Vous êtes ici
Découverte d’une nouvelle aire funéraire du second âge du Fer à Bobigny (Seine-Saint-Denis)
Dans le cadre de suivis de travaux pour la construction de réseaux urbains et de jardinières à Bobigny, un nouveau pôle funéraire daté de La Tène moyenne a été révélé par les archéologues de l’Inrap dans la rue Marcel Cachin. Cette découverte a été faite à moins de 160 m de la plus grande nécropole gauloise connue, fouillée en 2002-2003 dans l’enceinte de l’hôpital Avicenne.
Le deuxième plus important ensemble funéraire satellite en nombre d’inhumations trouvé à ce jour à Bobigny
Alors que la nécropole fouillée au début des années 2000 par la Mission Archéologique de Seine-Saint-Denis et l’Inrap rassemblait, sur une surface d’environ 1500 m2, 515 sépultures gauloises datées des IIIe et IIe s. av. J.-C., ce qui correspond à un corpus unique à ce jour en Europe, celle partiellement révélée en 2021-2024 et 2025, regroupe au moins 26 inhumations pour 27 individus sur une surface d’environ 145 m2. Ce nombre est un minimum car malgré une politique volontariste de prescription de la part du Service régional de l’Archéologie d’Île-de-France, quelques zones, antérieurement perturbées par des aménagements de réseaux ou encore épargnées par les travaux récents, demeurent inexplorées aux abords immédiats de cette nouvelle nécropole.
Depuis les années 1990, d'autres pôles funéraires secondaires ont été découverts près de la nécropole principale. Ces ensembles varient en taille, allant de sépultures dispersées à de petites nécropoles d’une dizaine d’individus. Ils contiennent également des restes humains erratiques trouvés dans des structures en creux, interprétés comme des reliquats de sépultures détruites ou des gestes funéraires intégrant diverses manipulations des corps. Ces découvertes montrent ainsi des modes de gestion funéraire variés.

La rue Marcel Cachin à Bobigny (Seine-Saint-Denis) en cours de fouille en 2021.
© Vanessa Rouppert, Inrap
Une zone funéraire organisée dans l’espace
Les inhumations découvertes dans la rue Marcel Cachin sont essentiellement orientées nord/sud ou nord-ouest/sud-est avec la tête vers le sud ou le sud-est. Les recoupements restent rares, mais existent. De plus, la zone funéraire pourrait être délimitée sur certains de ses côtés par de petits fossés parcellaires, dont la contemporanéité exacte reste cependant encore à prouver.
La nécropole est également située en limite des principales zones d’habitat actuellement connues, non loin des divers tracés supposés du ru de Montfort. Certaines sépultures pourraient être postérieures à des structures d’ensilage. La stratigraphie perturbée de ce secteur fortement urbanisé et le type d’intervention ne permettent que rarement d’observer l’intégralité des surfaces planimétriques des structures archéologiques.

Sépultures en cours de fouille dans la rue Marcel Cachin à Bobigny (Seine-Saint-Denis), fouille 2024-2025.
© Lapo Gianni Marcucci, Inrap
Enfin, bien que l’espace soit réinvesti à la période romaine par une activité d’extraction, la nécropole laténienne semble avoir été épargnée par les nombreux décaissements. Les comblements d’abandon des excavations à la période romaine témoignent alors de la proximité des zones d’habitat avec par exemple plusieurs débris de torchis.

Gravats de torchis avec empreintes d'un clayonnage. Les empreintes nous informent sur l’ossature d’un bâtiment démoli à la période romaine.
© Christophe Borgnon, Inrap
Un ensemble funéraire à l’image de la grande nécropole villageoise
Les défunts sont principalement allongés sur le dos, mais certains sont inhumés sur le côté droit. Environ un tiers ont la tête volontairement surélevée. Des coffrages en bois et plusieurs linceuls ont été identifiés. On observe un cas de sépulture double d’enfants. Les artefacts découverts sont majoritairement des fibules en fer, parfois en alliage cuivreux, qui servaient à fixer les linceuls ou les vêtements. Elles étaient placées au niveau du thorax ou du poignet de certains sujets.

Sépulture double de la nécropole Bobigny. Dépôt simultané de deux immatures de sexes indéterminés. Le sujet en bas de la photo avait autour de 4 ans, celui situé en haut était un peu plus âgé d’après la minéralisation des éléments dentaires. Une fibule a été trouvée entre la clavicule droite et la mandibule droite du sujet en haut de la photo. Il est difficile d’associer cet objet à un type d’élément en tissu : manteau ou linceul ? L’étude des restes organiques montre que le tissu est constitué de fibres de laine. Si le sujet était emmailloté, l’étude taphonomique n’a pu mettre en évidence la présence d’un linceul.
© Cyrille Le Forestier, Inrap
Des éléments de parure, tels qu’un torque en fer, des bracelets en fer, en alliage cuivreux et en lignite ainsi qu’une bague en fer, ont également été trouvés en position fonctionnelle sur certains défunts, dont de jeunes enfants. Un adulte et un enfant inhumés étaient accompagnés de vases.
Enfin, une sépulture d’homme contenait une panoplie de guerrier : umbo de bouclier, épée et sa chaine de suspension et fer de lance. Des restes de textiles ont été mis en évidence au contact des objets métalliques, avec une trentaine de tissus identifiés, principalement des sergés de laine.
Les personnes enterrées sont pour la plupart des adultes, mais il y a aussi de nombreux enfants de moins de 4 ans, dont deux nourrissons, et deux enfants décédés entre 5 et 9 ans. L’étude anthropobiologique n’est pas achevée et des analyses en paléogénomiques sont programmées.
Malgré son effectif plus réduit, cette nouvelle découverte apporte des informations à la fois redondantes et complémentaires à celles obtenues par l’étude de la nécropole dense de l’hôpital Avicenne. Elle permet d’écarter définitivement l’hypothèse de la présence de groupes marginaux exclus de la nécropole communautaire. En effet l’état sanitaire des sujets, le recrutement, les parures, l’aménagement des sépultures et finalement les pratiques funéraires montrent peu de différences entre les ensembles étudiés. Des datations isotopiques sont en cours pour mieux comprendre la chronologie interne de la nécropole et affiner les comparaisons avec les autres pôles funéraires connus.
De nouvelles questions émergent sur la localisation des ensembles funéraires par rapport aux pôles d’habitat, la chronologie des différents espaces ou de leurs affectations, sur l'interaction des activités humaines avec le cours du ru de Montfort et son environnement marécageux ainsi que sur l’évolution du paysage de l’âge du Fer à la période romaine.
Contrôle scientifique : Hélène Djema (2021-2022), Nicolas Girault (2022-2025), DRAC Île-de-France, service régional de l’Archéologie
Responsable de recherches archéologiques : Vanessa Rouppert, Inrap
Archéoanthropologue : Cyrille Le Forestier, Inrap
Directrice adjointe scientifique et technique : Catherine Marcille, Inrap