En amont de la réalisation de lotissements de chalets , deux fouilles de l'Inrap sur des parcelles voisines à Font-Romeu-Odeillo-Via ont permis de documenter la partie centrale et assez pentue d’un versant bien exposé, une « soulane », entre 1580 et 1650 m d’altitude. La fouille a révélé des vestiges d’aménagements agricoles et des traces d’activités quotidiennes, témoignant d’une occupation du versant de la montagne cerdane sur une longue durée, du Néolithique à la période contemporaine.

Dernière modification
11 décembre 2024

Des témoignages historiques du passé agricole du versant

La fouille des deux sites a permis de mettre en évidence des aménagements renvoyant au passé agricole de la commune. Des murs en pierre sèche, parfois massifs, témoignent de la mise en terrasse du versant. Dans l’une des zones de la fouille de « la Carella », un aménagement pourrait correspondre à une petite section du chemin médiéval reliant Odeillo à Mont-Louis, dont le tracé est encore existant et largement fréquenté par les randonneurs.

Enfin, des drains ont été observés. Ces structures linéaires et empierrées témoignent de la gestion des écoulements d’eaux sur ce versant marqué par une pente à plus de 15% de moyenne. Ces drains ont vocation à diriger les flux issus de petites résurgences, encore actives après des pluies, vers des points bas, parfois largement empierrés, ou vers le petit cours d’eau bordant l’emprise des fouilles à l’est.

L’importance de ces aménagements est cruciale au printemps puisqu’ils permettent d’accélérer la mise en culture des terrains lors de la fonte des neiges.
À ce jour, tous ces vestiges sont datés entre le Moyen Âge et le XIXe siècle et témoignent de la perduration sur le temps long de ces pratiques agricoles.

Font-Romeu 6

Vue aérienne d’une partie du système de drains dans la zone 5 de la fouille de la Carella.

© Patrick Andersch-Goodfellow, Inrap



À « Riat Bia », une fréquentation du Néolithique à la fin de l’Âge du Bronze

Sur l’emprise de la fouille « Riat Bia », des fosses, des foyers empierrés et des trous de poteaux témoignent d’une fréquentation du versant dès le Néolithique et ce jusqu’à la fin de l’Âge du Bronze. Des niveaux de sols, conservés par petits lambeaux épars ont livré quelques restes de céramique.

Des fosses dispersées ont livré, ci et là, des restes céramiques ou lithique ainsi que de grandes quantités de charbons de bois. Des concentrations de trous de poteaux semblent indiquer l’existence de structures légères (arbi, habitat, …) et la présence de foyers et de rejets de fours avec éléments de parois renforcent l’idée d’un petit habitat. Une cabane avec arase de pierre a également été partiellement fouillée.

Font-romeu 12

Fosse avec probable rejet de four.

© Ingrid Dunyach, Inrap

Les indices de l’Âge du Fer sont assez limités et semblent se réduire à quelques fonds de fosses dont le peu de mobilier extrait pourrait renvoyer à cette période.

Sur le site de « la Carella », l’étape de la fin de l’Âge du Bronze n’est représentée que par du mobilier pris dans les colluvions et possiblement issu de l’occupation de « Riat Bia » située plus haut sur la pente. Ce mobilier est par ailleurs mélangé avec des éléments plus anciens (du Néolithique) et plus récent (Moyen Âge).

Font-Romeu 13

Arase de cabane de l’âge du Bronze mis au jour sur la fouille de Ria Biat.

© Patrick Andechs-Goodfellow, Inrap


Un niveau de sol du Néolithique ou de l’Âge du Bronze conservé

Dans la zone nord de l’emprise de la fouille de « la Carella », un lambeau de sol d’environ 20 m² a été conservé au profit d’une petite dépression du terrain. Ce reste d’occupation se matérialise par un foyer en cuvette, ainsi que par un sédiment limoneux très sombre et chargé en restes mobiliers (céramiques, industrie lithique taillée, outils de meunerie), mais aussi en charbons et graines.

Les premiers éléments semblent indiquer que cette occupation a été scellée par les colluvions datés de la transition entre l’Âge du Bronze et l’Âge du Fer. Aussi en l’état actuel, au regard des éléments céramiques en cours d’étude, il semble que ce niveau de sol corresponde à occupation plus ancienne, du début de l’Âge du Bronze voire de la fin du Néolithique, au dernier tiers du IIIe millénaire.

Font-Romeu 17

Vase néolithique. 

© Claire Gazaniol, Inrap

À « la Carella », des activités particulières dans des fosses néolithiques et un petit bâtiment en terre crue et pierre sèche ?

Dans la zone la plus au sud de la fouille de « la Carella », deux grandes fosses de plus de 2,5 m de longueur chacune ont été découvertes. L’une d’entre elle a livré un vase archéologiquement complet dont la forme renvoie à la fin du Néolithique. Un important niveau charbonneux et induré marque le comblement central de cette fosse. L’un de ses bords a été consolidé par un enduit en terre crue. C’est depuis ce bord que la base d’un mur en terre crue et le départ d’un autre en pierre sèche viennent s’adosser au sommet du creusement, laissant envisager un ensemble associant un petit bâtiment fonctionnant de pair avec la fosse ayant vocation à rester béante.

La seconde fosse, située à moins de 5 m au nord-est de cet aménagement a été comblée par une succession de sept niveaux de rubéfaction en cuvette et s’étendant sur toute la largeur du creusement. À chacune de ces étapes, un petit monticule de terre crue a été aménagé dans le point bas de ces foyers. Aucune hypothèse concernant la fonction de ces aménagements n’a pu être avancée à ce jour.

Font-Romeu 21

Coupe d'une fosse, avec les niveaux rubéfiés et charbonneux ainsi que le dôme de terre crue. 

© Claire Gazaniol, Inrap

Un fort potentiel paléoenvironnemental à développer

Dans la zone nord de la fouille de « la Carella », la réalisation de transects géomorphologiques a mené à la découverte de plusieurs paléochenaux. Ces anciens lits correspondent au déplacement progressif vers l’est du cours d’eau qui borde actuellement les deux emprises de fouille. Dans le fond d’un de ces anciens cours d’eau, un niveau humide a livré des restes de branches, des plaques d’écorces et de nombreux cônes de conifères associés à des sables, laissant envisager un ancien épisode de crue.

Font-Romeu 23

Détail des cônes de conifère. 

© Christophe Durand, Inrap

En première approche, la présence de gros tessons décorés et datés de la transition Âge du Bronze / Âge du Fer permet d’envisager de dater cet évènement. Mais c’est surtout la possibilité de dater finement les restes, grâce à la dendrochronologie, voire très finement en travaillant sur la saisonnalité des cônes, qui est ici offerte. Par ailleurs la présence de ces éléments bien conservés ouvre une fenêtre sans pareille sur la composition du paysage à la Protohistoire sur ce versant de la commune.

Font-romeu 22

Vue d’une partie des bois en cours de fouille.

© Christophe Durand, Inrap


Aménagement : Font-Romeu Aménagement (fouille de Ria Biat) et société Modia (fouille de la Carella)
Contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie (Drac Occitanie)
Recherche archéologique : Inrap
Responsables scientifiques : Florian Milési, Inrap (fouille de Ria Biat) et Wilfrid Galin, Inrap (fouille de la Carella)