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Blois, ville et territoire ligérien des premières installations humaines jusqu’à nos jours
Porteurs du projet : Viviane Aubourg et Didier Josset
Participants : Aubourg Viviane (SRA Centre-Val de Loire, UMR 7324 CITERES), Blanchard Philippe (Inrap, UMR 5199 PACEA), Blondel François (UMR 6249 Chronoenvironnement, Post-doctorat FNS, Université de Genève), Capron François (Inrap), Carron Diane (EHESS, UMR 8558 CRH), Fondrillon Mélanie (Bourges-Plus, UMR 7324 CITERES), Froquet-Uzel Hélène (Inrap), Guillemard Thomas (Inrap), Hulin Guillaume (Inrap, DST, UMR 7619 METIS), Josset David (UMR 8546 AOROC, CNRS-ENS), Josset Didier (Inrap, UMR 7324 CITERES), Jouanneau-Bigot Sylvia (Inrap), Laurent-Dehecq Amélie (UMR 7324 CITERES), Mataouchek Victorine (Inrap, UMR 7324 CITERES), Morin Eymeric (Inrap, UMR 5600 EVS), Schmit David (Éveha) / Cellule sub-aquatique Inrap : Boitard-Bidaut Éve, Brousse Stéphane, De Muylder Marjolaine, Dez Julien, Gucker David (UMR 6273 CRAHAM), Miejac Emmanuelle (UMR 6566 Rennes 1), Sevastides Marion / AS ROTO Sports de Blois : Ferrière Thierry, Labbé Anny, Schiha Pierre, Vorio Guy / Pompiers-plongeurs professionnels : Costal Bruno, Demigne Matthieu, Lair William, Quillier Johan / Bénévoles aux prospections Loire : Bordier Didier, Boukef Yvan (Château royal de Blois), Ellec Daniel, Grappy Thomas, Latrémolière Jean-Pierre, Neury Patrick (Inrap), Schmit Jérôme, Serre Sylvie (Inrap) / Prestations et laboratoires : Air-Club Blois-Vendôme ; Centre d'étude et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement de Blois - CEREMA laboratoire de Blois ; David Joël (Photographe) ; Entreprise Dubois SA pour les sondages mécaniques ; Girardclos Olivier (CNRS, UMR 6249 Laboratoire Chrono-environnement) ; Laboratoire GeHCO de l’Université de Tours ; Montembault Véronique (restauratrice indépendante) ; Perrault Christophe (Centre de datation par le Radiocarbone - CEDRE) ; Université Claude Bernard Lyon 1 – Datation par le radiocarbone ; Pennelle Renaud ; Philippe Michel (Université de Lorraine - Laboratoire HISCANT-MA) ; Roche Jean-Louis ; Schmit David ; Simon Gaël (Maître de conférences en histoire et culture architecturale à l’École Nationale supérieure d’architecture Paris-Val de Seine - EVCAU, UMR 7324) ; Troubady Murielle (Inrap, UMR 5060 IRAMAT-CEB CNRS) / Collaboration technique et scientifique : Le Doussal Claude (géologue) / Échanges de données et mise en commun de leur mise en œuvre avec les projets : SOLIDAR dirigé par X. Rodier (CNRS, UMR 7324 LAT) ; ANTAREC (PCR L’Antiquité tardive en région Centre) coordonné par L. Fournier (porteur du projet) M.-P. Chambon, et E. Rivoire (Inrap) / Stagiaires 2015 et 2017 : Fringant Morgane (Université de Nantes, L3 géographie, Association Les Semeurs du Temps), Loison Virginie (Université d’Orléans, L3 STU OSUC), Vilpoux Julie (Université de Bourgogne, master 2 archéo-géosciences, Association Les Semeurs du Temps)
Depuis 2013, plus de vingt chercheurs étudient l’histoire de l’espace urbanisé de Blois (fig. 1). Le projet collectif de recherche, soutenu par la DRAC Centre-Val de Loire et l'Inrap, vise à développer un système d’analyse des données archéologiques urbaines, similaire à une synthèse archéologique urbaine. L’étude porte sur une ville de 37,58 km² située sur la Loire, avec la rive nord marquée par un coteau abrupt et le quartier de Vienne situé sur un point élevé de la plaine alluviale.

