À Orchies (Nord), quatre statues exceptionnelles datant de la fin du Moyen Âge et de l’Époque moderne ont été découvertes lors d’un diagnostic archéologique.

Dernière modification
07 mars 2017

Les statues ont été découvertes en 2013, lors d’un diagnostic prescrit par le service régional de l’Archéologie (Drac Nord Pas-de-Calais) et réalisé à l’intérieur de l’enceinte urbaine du XVe siècle. De tous les diagnostics réalisés dans la commune, il s’agit du premier à révéler une occupation médiévale.

Les tranchées ont livré les restes de deux ou trois bâtiments aux sols de terre crue et aux murs sur solins de grès ou sablières basses en bois.
Ils correspondent à la dernière phase d’occupation médiévale datée de la fin du XIVe ou du XVe siècle à l’issue de laquelle le terrain est occupé par un jardin jusqu’au début du XIXe siècle. En dessous, la stratigraphie montre des sols en argile sur environ un mètre d’épaisseur avec des traces de fours et de foyers dont la chronologie semble débuter à la fin du XIIIe siècle et couvrir tout le XIVe siècle. À partir du XVIe siècle, sans doute à cause du déclin économique de la ville, les maisons sont remplacées par un jardin.

Une découverte inattendue

En enlevant le niveau de terre végétale surmontant les sols du Moyen Âge, un bloc de pierre apparaît. Il est rapidement identifié comme un morceau de statue. La fouille de la fosse dans laquelle il se trouve permet la mise au jour de quatre statues en calcaire, dont trois en très bon état de conservation. Deux statues sont posées sur le fond de la fosse, l’une sur le dos, l’autre face contre terre. Une troisième, couchée de biais entre elles, repose sur le côté droit. La dernière, plus petite, repose sur le dessus, en partie sur la troisième. Elle a été installée alors que la fosse était déjà partiellement comblée.

Deux moines anonymes

Deux statues, dont le style renvoie à la fin du XVIe ou au XVIIIe siècle, sont de facture assez sommaire et de taille réduite (moins d’un mètre). L’une représente un saint au visage sévère portant un livre ouvert dans une main, il est vêtu d’une tunique et d’un capuce de moine. L’autre statue est fragmentaire, la tête est absente, un clou fiché à l’emplacement du cou fait penser à une réparation ancienne, le corps est cassé en deux. Elle se trouvait au dessus des autres statues et a été endommagée lors du décapage. Elle représente vraisemblablement un moine en tunique et capuce.

Sainte Agnès et Marie-Madeleine

Ce sont les deux œuvres les plus importantes, par leur taille, mais également par l’exceptionnelle qualité de la sculpture.
Sainte Agnès est représentée debout, le buste légèrement penché vers le bas. Elle mesure 1,42 m. Lors de son enfouissement, elle avait déjà perdu l’agneau appuyé contre sa jambe qui est son attribut distinctif, il n’en reste que les sabots, sur sa jambe et sur le socle. L’une de ses mains est également absente, un clou dans le poignet montre qu’elle a été réparée.
Marie-Madeleine est debout, elle tient dans une main un livre ouvert, dans l’autre le vase à nard qui lui a servi à oindre le Christ. Elle mesure 1,23 m.
Si ces deux statues sont d’un style très différent et ne viennent visiblement pas du même atelier, elles ont en commun le soin apporté aux détails des vêtements et de la coiffure. Le matériau employé est un calcaire qui pourrait provenir d’Avesnes (Nord). Des comparaisons permettent de trouver des points communs avec des sculptures du Brabant et du Hainaut. Elles ont vraisemblablement été réalisées dans les années 1520-1530.

Dépotoir ou cache ?

En l’état actuel des recherches, on ne sait pas d’où viennent ces statues, aucune mention n’a été retrouvée dans les archives d’une chapelle dédiée à Marie-Madeleine ou à sainte Agnès.
Les deux édifices religieux les plus proches sont à plus de 200 m du lieu de découverte. Généralement, les statues réformées sont simplement enfouies au plus près de l’édifice qui les abritait ou réutilisées sous forme de blocs dans les fondations d’autres édifices. Si quelqu’un s’est donné la peine de les transporter entières jusqu’à la rue Letellier, c’est sans doute pour les préserver de la destruction. En effet, les statues n’ont visiblement pas été jetées négligemment dans la fosse, même si elles ne sont pas impeccablement rangées, elles y ont été déposées de façon assez précautionneuse pour occasionner très peu de dégâts, seuls quelques fragments très fragiles de drapé des robes ont été retrouvés dans le comblement.
Par ailleurs, de nombreux indices font penser qu’il s’est passé peu de temps entre l’ouverture de la fosse et son comblement.
Les statues ont donc vraisemblablement été mises à l’abri dans la fosse et oubliées, à moins que la construction d’un bâtiment peu après n’ait empêché de les récupérer.

La question de la datation

Les statues les plus récentes dans la fosse étant datées du XVIIe siècle, un enfouissement antérieur, notamment lors des guerres de religion est exclu. Quelques tessons trouvés dans le comblement de la fosse indiquent qu’il n’est pas antérieur au XVIIIe siècle et un bâtiment construit sur la parcelle apparaît sur le cadastre de 1817. La fenêtre chronologique est donc assez réduite, et dans celle-ci, l’époque révolutionnaire vient immédiatement à l’esprit quand on évoque le sauvetage de biens religieux. En 1793, le mobilier de l’église a été brûlé sur la place d’Orchies. Ces statues sont peut-être les seules rescapées de la vindicte révolutionnaire.

Quel avenir pour les statues d’Orchies ?

Déposées au centre de recherches archéologiques Inrap de Villeneuve-d’Ascq pour étude, les statues ont été expertisées, et le propriétaire du terrain, a décidé de donner à l’État la part des découvertes que la loi de 2003 lui accordait.
Le Palais des Beaux-Arts de Lille, associé dès le diagnostic à l’étude des statues en est désormais dépositaire. Des tests ont été réalisés pour déterminer les meilleures méthodes à appliquer pour leur restauration, prévue courant 2016, avant de trouver leur place dans les salles d’exposition du musée.
 

Aménageur Astrid Promotion
Contrôle scientifique  Service régional de l’Archéologie (Drac Nors-Pas-de-Calais)
Recherche archéologique  Inrap
Responsable scientifique Ludovic Debs, Inrap