Vous êtes ici
Au pied du château de Cognac (Charente)
Dans le cadre du réaménagement du site de la Richonne, propriété historique de la société JAS Hennessy, l'Inrap fouille une surface de 2300 m2 au pied du château de Cognac. Aux premières formes d’habitat recensées dès le XIe siècle en contrebas du château succède un quartier protégé dès le XIIIe siècle par une enceinte, puis des restructurations à la fin du Moyen Âge, qui préfigurent la réorganisation des espaces à la fin du XVIIe siècle et le développement d’activités industrielles.
Le développement de la ville de Cognac semble se constituer autour de deux pôles au cours du Moyen Âge : l’église Saint-Léger, d’une part, ancienne propriété des Bénédictins dont l’édifice roman se distingue encore nettement dans le paysage urbain et le château, d’autre part, situé en sommet de coteau surplombant le fleuve Charente. Ce dernier est mentionné dès l’an mil. Ces deux pôles sont réunis au début du XIIIe siècle au sein d’une même muraille qui englobe l’ensemble du bourg de Cognac.
La fouille est située intra-muros, à l’arrière de la porte Saint-Jacques située au pied du château. Cette dernière marque l’entrée sud de la ville suite au franchissement de la Charente. Le site est bordé par la voirie qui mène vers la porte tandis qu’une autre voie de communication le traverse d’après les plans de la période moderne.
Le développement précoce du quartier
Si la construction de la porte Saint-Jacques n’est pas connue avant les années 1200, un habitat composé d’ensembles bâtis semble se développer dès le XIe siècle. Un bâtiment sur plancher a notamment été observé. Il s’intègre au sein d’un ilot bordé au nord par la voirie menant vers la porte Saint-Jacques et, au sud, par un canal révélé au cours de la fouille.

Mur bordier du canal et de la chaussée.
© L. Pointereau, Inrap
Creusé dans les dépôts de la plaine alluviale du fleuve Charente, cette voie d’eau permettait de joindre le pied du coteau sur lequel est installé le château. Une voirie installée sur une chaussée complétait le dispositif et devait participer au franchissement de l’enceinte en marge de la porte Saint-Jacques.

Vue du quartier sud situé en marge de la voirie avec la façade de l’ancien couvent des cordeliers en arrière-plan (deuxième moitié XVIIe siècle)
© P. Ernaux, Inrap
Un ilot fortement remanié à la fin du Moyen Âge
La trame urbaine n’évolue pas jusqu’à la fin du Moyen Âge à l’exception de quelques réaménagements opérés au sein même des bâtiments. L’occupation se densifie progressivement jusqu’à une réhabilitation importante du secteur qui se traduit par le comblement du canal au profit d’un nouvel ilot bâti, dédié à des activités vraisemblablement artisanales.

Four construit au détriment d’un bassin au sein du quartier sud de l’îlot (XVe-XVIe siècles).
© M. Lechevallier, Inrap
La production de salpêtre peut notamment être envisagée. Un exhaussement des niveaux d’occupation est également observé sur l’ensemble du quartier. Les inondations subies ont pu contraindre ces réaménagements importants qui se traduisent, par ailleurs, par le développement attesté, au sud, d’un nouvel ensemble bâti composé d’au moins quatre bâtiments répartis de part et d’autre d’une rue étroite joignant la voirie principale.

Vue de deux bassins dédiées aux activités artisanales (production de salpêtre ? fin XVIe-XVIIe siècles).
© R. Guignard, Inrap
Une nouvelle réhabilitation des lieux
Le démantèlement des fortifications opéré à la fin du XVIIIe siècle s’accompagne de nouvelles évolutions au sein du quartier. Une partie des bâtiments est notamment utilisée pour les écuries du château dès la fin du XVIIe siècle. La fonction évolue à partir de 1782 avec l’installation de prisons dans les tours de la porte Saint-Jacques puis au sein des anciennes écuries. Le rachat progressif des bâtiments par la société Hennessy pour la production des eaux de vie se traduit par le développement de grands bâtiments dont les murs et piliers sont puissamment fondés sur des sablières basses composés d’un châssis de poutres assemblées. La lecture de ces niveaux d’occupation est réduite suite aux récents travaux de démolition opérés sur l’ensemble du site en amont des futurs travaux.

Localisation du site sur le plan de Claude Masse (début XVIIIe siècle).
© SHD Vincennes
Quoique partielle, la fouille de cet îlot a livré de nombreuses informations inédites sur le développement urbain de Cognac intra-muros depuis le XIe siècle jusqu’au XIXe siècle. Le secteur, baigné par le fleuve Charente, a bénéficié d’un développement précoce qui paraît contemporain de celui du château autour de l’an mil. Il suggère un franchissement qui aurait précédé celui reconnu avec la construction de la porte Saint-Jacques (XIIIe siècle) et de l’enceinte de ville. De même, la découverte d’un canal menant au pied du château pose la question du franchissement de cette enceinte. Les études qui seront menées au cours des prochaines analyses permettront de mieux appréhender l’environnement de ces nombreux aménagements inédits.
La voirie qui traverse le site constitue par ailleurs un élément structurant dans la topographie urbaine avec le développement d’un quartier densément occupé.

Pichet (XIIIe siècle ?) retrouvé dans les niveaux d’abandon du canal.
© E. Barbier, Inrap
Contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie (Direction régionale des affaires culturelles de Nouvelle-Aquitaine)
Recherche archéologique : Inrap
Responsable scientifique : Emmanuel Barbier, Inrap
Responsable de secteur : Léo Pointereau, Inrap