1. Vue vers le sud-ouest, entre les ponts Jacques-Gabriel au premier plan et François-Mitterrand, en 2012 et 2015.
Cliché : Didier Josset, Inrap.
Une base de données sous QGIS
La base SGBD PostgreSQL/PostGis, nommée la Blésoise – sous QGis et hébergée par Alwaysdata -, a été développée par Thomas Guillemard selon le modèle standardisé des Synthèses Archéologiques Urbaines (SAU), développé à Paris I sous la direction de Bruno Desachy et Quentin Borderie. Fin 2024, les rapports de 167 opérations d’archéologie préventive ont principalement été dépouillés par François Capron. Le corpus de données comprend 2732 éléments documentaires. Ceux-ci, regroupés en 128 phases de « Repères Urbains » (RU), concernent 102 RU, composantes fonctionnelles de l’espace et du temps urbain. La finalisation du travail est la production de synthèses par période, lesquelles prendront appui sur les RU.
De nombreuses collaborations et sources mobilisées
L'histoire de la fabrique urbaine de Blois menée dans le cadre du PCR entend privilégier les secteurs jusque-là les moins investis par les chercheurs – le quartier de Vienne en rive gauche, le val et la Loire (fig. 2). Dans le val, les recherches ont été menées par Eymeric Morin, Guillaume Hulin et Amélie Laurent-Dehecq, avec le soutien de la direction scientifique et technique (DST) de l’Inrap pour les prospections géophysiques et du laboratoire CITERES pour la gestion et la logistique. Dans la Loire, les prospections placées sous la responsabilité d’Emmanuelle Miejac ont été menées grâce à l’engagement de la cellule subaquatique de l’Inrap, et l'appui de plongeurs bénévoles de l'AS ROTO Sports de Blois (fig. 3). Le reste de l’équipe Inrap, des pompiers-plongeurs professionnels ainsi que d’autres bénévoles assuraient les prospections pédestres (fig. 4). La prospection sur le bâti en Vienne était dirigée par Victorine Mataouchek. En dehors des actions de terrain, d'autres sources ont été mobilisées, telles que les publications, les bases de données patrimoniales, les documents planimétriques et iconographiques, ainsi que les archives, principalement utilisées par Diane Carron et Michel Philippe pour les études sur le faubourg de Vienne.

Entités topographiques (sources graphiques : à partir des composantes du RGE® 2018).
DAO : Viviane Aubourg, DRAC CVL, SRA.

