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Une occupation gauloise à Villeneuve-sur-Lot (Lot-et-Garonne)
À Villeneuve-sur-Lot (Lot-et-Garonne), chemin de Rouquette, l'Inrap a fouillé en 2017 une agglomération de la Tène finale déjà bien documentée grâce aux différentes fouilles et diagnostics qui ont eu lieu depuis les années 70. Retour sur cette fouille au cœur d’une ancienne agglomération gauloise qui a précédé la conquête romaine et une importante occupation antique.
À Villeneuve-sur-Lot (Lot-et-Garonne), chemin de Rouquette, une fouille de 1000 m² réalisée par l'Inrap en 2017, préalable à la construction d’une maison d’habitation, a apporté de nouvelles connaissances sur une agglomération de la Tène finale, Eysses, qui s'est développée aux lieux-dits du Cap de Lhomme, de la Dardenne, de Ressigué et de Rouquette.
Quatre phases de cette période ont été mises en évidence au cours de la fouille. Elles s’étalent de la première moitié du IIe siècle avant notre ère à la période augustéenne précoce. Deux bâtiments semblent suivre une trame urbaine observée plus à l’est. Le terrain est ensuite mis en cultures. Ces cultures semblent abandonnées au cours de la dernière phase. La présence d’ateliers de métallurgie aux pourtours de l’emprise est attestée. La fouille d’un puits par la Cellule d'intervention sur les structures archéologiques profondes (CISAP) a permis quelques analyses paléoenvironementales.
Quatre phases d’occupation
Quatre-vingt-treize structures ont été mises au jour lors de la fouille, soient cinquante-quatre fosses, dont seulement moins d’une dizaine de fosses dépotoirs, trente-deux trous de poteau ou petites fosses, trois puits et trois fossés. Un seul niveau de circulation appartenant à la deuxième phase était conservé. L’étude de la céramique récoltée dans les quelques fosses dépotoirs au nord et au centre, ainsi que dans les niveaux d’abandon et le comblement de trois puits, a permis de proposer un phasage de l’occupation du site.
La phase 1, la plus ancienne, peut être attribuée à la première moitié du IIe siècle avant notre ère. Elle est représentée par un ensemble de fosses localisées au nord du site et la moitié du terrain est occupée par deux bâtiments qui présentent un alignement déjà reconnu depuis 2009 à la Dardenne.
La phase 2 se situe dans le troisième quart du IIe siècle avant notre ère. Les puits se succèdent au cours de cette phase. La présence de nombreux déchets sidérurgiques laisse supposer une continuité de cette activité artisanale à proximité.
La phase 3 est située dans les deux derniers tiers du Ier siècle avant notre ère. Le terrain dédié à la culture céréalière est associé à un amendement de fumiers organiques et à un travail du sol, mis en évidence par l’étude pédo-sédimentaire. Les alentours proches et distants ont été déboisés. Cette déforestation a été identifiée par l’étude géomorphologique et renforcée par l’absence de pollen d’arbre dans le comblement du puits étudié.
Enfin, la phase 4 concerne la période augustéenne précoce. Quelques fosses au centre de l’emprise laissent supposer un abandon des cultures. La quantité de déchets sidérurgiques dans le comblement de ces structures atteste que le fer brut était épuré aux abords du site et les fragments de scories en culot semblent indiquer que la fabrication d’ustensiles devait également se dérouler sur place. L’étude de déchets permet de fournir les caractéristiques des bas fourneaux employés, d’un diamètre interne de 25 cm environ, pourvus d’un système d’évacuation de la scorie, comme le démontre des canaux d’évacuation.
Une seule structure, Fs50, peut être associée à l’activité sidérurgique. Son niveau d’abandon est très riche en micro-déchets magnétiques.
Hélène Silhouette
Les puits
Au sud de l’emprise, trois puits se succèdent au cours de la phase 2. Un premier puits (Pt350) est creusé dans un fossé (Fs510) déjà partiellement comblé. Cette structure de la phase 1 pouvait canaliser ensuite les eaux vers le puits. Seul le stockage de l’eau de pluie et le captage de la nappe pouvait subvenir aux besoin d’une habitation. Ici, la nappe phréatique a un faible débit et les sédiments, dans lesquels les puits sont creusés, sont imperméables.
Le puits Pt350 avant d’être fouillé par le CISAP.
Hélène Silhouette
Par la suite, au moins deux puits se succèdent. Ils sont creusés dans, puis en bordure, d’un nouveau fossé, dont l’unique fonction pouvait être le drainage de l’eau de pluie et de ruissellement vers les puits. Ce seraient donc bien des puits/citernes. La présence de plantes aquatiques et de mousses dans les derniers niveaux de fonctionnement et de NPP (Non-Pollen Palynomorphe) a conforté cette hypothèse.
Seul un puits a pu être entièrement fouillé (Pt750). Il possédait un cuvelage d’une conception originale, peu courante pour cette période. Il est composé de poteaux et de bastings (madriers) verticaux, retenus par entretoises, et diffère des cadres empilés tels qu’ils ont été retrouvé à la Dardenne en 2009.
Le puits Pt750. Les négatifs de poteaux qui devaient retenir le cuvelage sont déjà visibles.
Hélène Silhouette
La cartographie des quartiers artisanaux de l’agglomération gauloise d’Eysses était déjà bien documentée grâce aux fouilles précédentes. L’étude de ce site a apporté quelques nouveaux éléments sur l’urbanisme et plus de détails sur l’évolution d’une occupation d’une parcelle de 1000 m² avant la conquête. Plusieurs fouilles sont déjà prescrites ou planifiées dans un rayon de 100 m autour du site de Chemin de Rouquette. Les ateliers de métallurgie seront certainement impactés et la fouille de nouveaux puits confortera ou non les résultats palynologiques liés à la déforestation au cours des deux derniers tiers du Ier siècle avant notre ère, qui a pu être liée à cette activité sidérurgique.
Recherche archéologique : Inrap
Contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie (Drac de la Nouvelle Aquitaine)
Responsable scientifique : Hélène Silhouette