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Le Chemin Vert
A Aubevoye, Eure, le projet d'aménagement a nécessité un diagnostic complémentaire.
La villa du Chemin Vert étant déjà connue et les parcelles concernées recelant le coeur de la pars urbana, le service régional de l'Archéologie de Haute-Normandie a souhaité que les sondages excèdent les 10 % prévus pour les opérations de diagnostic. En conséquence, six tranchées de 3 m de large et deux fenêtres (418 et 300 m2) ont été ouvertes. La totalité représente 2 467 m2, soit environ 15 % de l'emprise.
Le site est implanté dans la basse vallée, à 1 km environ de la Seine, et placé sur une légère éminence. Il a déjà donné lieu à plusieurs interventions archéologiques. La première, en 1988, concerne la pars rustica. En 1989, la façade et plusieurs bâtiments de la pars urbana sont repérés en photographie aérienne et on note la présence de vestiges lourds. En 1998, le diagnostic concernant cette partie de la villa ne permet de sonder que 2,1 % de l'emprise, mais il atteste la présence de décors en marbre et d'éléments de mosaïque et laisse supposer une réoccupation au Bas-Empire et au haut Moyen Âge. En 2001, une évaluation complémentaire permet de découvrir des bâtiments datant de la première phase de construction et confirme la présence d'un grand bâtiment de façade au nord. Une petite fouille concernant ce dernier bâtiment fait suite à l'évaluation. Elle donne une datation plus précise des deux phases de construction et d'occupation : la première est datée au plus tard de la première moitié du IIe s., la suivante, entre la seconde moitié du IIe s. et le troisième quart du IIIe s. La destruction de ces édifices est datée au plus tard du troisième quart du IIIe s. Une probable réoccupation est perceptible durant le Bas-Empire et le haut Moyen Âge.
La récupération exhaustive et soignée des murs a peut-être lieu au bas Moyen Âge. En 2003, le diagnostic complémentaire a permis de faire la synthèse des opérations archéologiques concernant la pars urbana, en particulier pour la seconde phase de construction. En effet, la première phase n'a été perçue clairement que lors de l'évaluation et de la fouille de 2001 ; il serait nécessaire de fouiller intégralement les parcelles restantes (plus de 1,6 ha) pour restituer son plan. La façade de la pars urbana se développe sur 108 m de long. Elle est constituée par un portique de 3,30 m de large, encadré par deux bâtiments au nord et au sud et précédé d'un bâtiment central, connu par photographie aérienne ; celui-ci fait 10 m de côté et il pourrait s'agir d'un pavillon d'entrée en position inhabituelle. Le bâtiment nord mesure 20 m de long pour 10 m de large ; deux petites salles encadrent le couloir d'entrée qui mène à la grande salle monumentale (136 m2). Celle-ci, probablement divisée en trois nefs, était richement décorée : placages de calcaire, plaques de marbre rose (des Pyrénées ou de Vieux ?) et de marbre blanc de Chemtou (Tunisie). Probablement utilisée comme salle de réception, elle est comparable au aisled hall visible à l'angle nord-est du palais flavien de Fishbourne (Angleterre).
Le grand bâtiment situé au sud est plus vaste encore (264 m2). Aucune subdivision interne, aucune trace d'élément de décoration n'ont été repérées au diagnostic ; son rôle n'a donc pu être déterminé. Accolés à l'angle sud-ouest de la façade, deux murs de clôture parallèles limitent la pars urbana. Leur présence et les interventions archéologiques précédentes permettent de lui attribuer une surface minimale de 3 ha. À l'intérieur de celle-ci, la répartition des espaces et des constructions est plus difficile à déterminer. Une salle sur hypocauste (caldarium des thermes privés ?) a été sondée dans le secteur sud-est de la pars urbana. Elle était bordée au sud par une cour de service dans laquelle s'ouvrait un praefurnium portant le négatif d'une chaudière. Celui-ci desservait probablement un bain d'eau chaude et était secondé dans le chauffage de la salle par un second foyer situé à l'est. À l'ouest, une autre pièce lui était parallèle ; sa couche de destruction a révélé des tesselles de mosaïque noires, roses, vertes et blanches, des plaques de marbre en opus sectile ainsi qu'un fragment de vasque en marbre blanc (labrum ?). Cette salle s'ouvrait sur un portique dont les corbeaux en calcaire ont été retrouvés dans la couche de destruction ; celui-ci desservait une autre salle à mosaïque, au nord. La cour-jardin, entourée par cette galerie, faisait 40 m de long au minimum et possédait probablement un aménagement central de forme ronde ou ovale (bassin ? parterre ?).
Une autre cour-jardin se développait au nord de cet ensemble et au sud-ouest du bâtiment de façade central. Un grand édifice carré (225 m2), repéré en photographie aérienne et situé au nord de l'axe central, s'ouvrait peut-être sur cet espace. Des fragments de marbre rose et blanc et des tesselles de mosaïque découverts à proximité le décoraient peut-être. Il serait risqué à l'heure actuelle d'essayer de discerner d'autres bâtiments et espaces ouverts. Néanmoins, il semble que les salles de réception se situent au nord de la villa et les espaces privés au sud. La pars urbana d'Aubevoye entre donc dans la catégorie des grandes villae de plan compact. Elle possède des dimensions comparables, pour la région, à celle de Vieux-Rouen-en-Bresle (76) dans son état du IVe s.
Néanmoins, la ressemblance s'arrête là ; le plan de celle d'Aubevoye ne semble pas centralisé sur une cour, inspirée des péristyles, comme c'est le cas pour de nombreuses villae de grandes dimensions. Les constructions s'étendent au-delà de la façade sans suivre un axe central et sans volonté de symétrie. Il semble ici que l'élément directeur soit le portique-façade monumental et ce, peut-être, dès la première phase de construction. Celui-ci semble être mis en valeur tel un décor en étant construit sur les points les plus hauts de la légère éminence sur lequel est placé le site.