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L'histoire architecturale de l'église Saint-Trophime à Eschau (Bas-Rhin)
L'Inrap a mené une étude de bâti sur l'église Saint-Trophime à Eschau, dans le cadre des travaux de restauration des élévations extérieures et de la charpente de l’église, entre 2020 et 2021. L’étude a permis d’appréhender l’histoire architecturale de l’édifice, de sa construction à la fin du Xe siècle à nos jours.
Une église abbatiale de la fin du Xe siècle
En 778, Rémi, l’évêque de Strasbourg, avait fondé sur des terres issues de son patrimoine familial une église dédiée à saint Trophime, située sur une île relevant des territoires des habitats avoisinants, Wibolsheim et Plobsheim. L’église accueille les reliques de sainte Sophie, que l’évêque avait ramenées de Rome. Par son testament, l’évêque lègue cette fondation à l’Eglise de Strasbourg, qui y installe une communauté de moniales bénédictines, qui occupera les lieux jusqu’en 1525. Ravagée par les Hongrois en 926, l’église est reconstruite à la fin du Xe siècle et consacrée par l’évêque Widerold vers 991/999.
Vue de l’église au moment des travaux sur la nef et le chevet.
© B. Dottori, Inrap
La réfection de la totalité des enduits extérieurs et des charpentes dans le cadre des travaux de restauration de l’édifice permettait de mener une étude de bâti complète de l’église et, notamment, d’appréhender les phases de construction les plus anciennes. L’intervention a été réalisée en plusieurs phases, en suivant l’avancement des travaux.
La première et principale phase architecturale peut être attribuée, par ses caractéristiques constructives et en lien avec les sources écrites, à la fin du Xe siècle. Elle concerne les deux tiers est de la nef, des bas-côtés, du bras sud et une partie du bras nord du transept. La maçonnerie est constituée de moellons sommairement équarris disposés en assises régulières. En certains endroits, les éléments sont disposés de biais. Les matériaux sont hétérogènes : grès rose, calcaire, roches volcaniques.
Détail de l’appareillage au niveau du mur nord de la nef.
© B. Dottori, Inrap
Ainsi, la présence de basalte, de limburgite et de fragments de tegulae laisse supposer qu’une partie des matériaux ont été récupérés sur des édifices antiques des environs. Les différents chaînages d’angle de cette phase sont réalisés à l’aide de blocs de grès rose taillés présentant une finition à la broche, caractéristique des Xe/ XIe siècles. Un certain nombre de fenêtres ultérieurement condamnées ont été repérées au niveau des murs nord et sud de la nef. Leurs encadrements sont réalisés à l’aide de moellons et de fragments de terres cuites architecturales. L’église a un plan basilical, avec une nef, flanquée de deux bas-côtés et d’un transept. Le plan du chevet de cette période n’est en revanche pas connu, ayant été reconstruit, comme nous allons le voir, lors de la phase suivante.
La reconstruction du chevet (vers 1120/1130) et de la face nord du croisillon septentrional (milieu du XIIe siècle)
L’église connaît un premier temps de transformation vers les années 1120/1130. Le chevet du XIe siècle est remplacé par une abside semi-circulaire ornée d’arcatures et de lésènes. L’appareillage est ici aussi constitué de moellons de grès ou de calcaire soigneusement équarris, de briques orange disposées en assises régulières.
Détail de l’appareillage du mur entre deux lésènes et une arcature.
© B. Dottori, Inrap
Plusieurs éléments permettent d’attester la postériorité du chevet : l’appareillage différent de celui de la première phase, plus soigné et l’insertion de l’abside dans les maçonneries préexistantes ; à l’intérieur, la finition des blocs de l’arc triomphal à la laie, caractéristique du XIIe siècle. Durant cette phase, les fenêtres des murs nord et sud de la nef de la phase précédente sont bouchées et remplacées en léger décalage par des fenêtres de même facture. La face nord du croisillon septentrional est reconstruite, peut-être en lien avec celle du cloître (second quart du XIIe/1150).
La réfection des parties occidentales de l’église (vers 1230)
Le tiers occidental de la nef et des bas-côtés (y compris la façade ouest) va faire l’objet d’une reprise complète au XIIIe (vers 1230). La maçonnerie de cette réfection se distingue par l’emploi exclusif de briques jaunes, orange et rose de format standardisé. La façade ouest de la nef intègre deux grandes fenêtres à lancette et un oculus disposant de châssis en bois. Les analyses dendrochronologiques réalisées sur ces châssis n’ont cependant pas été concluantes. Des fenêtres à lancette s’ouvraient également sur les faces nord et sud de la nef.
Détail du châssis en bois de la fenêtre à lancette.
© B. Dottori, Inrap
De la fin du Moyen Âge à nos jours
A la fin du Moyen Âge ou au début de l’époque Moderne, deux séries de cinq grandes fenêtres à arc en plein-cintre aux encadrements en briques sont réalisées au niveau des faces nord et sud de la nef, en remplacement des fenêtres romanes et gothiques. Ce sont ces fenêtres qui éclairent la nef de nos jours.
Une campagne de travaux est réalisée vers 1747. Les murs de l’église sont rehaussés et les charpentes sont toutes remplacées, ainsi que l’ont montré les analyses dendrochronologiques. Un clocher polygonal est édifié au niveau de la croisée du transept, encore visible sur des photographies anciennes. De nouvelles fenêtres sont insérées dans les bas-côtés et deux portes d’entrée sont réalisées au niveau de la face ouest et du bas-côté sud. Cette dernière porte le millésime 1747.
La charpente de la nef.
© B. Dottori, Inrap
Pour des époques plus récentes (XIXe/XXe siècles), on peut mentionner l’ajout d’une sacristie, la réfection des charpentes des croisillons et la déconstruction en 1955 du clocher installé au XVIIIe siècle. Les parties hautes du croisillon septentrional font l’objet d’une reprise : un chapiteau provenant très vraisemblablement de l’ancien cloître roman a été retrouvé en réemploi dans la maçonnerie.
Contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie (Drac Grand Est)
Recherches archéologiques : Inrap
Responsable scientifique : Boris Dottori, Inrap