À Villarodin-Bourget, l'Inrap a fouillé une série d'habitats, des enclos et une chapelle à l'emplacement du site médiéval des Tierces. Ce village attesté dès le début du XIIIe siècle a possiblement été déserté lors des guerres de religion. 

Dernière modification
11 janvier 2023

Les travaux d’aménagement liés au percement du Tunnel Euralpin Lyon Turin (TELT) nécessitent la construction de plateformes affectées au stockage de matériaux, comme celle des Tierces, à Villarodin-Bourget. Les fondations de murs et les autres structures repérées en diagnostic en novembre 2020, ont fait l’objet d’une prescription de fouille, qui s’est déroulée du 4 juillet au 23 septembre 2022.

Le site médiéval des Tierces (XIVe-XVIe s.) 

Le site médiéval des Tierces est localisé à l’extrémité orientale d’un petit plateau surplombant la vallée de l’Arc et s’organise autour de plusieurs unités d’habitation arasées, d’un chemin médiéval, d’une chapelle et d’un chemin creux contemporain, dans un terrain pentu, entre 1130 m et 1148 m d’altitude.

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Vue générale du site de Villarodin-Bourget, les Tierces. 

© Guillaume Martin/Inrap

Les premières sources historiques signalent le lieu-dit, « In Tertiis » en 1214, puis au XVe s., dans des comptes de châtellenies, mais il faut attendre 1539 pour rencontrer la première mention du village « villagium Tertiarum » des Tierces. Au XVIIIe s., une seule mention signale « la chapelle de St-Jacques en colline au mas des Tierces » sur un registre lié à la Mappe sarde, sans autre précision de l’existence d’un village, ce qui supposerait qu’il avait disparu. La tradition historique du XIXe s., révèle que la chapelle Saint-Jacques aurait été construite vers 1661, en remplacement d’une chapelle médiévale non localisée. Tous les bâtiments sont construits en pierres de provenance locale, extraites du rocher localisé à 90 m à l’ouest du site, ou issues de carrières proches et d’éboulis de pente. Les murs sont liés par du mortier de terre ou du mortier de chaux provenant du four à chaux localisé près du rocher.

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Visite du public de la fouille.

© Tunnel Euralpin Lyon Turin – Caroline Mouraux

Le secteur 1 au nord est caractérisé par plusieurs ensembles de bâtiments et d’enclos. Les vestiges de murs étaient recouverts par une couche de démolition et de sédiments argileux issus de ruissellements, de 0,40 m à plus de 2 m par endroits. L’ensemble nord s’organise autour de fondations de murs (bâtiments 1 et 2) délimitant deux espaces de 12,50 m de long E/O sur 8 m de large. Une cave dotée d’une niche murale a été dégagée dans le bâtiment 2, ainsi que trois niveaux de sols. Un possible enclos (n°3) flanque le bâtiment 2 au sud, dans lequel s’insère un bâtiment enterré (n°4) dont la voûte s’est effondrée. Sous la couche de démolition de la cave du bâtiment 2, quelques tessons datés du XVIe s., ont été ramassés.

À 2 m environ au sud de l’enclos n°3, trois bâtiments arasés ont été partiellement dégagés, il s’agit des bâtiments 5, 6 et 7. Ils sont orientés est-ouest et les fondations de murs reconnues sur quelques mètres. Au sud, le bâtiment 7 (70 m2) conservait sous la couche de démolition, plusieurs calages de poteaux dans les angles. Des niveaux de sols plus ou moins compacts ont été repérés en périphérie ou à l’intérieur des bâtiments. A 3 m au sud, le dernier ensemble de bâtiments est le mieux conservé, il s’agit des bâtiments 8 à 12, tous contigus les uns aux autres, caractérisés par des niveaux de sols, des calages et un grand foyer de plus d’1 m2 de surface (bâtiment 10). Les bâtiments 8 et 9 (54 m2) étaient accessibles au nord par un seuil ; le bâtiment 10 (35 m2) était limité au nord et au sud, par deux murs épais construits partiellement en arête de poisson avec dans la partie haute des encoches de support de plancher à 2,30 m au-dessus du sol de fouille. Une niche murale a été dégagée dans le mur sud ainsi qu’un conduit d’évacuation sur le côté nord du bâtiment 10.

