À Plougonvelin, l’Inrap a mis au jour une importante nécropole du début de l’âge du Bronze (entre 2000 et 1600 ans avant notre ère). D'une grande variété architecturale et en bon état de conservation, ces sépultures vont permettre d'affiner nos connaissances sur les cimetières de coffres du Bronze ancien armoricain.

Dernière modification
18 décembre 2020

Depuis octobre 2020, une équipe de l’Inrap mène une fouille sur la commune de Plougonvelin (Finistère), dans le cadre d’un futur projet immobilier. Les archéologues ont mis au jour une importante nécropole du début de l’âge du Bronze (entre 2000 et 1600 ans avant notre ère). A ce jour, une cinquantaine de sépultures ont été dégagées sur près de 1800 m². Si d’autres ensembles funéraires de ce type existent très probablement en Bretagne, c’est la première fois que l’on a l’opportunité d’étudier un site d’une telle ampleur. Il faut effectivement rappeler qu’à l’échelle régionale les travaux sur les pratiques et les architectures funéraires du Bronze ancien ont, depuis le XIXe siècle, surtout porté sur les innombrables tumulus armoricains. Parallèlement à ces monuments funéraires, des nécropoles de coffres comme celles du Bono dans le Morbihan (fouille L. Juhel) ou de Santec dans le Finistère (fouille Y. Lecerf) sont malgré tout connues mais restent, en l’état actuel des recherches, moins fréquentes et moins documentées.

Des tombes à coffre

L’existence de la nécropole de Plougonvelin est soupçonnée depuis la fin des années 1950 avec la découverte régulière, lors de divers travaux, de tombes en coffres aux abords de la rue du Plateau et de l’emprise du projet. L’ensemble funéraire, dont l’étude vient de s’achever sur le terrain, est remarquable à plus d’un titre et offre de nombreuses perspectives de recherche.


Outre la quantité des sépultures dégagées (55 à ce jour), leur variété architecturale est à souligner. Des tombes à coffre de pierre, des tombes à coffre en bois, des tombes associant coffre en bois et parements de pierre ont ainsi été dégagées. Témoignent-elles d’une évolution de l’espace funéraire sur une longue période ? Du statut des défunts ? Les études à venir devraient permettre de le préciser. L’organisation générale de l’espace funéraire est également remarquable. Des alignements ou des concentrations de tombes alternant avec des zones vides témoignent d’une gestion de l’espace et de regroupements particuliers. En l’état actuel, cette structuration ne semble par marquer des différences chronologiques et mais correspond plus vraisemblablement à des regroupements de type familiaux ou communautaires. Ils pourraient alors alimenter les problématiques autour de la hiérarchisation des sociétés du début de l’âge du Bronze. Il est à souligner qu’aucun recoupement de sépultures n’a été observé, ce qui suggère qu’elles étaient matérialisées en surface du sol par un cairn, une stèle ou tout simplement par leur dalle de couverture.

Un squelette de femme

Le bon état de conservation de la plupart des tombes offre aussi de nombreux éléments sur les méthodes et techniques de construction alors utilisées. Les roches employées pour la fabrication des coffres (micaschiste, orthogneiss, granodiorite) semblent, d’après les premières observations, provenir des environs immédiats. Certains coffres dont les dalles de pierre sont parfaitement ajustées, témoignent d’une volonté d’éviter les infiltrations de sédiment. Cependant, au fil du temps, ces tombes ont fini par se remplir de limon. Les terres du secteur étant particulièrement acides, les corps ont été entièrement dissous. Seul un de ces coffres, resté parfaitement étanche, a livré les restes d’un squelette assez bien conservé. Les observations anthropologiques réalisées in situ indiquent qu’il s’agirait d’une femme adulte déposée sur le côté droit en position fœtale. Il semble aussi que le corps était placé dans un contenant en matière périssable de type panier. Vu le bon état de conservation des ossements, des analyses isotopiques et ADN sont prévues afin d’apporter des précisions quant au régime alimentaire et l’origine de la défunte.

Une étude prometteuse

Très peu de mobilier archéologique a été découvert au sein des sépultures. Une céramique mise au jour dans l’une d’elles ne correspond sans doute pas à un viatique mais plus vraisemblablement à un vase funéraire utilisé comme contenant du corps d’un immature. Pour ce qui concerne les rituels funéraires, les lits de sable marin déposés au fond de la plupart des coffres en pierre et parfois les apports de galets marins sont à noter. Si de tels gestes restent difficiles à interpréter, une symbolique liée à la mer toute proche peut éventuellement être envisagée.

En l’absence de mobiliers archéologiques associés, d’éléments stratigraphiques suffisants, il sera sans doute difficile de proposer une chronologie fine de la nécropole de Plougonvelin. En revanche, les études à venir sur la typologie et l’organisation des différentes sépultures ainsi qu’une approche comparative avec d’autres ensembles funéraires de la région viendront certainement compléter et affiner nos connaissances sur les cimetières de coffres du Bronze ancien armoricain.

Une attention particulière sera également portée sur l’environnement archéologique de la nécropole. Plusieurs fouilles récentes ont effectivement montré que, lorsque les vestiges funéraires de l’âge du Bronze sont étudiés à partir d’une plus grande fenêtre d’observation, des sites d’habitat, des systèmes agraires voire des axes de circulation anciens, sont régulièrement observés à proximité. Autrement dit, les nécropoles ne sont pas nécessairement isolées mais peuvent être étroitement associées au monde des vivants. La nécropole de la rue du Plateau sera enfin replacée dans un cadre géographique et topographique élargi afin d’aborder cette question des territoires et de mieux évaluer son statut. En effet, tout comme les habitats, les sites funéraires peuvent au travers de leur ampleur ou de leur implantation stratégique à l’échelle des territoires, constituer de bons indicateurs de l’organisation ou du statut social des populations qui les ont aménagés et utilisés.

Nécropole de la rue du Plateau en cours d’étude

Nécropole de la rue du Plateau en cours d’étude

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S. Blanchet, Inrap

Aménageur : privé
Contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie (Drac de Bretagne)
Recherche archéologique : Inrap
Responsable scientifique : Stéphane Blanchet, Inrap