La fouille de Mâcon et les recherches en archives éclairent un passé médiéval de la ville jusqu'alors méconnu. Sous la férule d'un archéologue de l'Inrap, des élèves de l'école élémentaire Marc Chagall se sont initiés à la discipline.

Dernière modification
16 avril 2020

Sur prescription de l’État (DRAC Bourgogne-Franche-Comté), dans le cadre de l’aménagement d’un parking souterrain par le groupe Duval, l’Inrap a réalisé de janvier à juin 2019 une importante fouille archéologique au cœur de la Ville de Mâcon et de l’îlot de Minimes en cours de réhabilitation. L’opération a livré des vestiges qui éclairent un pan du haut Moyen Âge peu connu de l’histoire mâconnaise, dont le volet antique est souvent davantage mis en évidence. Au-delà de la fouille en elle-même, l'étude en cours (post-fouille) nous apporte un intéressant éclairage sur l’évolution des méthodes et des approches qui façonnent la recherche archéologique.

À la découverte du passé médiéval de Mâcon

Lors de la fouille de l’îlot des Minimes, les archéologues de l’Inrap ont découvert une importante occupation des IXou Xe siècle, figurant probablement les prémices de l’urbanisation de Mâcon, sur un secteur situé au sud et en dehors du castrum. Le développement de la ville médiévale, très précoce, est caractérisé par des bâtiments de pierres et de bois. Un silo, des fours et des vestiges mobiliers témoignent d’activités agricoles et artisanales (métallurgie). Cette découverte est d’autant plus remarquable que ces habitations pourraient avoir été protégées par un important fossé, large de 7 m, complété sur le bord interne par une palissade. Ce dispositif correspondrait à la première enceinte médiévale de la ville (succédant aux fortifications du castrum du IVe siècle). Dans ces temps incertains des IXe ou Xe siècles (luttes intestines entre les successeurs de Charlemagne, raids Vikings, etc.), cette protection est vraisemblablement l'oeuvre du Comte ou de l’évêque de Mâcon.

plongée dans les archives

Parmi les nombreuses études en cours de réalisation dans le cadre de la post-fouille, un volet important est consacré à la recherche archivistique. Une plongée dans d’anciennes collections archéologiques et dans d’anciens rapports ou publications, enrichit la compréhension du site des Minimes. Jusqu’à aujourd’hui, l’histoire de Mâcon rayonnait avant tout par son passé antique. L’étude des archives nous montre pourtant que des vestiges carolingiens ont pu être identifiés dans de nombreuses fouilles anciennes. Près d’une dizaine de sites recensent, depuis les années 1950, des traces du passé du haut Moyen Âge de la Ville, sans pour autant que ces vestiges aient fait l’objet d’une recherche vraiment poussée. Au-delà de ses résultats scientifiques, l'étude en cours montre l’évolution du regard porté sur les données archéologiques et sur les méthodes permettant de les étudier.

L’archéologie contemporaine porte en effet aujourd’hui son attention sur toutes sortes de vestiges, aussi ténus qu’ils puissent paraître. Le développement des analyses paloéenvironnementales donne une lisibilité à de nombreux restes végétaux qui documentent l’évolution de l’environnement et des modes de vie (habitation, alimentation etc..). Par ailleurs, l'étude des terres noires et des traces en creux, moins visuelles que des structures maçonnées en élévation, permet de faire parler un site et de comprendre la succession et l’organisation de ses occupations. Dans ce cadre, l’attention portée à tous les objets, même à l’état de fragment, montre le nouveau statut du mobilier archéologique, tout comme l’étude des archives témoigne d'un renouvellement du discours archéologique et de la compréhension de nos territoires.

« Fenêtres sur fouille », un archéologue en résidence à l’école Marc Chagall (EAC)

L’école élémentaire Marc Chagall qui jouxte le chantier archéologique a été associée à un projet inédit baptisé « Fenêtre sur fouille ». Durant 6 mois, un archéologue de l’équipe a travaillé de manière régulière avec les classes de CE2, CM1 et CM2 de l’école. Cette résidence d’archéologue, fruit d’un partenariat entre l’Inrap et l’Éducation nationale, a reçu le soutien financier du ministère de la Culture, dans le cadre de sa politique en matière d’éducation artistique et culturelle (EAC). 75 élèves ont pu ainsi partir à la recherche du passé oublié de la ville...  En lavant, triant, inventoriant et dessinant du mobilier de la fin du XIXe siècle qui provenait de remblais superficiels décapés au début de l’opération, les élèves se sont confrontés à la démarche des archéologues. En étudiant ces vestiges constitués pour l’essentiel de fragments de verre, de céramique et de coquilles d’huîtres, ils ont pu démontrer que les Mâconnais de la fin du XIXe siècle pratiquaient déjà le tri sélectif ! En effet l’article 6 du décret de 1883 du préfet Eugène​ Poubelle préconisait de mettre à part « le verre, la poterie et les coquilles d’huîtres ». Les élèves ont également pu suivre l’évolution des problématiques du chantier en fonction de l’avancement des fouilles et des découvertes.

Ce projet a été aussi l’occasion d’expérimenter une visite numérique du chantier, réalisée grâce aux moyens techniques et aux personnels de l’Éducation nationale. Les enfants ont pu ainsi approcher au plus près les vestiges mis au jour. Enfin, à partir de prises de vues aériennes à 360° (Com’air), les élèves ont aussi travaillé à l’identification des vestiges, créant ainsi un support pédagogique, diffusé dans le cadre de l’exposition « Regards sur l’histoire de Mâcon », proposé par le Musée des Ursulines de Mâcon et l’Inrap de juin à septembre 2019.

Aménagement : GROUPE DUVAL​
Contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie (Drac Bourgogne-Franche-Comté)
Recherche archéologique : Inrap​
Responsable scientifique : Gilles Rollier, Inrap