À Metz, la fouille du quartier du Sablon, aux abords de la rue Mazarin, révélerait les vestiges du faubourg Saint-Arnould, rasé en 1552 lors du siège de la ville par Charles Quint. Le quartier est situé sur un plateau séparant les vallées de la Moselle et de la Seille, dont le sous-sol est composé de sables et de graviers.

Chronique de site
Dernière modification
04 décembre 2017

Il est connu des archéologues pour les innombrables découvertes réalisées au XIXe siècle et au début du XXe siècle, grâce aux chantiers d'envergure qui en changèrent la topographie : travaux du Génie militaire, percement de la première liaison ferroviaire, ouverture de sablières et de ballastières ou encore construction de la « Nouvelle Ville » lors de la première annexion à l'Allemagne en 1870. Mais ces découvertes se rapportaient alors principalement à des vestiges funéraires de la période antique : sarcophages, cercueils en plomb, stèles, monuments et petit mobilier... La fouille menée par les archéologues de l'Inrap, avant un aménagement immobilier, renouvelle totalement les connaissances sur ce secteur.

Cruche à une anse découverte dans le remplissage d’une latrine d’une maison médiévale, Metz (Moselle), 2012.  Les fouilles menées rue Mazarin ont délivré les vestiges inattendus d'un faubourg médiéval dont la destruction serait liée au siège de Metz par l

Un vaste cimetière médiéval

Sur un peu plus de 800 m², plus d'une centaine d'inhumations, d'adultes et de jeunes enfants, ont été étudiées. Parmi ces tombes, alignées selon une orientation ouest-est, une seule peut être attribuée à la fin de l'Antiquité, au regard du coffre confectionné à l'aide de tuiles plates (tegulae). Quelques individus sont accompagnés d'un mobilier caractéristique des VIe et VIIe siècles (vase, fibules, boucles...), certains ont été inhumés dans des cercueils en bois, avec ou sans linceul, comme le prouvent les alignements de clous et la position des corps. Cette diversité de traitement atteste une utilisation du cimetière durant plusieurs siècles au Moyen Âge. De nombreux restes humains ont été brassés dans les terres des remblais, conséquence, semble-t-il, des extractions de sable et de gravier pratiquées sur le site au cours des siècles. Les anthropologues ont observé d'autres pratiques : des ossements étaient regroupés dans des fosses, voire réimplantés dans les tombes d'origine.
Au premier Moyen Âge, les établissements religieux et les cimetières étaient situés en dehors des villes. La liste stationale des établissements religieux, datée de la première moitié du VIIIe siècle, suggère la présence d'au moins quatre édifices cultuels dans un rayon de quelques centaines de mètres autour du site : les abbayes Saint-Arnould et Saint-Clément, et les églises Saint-Laurent et Saint-Amand, qui seront rasées lors du siège de Charles Quint pour faciliter la défense de Metz. Certaines seront reconstruites à l'intérieur des murs de la ville, comme Saint-Arnould, à l'emplacement de l'actuel Cercle des officiers.

Les faubourgs médiévaux

Les vestiges des habitations médiévales, datées du XIIIe au XVIe siècle, constituent la découverte la plus inattendue. Le diagnostic, première étape d'identification de vestiges avant la fouille, n'avait pas laissé envisager de telles substructions. Les maisons sont situées à l'emplacement de fosses d'extraction de sable utilisé pour confectionner les mortiers employés lors de l'édification du faubourg. Les fosses ont livré un abondant mobilier - tessons de céramique, squelettes d'animaux, objets métalliques - relatant les activités domestiques des occupants du faubourg.
Le premier îlot est constitué de caves, de latrines et d'un sol en terrazzo (béton), marques d'un mode de vie urbain. L'agencement des vestiges laisse présager l'existence de maisons mitoyennes implantées le long de la rue Mazarin. Cet ancien chemin, aujourd'hui une impasse, correspondrait à un axe de circulation antique.
À proximité, l'étude des vestiges d'une autre habitation a permis d'observer au moins quatre phases de construction, évoquant l'évolution du quartier sur au moins trois siècles. Pourvue de sols en terrazzo ou en terre battue et de plusieurs pièces organisées en travées, cette maison offre une architecture qui pourrait être héritée du monde rural, à l'image des fermes traditionnelles lorraines. L'identification de certains équipements, tels que l'emplacement d'escaliers et de placards, enrichit les connaissances sur les modes et les techniques de constructions du haut Moyen Âge.

Metz aux mains de la couronne de France

La fouille de la rue Mazarin est la première à livrer des vestiges de ce faubourg dont la destruction serait liée au siège de Metz par les troupes de Charles Quint en 1552. Les sources historiques nous apprennent que cinq des faubourgs, dont le faubourg de Saint-Arnould et une quarantaine d'édifices religieux, furent totalement rasés pour permettre la mise en place du glacis défensif, sous les directives du duc François de Guise. Cet épisode marque le passage de la ville de Metz aux mains de la couronne de France. Ensuite, pendant plus de deux siècles, les terrains sablonneux serviront de substrat à la culture maraîchère et aux vignobles. Ne subsistèrent que quelques habitations dispersées avant la formation de la commune qui n'intervint qu'en 1802.

Les apports de la post-fouille

Une fois la fouille achevée, les données recueillies seront analysées par les spécialistes : céramologue, anthropologue, carpologue, archéozoologue... Ces études post-fouille permettront d'affiner la chronologie de l'occupation et de préciser l'état sanitaire et le mode de vie des habitants (pratiques alimentaires, activités...).
L'urbanisation du quartier sera étudiée au moyen des plans des vestiges et des plans anciens, comme les techniques de construction et les matériaux utilisés. Enfin, les vestiges seront confrontés aux sources historiques qui fourniront sans nul doute, de précieuses informations pour la connaissance de ce faubourg.
 
Aménagement : ICF Nord-Est
Contrôle scientifique : Service régional de l'archéologie (Drac Lorraine)
Responsable scientifique : Sébastien Viller, Inrap