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Une fouille au cœur de la ville historique de Saint-Quentin (Aisne)
Une équipe de l'Inrap fouille le parvis de la Basilique de Saint-Quentin et met au jour les vestiges de l'église Saint-André attestée avant l’an 1000, et des vestiges de l'époque moderne, dont ceux de l'ancienne maison canoniale et de l’ancien grenier de la Fabrique. La fouille a également révélé des vestiges de la tourelle d’escalier nord de la façade de l’abbatiale carolingienne et permis diverses observations sur l’évolution de la basilique, du début du IXe au XVe siècle.
Au cœur du centre-ville de Saint-Quentin, une fouille de 10 000 m2 a démarré en mars 2022 pour une durée d’au moins dix-huit mois. Située sur le point haut de la ville, l’opération vise à accompagner le projet de requalification porté par la Ville du parvis de la Basilique, du square Quentin de La Tour et de ses alentours. Elle est limitée vers le nord par l’îlot Lepilliez-Dubois et se trouve bornée, d’est en ouest, par la place des Enfants de Chœur, la rue Quentin de La Tour et la rue Adrien Nordet.
Vue générale de la zone 1a ; vue prise depuis la tour-porche de la Basilique.
© Luc Couvée, ville de Saint-Quentin
Le parvis de la Basilique se situe dans l’ancien « Bourg » médiéval dans lequel s’érigeait le monastère abritant la tombe supposée du martyr Quentin. Ce quartier a été densément bâti jusqu’en 1917-1918, avec un empilement d’occupations sur plusieurs mètres d’épaisseur accumulés depuis que la ville existe. Il a été presque entièrement détruit par les combats de la Première Guerre mondiale.
Emprise et zonage de la fouille.
© Inrap
Les vestiges de l’église Saint-André
Les premières zones de fouille ont concerné le bas-côté nord de la Basilique et sa jonction avec la rue Adrien Nordet (1580 m²). Les archéologues ont mis au jour les vestiges de l’église Saint-André, attestée avant l’an 1000, et élevée au rang d’église paroissiale en 1214. Il s’agissait de l’église principale de la ville après la Basilique. Les archéologues ont pu dégager, malgré la superficialité des cotes de terrassement à respecter, les fondations de son chevet à pan coupé et de quelques-unes de ses piles intérieures.
Orthophotographie de la zone 1a.
© Rudy Debiak, Inrap
Quelques sépultures appartenant au cimetière paroissial ont été repérées et fouillées sur un espace d’une dizaine de mètres carrés non remanié par l’installation des bâtiments privés avec caves à partir de 1796, sur les vestiges arasés de l’ancienne église. On notera la présence de dépôts de vases funéraires dans ces tombes qui datent du début de l’époque moderne.
Vue générale des sépultures en cours de fouille.
© Luc Couvée, photographe, Mairie de Saint-Quentin
Sépultures en cours de fouille.
© Luc Couvée, photographe, Mairie de Saint-Quentin
Sépulture en cours de fouille.
© Estelle Pinard, Inrap
Des vestiges de l’époque moderne
La fouille de ces zones a également permis de dégager les façades sud d’une ancienne maison canoniale et de l’ancien grenier de la Fabrique qui donnaient sur la ruelle du Labon. Mises en place en 1717 sur l’emprise d’une maison canoniale, les fondations en blocs de craie de ces greniers comportaient des blocs taillés et sculptés en remploi et notamment deux fragments d’une statue funéraire représentant un chanoine (décédé en 1498) en prière.
Fragment d’un monument funéraire (chanoine en prière, portant l’aumusse sur le bras, décédé en 1496) en remploi dans les fondations du grenier de la Fabrique construit en 1717.
© Cyril Debruyne, Inrap
D’autres bâtiments installés à partir de 1796 sur les vestiges arasés de l’église Saint-André ont été révélés. Ceux-ci ont fait l’objet d’un arasement complet au début des années 1920 lors de la reconstruction/restructuration du centre-ville qui vit le dégagement des abords immédiats de la Basilique (création du parvis et du square Quentin de La Tour) et le percement de la rue Adrien Nordet.
De la tour nord de la façade occidentale de l’abbatiale carolingienne (IXe siècle) au projet de façade monumentale à deux tours du XVIe siècle
Lors des diagnostics et de la fouille de 2022, les archéologues ont réalisé des observations sur l’évolution de la basilique.
Au droit de la tour-porche, contre l’extrémité occidentale du collatéral nord, affleurent les vestiges de la tourelle d’escalier nord de la façade de la nouvelle église commencée par l’abbé Fulrad peu après son arrivée en 814. Ces éléments permettent de préciser les contours de l’abbatiale carolingienne – avec chevet, crypte en abside, transept et massif occidental à deux tours –, qui se rapproche du plan de l’église de Saint-Denis (fin VIIIe siècle).
Comparaison du plan restitué de l’abbatiale carolingienne par Christian Sapin (à gauche) et la nouvelle proposition faite par Christophe Hosdez (Inrap) suite à la découverte des tourelles d’escalier lors de sondages réalisés en 2021.
© C. Hosdez, Inrap
La longueur depuis l’abside jusqu’aux deux tourelles d’escalier est de plus de 71 m. Ses dimensions restituées correspondent sensiblement à celles de grandes abbatiales ou cathédrales, construites entre 780 et 850, comportant une crypte et un chevet développé et adapté au culte des reliques. Ces caractéristiques évoquent les édifices de Saint-Denis (fin VIIIe siècle), Saint-Riquier (790-799), Cologne, Saint-Gall (vers 830) ou Saint-Germain d’Auxerre (840-860).
La fouille a également révélé un important massif de fondation qui témoigne du projet d’une nouvelle façade à trois portails intégrant la tour-porche, initié à la fin du XVe siècle.
Le 16 août 1493, le Chapitre ordonna la démolition de la tour-porche et la préparation de matériaux nécessaires à la construction d’une nouvelle façade pour la Collégiale.
La pose de la première pierre a eu lieu le 30 avril 1509, en présence de l’évêque de Laon, Mgr Charles de Luxembourg, mais cette campagne de travaux ne dépassa pas le niveau des substructions, par manque de fonds.
Massif de fondation témoignant du projet de nouvelle façade à trois portails intégrant la tour-porche, initié à la fin du XVe siècle ; l’assise supérieure a été entaillée par des tranchées de canalisations installées dans la première moitié du XXe siècle.
© J.-J. Thévenard, Inrap
La suite de l’opération
A partir de début mai 2022, la fouille va se concentrer sur une zone (3) où les attentes archéologiques sont les plus fortes, avec notamment la présence du cloître adossé à la Basilique et de nombreuses constructions appartenant au quartier canonial.
Plus d'infos
Contrôle scientifique : Service Régional de l’archéologie (Drac Hauts-de-France)
Recherche archéologique : Inrap
Responsable scientifique : Jean-Jacques Thévenard, Inrap
Responsable d'opération adjoint : Cyril Debruyne