Vous êtes ici
Nouvelles données sur la nécropole antique et l’habitat du vicus de Strasbourg-Koenigshoffen (Bas-Rhin)
Préalablement à l’aménagement d’un terrain par l’Eurométropole de Strasbourg, l'Inrap a fouillé une surface de 400 m², à l’entrée du quartier de Koenigshoffen, à l’ouest du cœur de la ville actuelle, le long de la route des Romains qui reprend le tracé de la voie romaine. Connu depuis les travaux de fortification de la ville au XVIe siècle, ce secteur de l’agglomération romaine a fait l'objet de plusieurs opérations d’archéologie préventive depuis une vingtaine d’années.
La prescription du Service régional de l’archéologie (DRAC Grand Est), qui reposait sur la réalisation d’un diagnostic fin 2012 et sur la bonne connaissance du quartier, portait sur l’organisation et l’évolution des vestiges funéraires et de l’habitat relevant du vicus, mais aussi sur l'occupation médiévale. La fouille a livré une densité de vestiges importante, dont plus d’un tiers appartiennent à la nécropole antique.
L’agglomération antique de Strasbourg-Koenigshoffen
Le développement du faubourg de Koenigshoffen est inhérent à la présence militaire romaine, qui se traduit par l’installation de camps dans le cœur historique de la ville de Strasbourg. En effet, la première occupation revêt un caractère funéraire avec la présence, dans la partie est du quartier, de nombreux monuments appartenant aux vétérans de la IIe légion stationnée à Strasbourg entre 15 et 43 ap. J.-C.
L’agglomération antique de Koenigshoffen apparaît quant à elle dans la deuxième moitié du Ier siècle ap. J.-C., en lien avec le camp légionnaire de la VIIIe légion. Le vicus, rassemblant artisans et commerçants, ainsi que plusieurs nécropoles, se développe progressivement sur près de 2 km de long, de part et d’autre d’un axe principal (actuelle route des Romains) filant vers le col de Saverne.
La fouille se trouve à l’extrémité est de Koenigshoffen, dans un secteur ayant abrité une nécropole et un quartier d’habitation.

Vue en coupe d’une fosse datée de la période romaine, Strasbourg (Bas-Rhin), 2024.
© Lucas Helfer-Lebert, Inrap
La nécropole des Ier et IIe siècles
L’occupation du Ier siècle ap. J.-C. se caractérise principalement par la présence d’ensembles funéraires alignés le long de la voie, selon un axe sud-ouest/nord-est. Les vestiges de cinq ensembles funéraires, avec une tombe centrale, étaient encore visibles. L’un d’entre eux était particulièrement bien conservé : il se présente sous la forme d’un enclos carré de 2,60 m de côté composé de quatre assises constituées de blocs de grès rose, liées au mortier de chaux, installées sur des fondations en hérisson de pierres.

Enclos funéraire maçonné en pierres, Ier siècle ap. J.-C., Strasbourg (Bas-Rhin), 2024
© Géraldine Alberti, Inrap
La fouille a également permis la mise au jour d’une soixantaine de dépôts de crémation secondaires dont la datation couvre la deuxième moitié du Ier siècle et une partie du IIe siècle, et de trois inhumations dont deux d’enfants.

Vue en plan d’un dépôt de crémation en contenant périssable, avec mobilier d’accompagnement (lampe à huile et cruche), Strasbourg (Bas-Rhin), 2024.
© Yasmine Mechadi, Inrap

Vue d’un dépôt de crémation secondaire, avec présence de mobilier d’accompagnement (plats dont un en sigillée, petit bol), Strasbourg (Bas-Rhin), 2024.
© Clémentine Barbau, Inrap

Vue en coupe de la superposition de trois dépôts de crémation secondaires, Strasbourg (Bas-Rhin), 2024.
© Anne Lopez, Inrap

Vue d’un squelette inhumé sur le ventre, tête à l’est, dans le creusement d’un bûcher funéraire après son abandon, Strasbourg (Bas-Rhin), 2024.
© Yasmine Mechadi, Inrap

Vue d’un bûcher funéraire après fouille, Strasbourg (Bas-Rhin), 2024.
© Magali Fabre, Inrap
Enfin, la découverte la plus notable concernant la nécropole est celle d’une dizaine de bûchers funéraires, dont une tombe bûcher, concentrés dans un espace relativement restreint d’environ 60 m².
La nécropole est démantelée et fermée au plus tôt au milieu du IIe siècle ap. J.-C.

Vue en coupe d’un bûcher funéraire, avec un niveau d’utilisation encore en place, Strasbourg (Bas-Rhin), 2024.
© Lucas Helfer-Lebert, Inrap
L’occupation antique postérieure à l’ensemble funéraire
Le IIe siècle correspond à la période de plein essor de l’agglomération et la densification de l’habitat induit un changement d’utilisation des terrains. Suite à l’abandon de la nécropole, le secteur est donc dévolu à de l’habitat et à de l’artisanat comme l’attestent les vestiges mis au jour. Les bâtiments d’habitation auxquels ces aménagements appartenaient ont totalement disparu et seuls les aménagements appartenant à ces parcelles étaient encore visibles sous la forme de structures en creux. Il s’agit par exemple de puits, de caves ou encore de latrines.

Vue en coupe d’une structure en creux, correspondant vraisemblablement à une latrine au regard de son comblement, Strasbourg (Bas-Rhin), 2024.
© Anne Lopez, Inrap
Un four de potier circulaire à languette, mesurant 1,50 m de diamètre a été construit dans les vestiges de l’enclos funéraire maçonné qu’il a partiellement détruit. La sole n’était pas conservée mais ses parois étaient par endroits encore en place sur 1,10 m de haut.

Vue du four de potier dont l’installation a détruit partiellement un enclos funéraire maçonné, Strasbourg (Bas-Rhin), 2024
© Géraldine Alberti, Inrap
L’occupation entre la période médiévale et la démolition de l’imprimerie Koerkel
Le site est ensuite occupé de façon sporadique de la fin de la période romaine à nos jours. La période médiévale est attestée par la présence de quelques fosses, de formes et de dimensions variées, et dispersées dans l’emprise. D’autres fosses qui ont pu être rapprochées de la période moderne ont également pu être étudiées. Elles montrent des caractéristiques communes, à savoir un plan quadrangulaire, des parois verticales et un fond plat, et une conservation ne dépassant 40 cm. Enfin, cette zone est occupée à compter de 1900, au moins, par des jardins et plusieurs constructions dont les fondations et les caves étaient encore en place au démarrage de l’opération. Ces bâtiments ont d’abord abrité l’auberge « Zum Hirsch » et ensuite l’imprimerie Koerckel, démolie en 2023.

Vue en plan du bassin à charbon appartenant à l’auberge Zum Hirsch avec niveau d’apparition de structures antérieures, Strasbourg (Bas-Rhin), 2024.
© Clémentine Barbau, Inrap
L’étude de l’ensemble des structures découvertes lors de la fouille de Strasbourg-Koenigshoffen, qui vient à peine de commencer, permettra de renouveler et de compléter les connaissances sur le vicus antique. L’essentiel de l’analyse portera sur les vestiges de la nécropole qui sont les plus importants. La chronologie fine des structures funéraires, ainsi que l’analyse de leur répartition spatiale, seront déterminantes pour comprendre le développement, l’évolution et l’abandon de cette nécropole.
Prescription et contrôle scientifique : Direction régionale des affaires culturelles (DRAC) Grand-Est
Recherches archéologiques : Inrap
Responsable de recherches archéologiques : Géraldine Alberti, Inrap