3. Transport d'un échantillon de pieu du pont antique, en 2018.
Cliché : Viviane Aubourg, DRAC CVL, SRA.

4. Sciage des pieux du pont antique, en 2019.
Cliché : Viviane Aubourg, DRAC CVL, SRA.
Une Étude interdisciplinaire des vestiges des lits majeur et mineur
Dans le lit majeur, la plaine alluviale du val de Blois a été étudiée par différentes méthodes : archéologique, géophysique (électromagnétique), géotechnique (pénétrométrie), géologique (forages), géochronologique (datation 14C des sédiments) et topographique (exploitation du modèle numérique de terrain). Les résultats montrent que, au-delà du chenal secondaire, la plaine alluviale de la rive gauche a formé une barrière naturelle à l'expansion urbaine au sud de la Loire, la limitant au bombement de Vienne (Morin et al., 2024). L'étude des vestiges du lit mineur était essentielle à mener à double titre, d’une part au regard de leur dégradation avancée et d’autre part pour mesurer l’importance des aménagements fluviaux dans la compréhension de la fabrique urbaine. Les recherches se sont concentrées sur un tronçon d’1 km du fleuve, accompagnées par des prospections bathymétriques et au sonar latéral réalisées par le CEREMA. L’investissement colossal des sociétés dans la mise en œuvre d’aménagements fluviaux sur deux millénaires reflète leur importance vis-à-vis de l’exploitation des ressources halieutiques, de l’utilisation de la force hydraulique, du maintien et du développement des réseaux de communication terrestres et fluviaux pour la circulation des personnes, des biens et des idées. L’étude dendrochronologique et dendrologique des bois a permis à François Blondel de reconstituer l'environnement forestier utilisé pour fabriquer les premiers ouvrages de franchissement. L’étude du quartier de Vienne repose sur deux objectifs principaux : identifier les périodes architecturales du bâti et évaluer le potentiel archéologique des ensembles afin de proposer des stratégies de gestion patrimoniale. L'enquête qui s'est concentrée sur les façades extérieures visibles depuis la rue permet ainsi de réévaluer et d’approfondir notre connaissance de l’évolution du tissu urbain depuis au moins le XIIIe s.
Une archéologie du fait urbain
Le fait urbain est replacé dans le continuum de l’occupation du val de Blois durant la Protohistoire, travail réalisé par Hélène Froquet-Uzel et David Josset. Pour les périodes historiques, l’histoire de la fabrique urbaine est adossée à une première étude sur la morphologie urbaine menée par Gaël Simon (Aubourg, Josset et Simon, 2023). Les données mobilisées sont les éléments documentaires, le cadastre numérisé du XIXe s., et les éléments parcellaires du projet SOLiDAR. Deux approches ont été mises en œuvre, la morphologie historique de Bernard Gauthiez et la morphologie dynamique de Gérard Chouquer.
Une restitution chronologique des différentes phases d'aménagement
Le premier pont de La Tène finale coïnciderait avec la mise en place du parcellaire observé sur le site de la rue du Puits-Neuf et avec l’abandon de l’agglomération artisanale développée du IIIe au début du Ier s. av. J.-C. sur la montille de la Croupe (fig. 5). C’est au IIe s. de notre ère qu’un nouveau pont est édifié au même emplacement – il connaîtra des phases de consolidation jusqu’au courant du IIIe s. La continuité des occupations gauloises et antiques est attestée en rive gauche. L'extension de l’agglomération antique de Blois, estimée entre 36 et 74 ha, est de mieux en mieux comprise en Vienne, avec notamment la mise en place d’un réseau parcellaire prenant appui sur une dizaine de voies régulières, dont la rue Croix-Boissée et la rue Munier. Les deux ponts Chartrains et Saint-Michel, mentionnés en 1202 et 1299, pourraient avoir une origine antique (fig. 2). En rive droite, la topographie et la présence du fleuve ont joué un rôle clé dans le développement de l’agglomération, sur 1,5 km au pied du coteau.
Entre le IIIe et le Xe s., aucun vestige de franchissement n’est identifié. Habitat et activités semblent surtout se développer le long du fleuve, sur les deux rives, avec toutefois une intensité bien supérieure en rive droite et sur le promontoire, où les formations de terres noires sont omniprésentes.
À partir du milieu du Xe s., un nouveau passage est ouvert par Thibaud le Tricheur, comte de Blois, renforçant de facto le statut économique et politique de la ville (fig. 6). Il s’agit d’un pont de bois dont le tracé sera légèrement modifié au XIe s. Dans le même temps, on suppose qu’une grande partie de la rive droite est utilisée pour l'accostage des bateaux – un port étant d’ailleurs aussi mentionné au Xe s. L'analyse du parcellaire révèlerait quant à elle une structure morpho-historique liée au port et au pont, protégée par des enceintes successives. En rive gauche, un châtelet contrôle l’entrée du pont. En Loire, près de l’abbaye de Bourgmoyen, une pêcherie pourrait déjà être en activité entre le Xe et le milieu du XIe s. La continuité des ponts est attestée à partir du milieu du XIe s., grâce à une pile en bois découverte sur le tracé du pont dit médiéval. Ce nouveau pont, édifié par Thibaud III après la perte de la Touraine en 1044, suit de près celui de Tours. En rive droite, le rôle structurant de la grand-rue est confirmé, et un tracé défensif pourrait avoir été établi pour protéger l'abbaye de Bourgmoyen et le port, intégrant l'Arrou et le débouché des Mées à la ville. En rive gauche, l’ouvrage favorise une nouvelle connexion avec la trame urbaine, notamment en reliant la rue Croix-Boissée. Au XIe s., le pont accueille deux moulins.

6. Assemblage des pièces de bois du pont du milieu du Xe s., en 2017.
Cliché : Stéphane Brousse, Inrap.

7. Pont médiéval dérasé, vue vers le nord-ouest en 2019.
Cliché : Viviane Aubourg, DRAC CVL, SRA.
Au cours des sept siècles suivants, le pont de Blois a subi plusieurs transformations majeures. Il est remplacé au XIIe s. par un pont en pierre ou mixte, reconstruit à la fin du XIIIe s. lors de la construction de l’enceinte urbaine. Il est entretenu jusqu'à sa destruction en 1716, alors qu'il accueillait encore cinq moulins (fig. 7). La fortification de la ville au XIIIe s. modifie la rive droite et fixe les infrastructures fluviales, influençant durablement l’urbanisation et le parcellaire. Aux XIIe et XIIIe s., Blois connaît une forte activité fluviale, attestée par des pêcheries sur la Loire et des aménagements autour des piles du pont, comme un vivier et un lieu de contrôle des bateaux, probablement un péage en rive gauche (fig. 8). En rive droite, le réseau viaire est contraint par l'enceinte urbaine, avec des portes reliées aux rues menant vers le fleuve. En rive gauche, alors que plusieurs zones d'accostage sont documentées à partir du XIVe s., le réseau urbain n’évoluera pas avant la construction des premières levées au XVIe s.
Le pont moderne de 1724 a profondément modifié l'urbanisme de Blois, accompagnant une restructuration urbaine majeure et la destruction partielle de quelques aménagements fluviaux. Au XVIIIe s., des transformations supplémentaires ont lieu avec le démantèlement du rempart et la création de la route vers le sud. Au XIXe s., l'urbanisation s'intensifie autour des ports médiévaux, qui deviennent des centres d'approvisionnement et d'exportation. Cela a entraîné une forte densification des rives, notamment autour du port du Foix et du port Vieil en rive droite où des voies de desserte sont créées. Un phénomène similaire conduit à une concentration des voies vers les points de franchissement. L’organisation parcellaire en lanières initialement planifiée est ainsi maintenue voire accrue par la pression foncière.

