut rattacher cet ensemble lithique à une phase moyenne du Mésolithique appelée « Beuronien à segments ». En région Centre-Val-de-Loire, les sites de cette période sont rares. Les éléments de comparaison les plus proches se trouvent à Mareuil-sur-Cher et Saint-Romain-sur-Cher. Cette découverte est d’autant plus notable que les vestiges sont bien conservés.

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1 : segment, pièce lithique caractéristique du Mésolithique ; 2 : micro burin sur lamelle, étape de production d’un microlithe.

© M. Pallarès, Inrap

 

D’exceptionnelles lames de silex du Néolithique

Entre 3400 et 2900 avant J.-C., le vallon, et notamment la rive gauche du ruisseau, est investi par un groupe néolithique. En témoignent un niveau de vestiges variés et des fosses dépotoirs. En 2023, lors du diagnostic précédant la fouille, un remarquable dépôt associant 14 lames brutes en silex du « Grand Pressigny » a été découvert. Ces lames caractéristiques étaient toutes produites en Indre-et-Loire, où se situe le lieu d’approvisionnement en matière première. Elles étaient utilisées pour fabriquer des poignards à forte valeur symbolique qui faisaient l’objet d’un commerce sur de longues distances, jusqu’à 900 km d’après les exemplaires les plus lointains.

Si ces productions commencent à être bien connues, paradoxalement, le groupe du « Montet », groupe culturel du Néolithique récent installé dans le secteur de la vallée de l’Indre, demeure méconnu en raison de la rareté des sites détectés. La fouille a donc permis de préciser l’environnement du dépôt de lames, mais aussi d’identifier, parmi le mobilier exhumé, des éléments céramiques qui renvoient vers la culture Peu-Richard, groupe du Néolithique récent installé en Charente-Maritime. Ces indices témoignent d’une sphère d’influence dans le centre-ouest de la France et posent la question des interactions avec le groupe du Montet.

Une densification de l’occupation à l’âge du Bronze

Le secteur est régulièrement occupé durant l’âge du Bronze (2200 à 800 avant J.-C.). Quelques structures et nappes de mobilier, principalement céramique (photo 3) suggèrent la présence d’habitats ou d’appoints de ressources. Le Campaniforme (2500-2300 avant J.-C.) et l’âge du Bronze ancien (2300-1650 avant J.-C.), périodes très peu connues dans la région, sont attestés. Au début de l’âge du Bronze final (1350-1150 avant J.-C.), comme partout en Europe, on assiste à une densification des occupations. À Villedieu-sur-Indre, les vestiges exhumés signalent que les lieux sont occupés au début du Bronze final (1350-1150 av. J.-C.), puis à la fin du Bronze final (950-800 av. J.-C.). Ces datations ont été rendues possibles grâce aux vestiges collectés. Au début de la séquence (début du Bronze final), la vaisselle se distingue par de remarquables décors cannelés couvrants, alors qu’à la fin de la période (fin du Bronze final), les récipients adoptent des décors simples. Un des objectifs de la fouille est donc de mesurer les rythmes d’implantation et d’apprécier la durée de chaque occupation.

Des inhumations à l’âge du Fer

Au premier âge du Fer (800-450 avant J.-C.), le secteur paraît changer de nature et devient un lieu d’inhumations. Sur la rive droite et au bord du ruisseau, un petit enclos funéraire regroupant quatre inhumations a été dégagé ainsi qu’une fosse circulaire recelant les restes de deux cadavres démantelés. Les quatre individus inhumés ont été déposés sur le dos ou le ventre sans aucun mobilier d’accompagnement. Une datation au radiocarbone situe le décès de l’un d’eux à la fin de cette séquence chronologique.

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Inhumation reposant sur le ventre, les bras ramenés vers l’arrière, en position contrainte.

© L. Clausmann, Inrap


 


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Lire : Des chevaux gaulois ont-ils été sacrifiés à Villedieu-sur-Indre ?



 

Une exploitation au Moyen Âge

L'occupation est principalement caractérisée par des bâtiments sur poteau, deux fonds de cabane et des fosses, insérés dans une vaste trame de fossés et un chemin, présent sous la forme d’ornières faiblement ancrées dans le sol, qui longe le ruisseau à l’est de l’emprise. Une petite aire d’ensilage, un puits et un four complètent cette exploitation agro-pastorale. Enfin, quatre sépultures ont été mises au jour dans un des fossés qui limitent l’installation au sud.

Si aucun plan de bâtiment cohérent n'a pu être restitué pour l’instant, les secteurs à forte concentration de trous de poteau matérialisent des zones construites et permettent de localiser l'emplacement des édifices du site.

La fouille des vestiges alto-médiévaux n'a livré que très peu de mobilier archéologique de sorte que les informations chronologiques sont lacunaires. Le site a été occupé sur une courte période entre la fin du Ve siècle ap. J-C. et le VIe siècle. Les nombreux éléments de terres cuites remployés comme calages dans des trous de poteau ainsi que quelques tessons redéposés suggèrent que l’habitat de l’époque mérovingienne s’est développé en périphérie d'un site antique situé hors de l'emprise.

Le site alto-médiéval est assez classique dans sa structure (plusieurs parcelles avec des bâtiments sur poteaux au sein d’un domaine agricole). L’étude de la céramique, des rares objets en bronze (une bague et une agrafe décorée), des fragments de verre et d’un enduit peint permettront de nous éclairer sur le statut de cet habitat.

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Vue de détail du mobilier métallique (bague et attache en bronze) alto-médiéval. 

© Isabelle Pichon, Inrap


Le grand intérêt du site réside dans sa datation. En effet, il s’agit d’une occupation agro-pastorale particulièrement bien conservé ayant fonctionné entre la fin de l’Antiquité et le premier Moyen Âge sur une courte période, du Ve au VIe siècle. Après son abandon, le terrain a été laissé vacant ou à vocation agricole (pacage ou culture) jusqu’à nos jours préservant ainsi les vestiges de l’époque mérovingienne. Celle-ci est rarement aussi bien appréhendée en région Centre Val-de-Loire.

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Datations et plan général du site.

Infographie : © Léa Roubaud, Inrap

Aménagement : Conseil départemental de l’Indre
Contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie (Drac Centre Val-de-Loire)
Recherche archéologique : Inrap
Responsables scientifiques : Hélène Froquet-Uzel, Nicolas Poulain, Maxime Pallarès, Isabelle Pichon