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Une usine sucrière de la seconde moitié du XIXe siècle à Mayotte
Une équipe d'archéologues de l’Inrap met au jour les vestiges de l’ancienne usine sucrière de la concession de Longoni, dans la commune de Koungou à Mayotte.
Avec un premier peuplement humain attesté depuis le VIIIe siècle, l’île de Mayotte, située au sud-est de l’archipel des Comores, présente un riche passé historique et archéologique, témoignant d’une succession d’influences culturelles bantoues d’Afrique orientale, malgaches, austronésiennes et arabo-musulmanes. Ce n’est qu’à partir de 1841, date à laquelle le dernier sultan de Mayotte, Andriantsoli, cède l’île à la France que Mayotte devient colonie française.
Mentionnée dans les archives depuis 1859, Longoni fait partie des quinze concessions de Mayotte équipées d’une usine de transformation du sucre à partir de 1864. Auparavant, les productions de Longoni étaient transformées sur l’usine de Dzoumogné, à une dizaine de kilomètres vers le nord. L’entreprise prendra fin en 1901, suite à une faillite financière en partie due aux cyclones de 1898 qui ravagèrent les cultures de cannes de Mayotte.
Vue générale de la fouille.
© Pierre Thiolas, Inrap
Un ensemble industriel complet
En amont de la construction du lycée des métiers du bâtiment de Longoni, une fouille de 11 900 m2 a été prescrite par la DAC Océan Indien, faisant suite au diagnostic réalisé en 2021 (Nicolas Biwer, Inrap) sur les 6 hectares concernés par le projet. Le diagnostic avait permis de caractériser la presque totalité des éléments constituants de la concession sucrière ; la fouille de 2022 s’attache à mettre au jour l’ensemble de ces vestiges afin d’en établir un plan complet. En parallèle, les machines industrielles les plus complètes vont être déplacées et acheminées vers le musée de Mayotte, en vue de leur conservation et présentation future au public.
Au sud, la partie résidentielle
La maison de maître a été bâtie au sommet d’un promontoire naturel. Cette situation privilégiée permettait d’éviter les désagréments des terrains bas, marécageux en temps de pluie, et offrait une vue complète sur les bâtiments de production. L’emplacement avait été rehaussé par un large mur de soutènement qui devait conférer au site, vu depuis l’unité de travail, un aspect défensif. Il était accessible uniquement par un étroit escalier.
Escalier d'accès au promontoire résidentiel.
© Jean-Baptiste Lauwereys, Inrap
Couvrant près de 300 m2 au sol, la maison d’habitation était pourvue d’une varangue sur chaque façade, au nord et au sud, accessibles par un escalier de quelques marches. Seules les fondations et une à quatre assises d’élévations subsistent. Quatre blocs de basaltes taillés constituent les angles du bâtiment ; les murs sont constitués de blocs et tronçons d’orgues de basaltes, dont de nombreux affleurements existent sur l’île, liés au mortier de chaux de corail. Deux bâtiments et un four domestique constituaient les dépendances de l’habitation. Une cave à vin, qui a été retrouvée pleine de bouteilles de vins et de divers spiritueux, avait été aménagée contre l’un d’eux.
Cave à vin.
© Jean-Baptiste Lauwereys, Inrap
Deux bâtiments d’habitation de moindre dimensions se trouvent sur la pente est de la colline. Ceux-ci pouvaient servir à loger des travailleurs spécialisés dans la maintenance des machines et un contremaître.
Au sud-est, une étable ?
En bordure de rivière, une zone d’environ 300 m2, encore en cours de fouille, a livré un ensemble de trous de poteaux et de fosses. Le plan définitif permettra de déterminer s’il s’agit d’un ou de plusieurs bâtiments. La position de cet emplacement, proche de la rivière et entre les champs de culture au sud et l’usine au nord, pourrait avoir été choisi pour accueillir une étable et une remise pour les zébus et charrettes destinés au transport des produits agricoles.
Un trou de poteaux.
© Jean-Baptiste Lauwereys, Inrap
Au nord-est, un atelier et des constructions annexes
Un vaste bâtiment rectangulaire, correspondant à l’atelier de réparation et de maintenance, présente encore un bâti de tour parallèle, scellé sur son emplacement d’origine. Cinq fondations de structures rectangulaires, longues de 18 m et larges de 1,3 m, pourraient correspondre à des séchoirs à cannes. Un bâtiment fermé, pourvu d’un sol de béton de chaux sur hérisson de galets, pouvait servir à conserver le stock de sucre avant son expédition. Sur cet espace ont été également trouvés deux fossés profonds permettant d’évacuer les eaux de l’usine vers la rivière. Le système d’alimentation en eau de l’usine, en cours d’étude, était constitué d’un captage en bord de rivière, l’eau étant acheminée par une canalisation métallique.
Caniveau.
© Jean-Baptiste Lauwereys, Inrap
À l’ouest, l’unité de production
La seule partie de l’usine entièrement fouillée à ce jour correspond à des niveaux de sols pavés et à diverses structures, dont une fosse de stockage de chaux, entourant un accès souterrain d’alimentation en chauffe.
Une première pièce encavée, de plan rectangulaire (3,5 m par 4,5 m), était accessible par un escalier. Le bois était ensuite acheminé jusqu’à la structure de chauffe par un couloir voûté. Massivement détruite, un départ de cette voûte de pierre est encore visible sur le mur nord. La cheminée de l’usine, magnifique ouvrage en pierre, sera restaurée et conservée dans le projet.
Fosse de stockage de chaux.
© Jean-Baptiste Lauwereys, Inrap
Accès au souterrain.
© Jean-Baptiste Lauwereys, Inrap
Cheminée de l'usine.
© Marie-Hélène Jamois, Inrap
Contrôle scientifique : DAC Océan Indien
Recherche archéologique : Inrap
Responsable scientifique : Marie-Hélène Jamois, Inrap