8. Pêcherie du pont, vue du ciel, en aval du pont médiéval, en 2015.
Cliché : Didier Josset, Inrap.
Les perspectives de publication des résultats
Après les publications et les actions de sensibilisation mises en place depuis une dizaine d’années pour transmettre les résultats de la recherche à divers publics, une première monographie des recherches en Loire a été déposée en 2024 à la Fédération pour l’édition de la Revue archéologique du Centre de la France. Les travaux du PCR s’achèveront ultérieurement avec la publication de la synthèse archéologique urbaine de Blois.
- Viviane Aubourg & Didier Josset. (2014). Vivre au bord de l’eau à Blois, Archéologie en région Centre n° 4, DRAC Centre, Orléans.
- Viviane Aubourg & Didier Josset. (2019). Un caisson en bois dans la Loire à Blois [Poster]. Dans Un monde en mouvement : La circulation des hommes, des biens et des idées à l’époque mérovingienne (Ve-VIIIe siècle). 40e Journées internationales d’Archéologie mérovingienne (AFAM), Oct 2019, Nantes. <https://inrap.hal.science/hal-02541690>.
- Viviane Aubourg & Didier Josset. (2018). Blois : ville et territoire ligérien depuis les premières installations humaines jusqu’à nos jours. Archéopages 46, 112-113. <https://doi.org/10.4000/archeopages.4657>.
- Didier Josset et Viviane Aubourg. (2021). Le val de Blois, du IIIe siècle avant notre ère à l'an Mil. Des territoires à la ville, des confins aux réseaux. Archéopages 48, 54-63. <https://doi.org/10.4000/archeopages.10170>.
- Viviane Aubourg, François Blondel & Didier Josset. (2021). Un franchissement du milieu du XIe siècle à Blois [Poster]. Dans 41e Journées internationales de l’AFAM (Association Française d’Archéologie Mérovingienne), Chartres. <https://hal.science/hal-03661925>.
- Viviane Aubourg & Didier Josset. (2022). Franchir la Loire à Blois (Loir-et-Cher) de l’Antiquité à nos jours. Archéologie en région Centre-Val de Loire 10.
- Viviane Aubourg, Didier Josset, François Capron & Gaël Simon. (2022). Une agglomération protohistorique et antique à Blois (Loir-et-Cher). Archéopages, Hors-série 6, 134-145. <https://doi.org/10.4000/archeopages.12271>.
- Aubourg V., Josset D. & Simon G. (2023). L’eau et ses usages à Blois du xe au xiiie s. comme éléments structurant de l’espace urbain, in : Lorans É., Simon G. et Pouyet T. (dir.), L’eau dans les villes d’Europe au Moyen Âge (ive-xve s.) : un vecteur de transformation de l’espace urbain, L’eau dans les villes d’Europe au Moyen Âge (IVe-XVe s.) : un vecteur de transformation de l’espace urbain, Actes 21-23 octobre 2021, Université de Tours, Supplément à la Revue Archéologique du Centre de la France, FERACF, Tours : 255-266.
- Morin E., Hulin G., Laurent-Dehecq A., Gardère P., Josset D. & Aubourg V. (2024). Long-term fluvial evolution and human occupation in urban fluvial contexts : a geoarchaeological case study from Blois (middle Loire River, France), in : Bordery Q. et Salomon F. (dir.) , Urban Geoarchaeology, CNRS Editions, Paris, p. 85‑101.
- Aubourg, V., Josset, D. & Berthenet, C. Franchir la Loire : l’éternel défi, documentaire vidéo. Dans Journées européennes de l’archéologie 2020, Ville de Blois, ministère de la Culture, Inrap. <https://vimeo.com/429659339/4c66b2797a>
- MATAOUCHEK, Victorine. (2021). De l’archéologie sans détruire : exemple d’enquête patrimoniale dans le quartier de Vienne, Blois (Loir-et-Cher) [communication]. Dans V. Mataouchek, C. Carpentier, M. Bouiron & F. Guyonnet (dir.), Archéologie préventive sur le bâti : actes du 5e séminaire scientifique et technique de l’Inrap, 28-29 oct. 2021, L’Isle-sur-la-Sorgue. <https://doi.org/10.34692/2e8a-v540>.