Des seuils permettaient de circuler entre les bâtiments 8, 9, 10 et 12. Le mobilier céramique et faunique conservé dans les sols du bâtiment 10 s’est révélé plus abondant qu’ailleurs. Les bâtiments 11 et 12 n’ont pas été explorés. Le bâtiment 13, au sud présente au moins deux états de construction. Contemporain de l’occupation médiévale, un chemin creux reconnu sur environ 40 m d’est en ouest a été dégagé au sud-ouest de la chapelle moderne. Du mobilier métallique et une monnaie du comte, puis duc de Savoie, Amédée VIII (1383-1451) ont été retrouvés en surface de la bande de roulement. 

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Villarodin-Bourget, les Tierces, secteur 2, vue générale d’un mur installé dans un puisard.

© Mélodie Cosse/Inrap

Le secteur 2 (bâtiments 14 à 22) couvre environ 750 m2, limité à l’ouest par deux dolines d’effondrement et à l’est par une cave voûtée semi-enterrée et le foyer F2009  sur dalle de schiste. Au centre du secteur 2, les bâtiments 14 et 20 sont fondés sur des puisards comblés de blocs de toutes tailles. Au nord, un petit bâtiment quadrangulaire semi-enterré (n°17) a été dégagé, il comportait une niche murale, un seuil et un niveau de sol sous la couche de démolition qui peut être datée du XVIe s., par de la céramique. Des espaces de circulation (n°14, 15 et 18) sont à envisager en périphérie et au centre de l’ensemble bâti. Le bâtiment 19 en appui contre le mur M2022, orienté nord-sud, les murs délimitent une pièce rectangulaire de 25 m2, comblée de chaux, de charbons de bois et d’une argile compacte de décantation. Ce bâtiment a fait l’objet de deux phases de construction avec un agrandissement vers l’est et l’installation d’un niveau de sol. Une planche de 2 m de long, servant de probable assise de réglage, ou de renfort dans un des murs a été prélevée.

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Villarodin-Bourget, les Tierces, secteur 2, vue générale du bâtiment 19 avec le mur M2022 en coupe.

© Mélodie Cosse/Inrap

Au sud, en appui entre l’espace 18 et le bâtiment 22, le bâtiment 21 (63 m2) est divisé par un mur de refend arasé, la fonction de cet espace reste inconnue. Le bâtiment 22 (190 m2) qui est accolé au bâtiment 22, présente à l’extrémité orientale des sections de murs semi-circulaires, sans liaison stratigraphique, en appui sur un mur antérieur d’environ 1 m de large, chaîné avec un mur construit en palier dans la doline sud. La fonction de ce bâtiment reste inconnue, mais les sections de murs semi-circulaires peuvent orienter vers un bâtiment à fonction religieuse, construit en plusieurs phases, mais d’autres interprétations sont possibles. La proximité des murs avec la doline pourrait suggérer l’hypothèse d’un enclos, fermé à l’est.

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Villarodin-Bourget, les Tierces, secteur 1, chapelle Saint-Jacques.

© Guillaume Martin et Mathilde Duriez/Inrap

La chapelle Saint-Jacques et le chemin creux occupent une position centrale entre les deux secteurs. De plan rectangulaire, la chapelle conservait quelques éléments de décor intérieur en stuc sous les lauzes de couverture. Elle s’appuie en fondation sur le bâtiment médiéval n°13 au nord. Plusieurs phases de construction de la chapelle ont été repérées à la fouille. Le chemin creux a été reconnu sur 110 m, orienté NE-SO, il mesure 2 m de large, et était cantonné de murets de terrasse.

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Villarodin-Bourget, Les Tierces, secteur 1, vue en coupe du chemin creux F1078 avec les deux murs de terrasse.

© Bruno Robert/Inrap

La fouille de cet habitat déserté du bas Moyen Âge s’est avérée enrichissante quant à la localisation géographique du site par rapport à la topographie, à son environnement et à son identification. Habitat permanent, le village a pu être déserté au moment des guerres de religion. L’absence de mobilier aussi bien céramique, que métallique tendrait à indiquer que les habitants ont préparé leur déménagement en emportant tout ce qui pouvait resservir, même le bois de construction, seul le mobilier fragmenté a été abandonné sur place ; à moins que le mobilier n’ait été jeté dans la pente au nord-est du site.

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Fouille en cours des bâtiments du secteur 2.

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Tunnel Euralpin Lyon Turin – Caroline Mouraux

Aménageur : SAS TELT
Contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie (Drac, SRA Rhône-Alpes)
Recherche archéologique : Inrap
Responsable scientifique : Michel Goy, Inrap