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Mélodie Cossé, assistante de recherches archéologiques : « L’archéologie m’a offert de nouvelles opportunités »
Passionnée d’histoire médiévale et d’archéologie depuis son enfance, Mélodie Cossé enchaîne les fouilles bénévoles avant d’en faire son métier en 2015. Elle gagne au fil du temps en responsabilités, ce qui lui permet de mettre en place des mesures sur ses chantiers pour prévenir les discriminations et sortir des stéréotypes genrés en donnant à tout le monde les mêmes opportunités.
L’Inrap poursuit son engagement pour l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes
À l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, le 8 mars, l’Institut réaffirme son engagement pour l’égalité entre les femmes et les hommes, la prévention des violences sexistes et sexuelles et la lutte contre les discriminations, dont il fait l'une de ses priorités pour l'année 2025.
Avec 48 % de femmes et 52 % d'hommes dans ses effectifs au 31 décembre 2023 (Rapport social unique 2023), l'Inrap se rapproche de la parité au sein de ses équipes. Concernant l'écart salarial entre les femmes et les hommes, il est de 2,5 % au sein de l'Inrap, contre 9,1 % pour les fonctionnaires à temps de travail égal, en 2023.
Ces chiffres confortent la politique volontariste de l'établissement visant à valoriser les compétences sans distinction de genre et à encourager les femmes à assumer des responsabilités sur les chantiers archéologiques comme au sein des directions de notre Institut. De même, l'Inrap soutient la formation des femmes favorisant ainsi leur évolution professionnelle et leur expertise dans des domaines spécifiques de l'archéologie.
Pourriez-vous décrire votre parcours professionnel ?
Mélodie Cossé, assistante de recherches archéologiques, centre de Bron, direction régionale Auvergne-Rhône-Alpes : Je m’intéresse depuis longtemps à l’histoire, notamment du Moyen Âge, et à l’archéologie. Nous visitions souvent des châteaux en famille, quand j’étais petite. En outre, ma grand-mère était professeur d’histoire médiévale à l’université. J’avais donc à ma disposition de nombreux ouvrages sur ce sujet.
Après une licence d’histoire avec des options en histoire de l’art et en archéologie à l’université de Lorraine, je me suis inscrite en master 1 en archéologie et environnement à l’université Paris I Panthéon-Sorbonne, qui proposait des spécialisations en archéozoologie et en archéologie médiévale. Les fouilles bénévoles que je réalisais tous les étés m’ont amenée à m’interroger sur les interactions entre les êtres humains et leur environnement. J’ai donc voulu approfondir cette problématique au cours de mes études.
Puis, j’ai intégré le master du Muséum national d’histoire naturelle sur l’archéologie de la Préhistoir, ce qui m’a permis de réaliser une étude taphonomique* sur des vestiges fauniques et de créer un référentiel moderne de comparaison. J’ai poursuivi ces recherches en thèse à l’université d’Aix-Marseille durant un an et demi. Même si je n’ai pas pu la finir, ces mois d’études supplémentaires n’ont pas été perdus, car j’ai eu la chance de pouvoir faire des explorations spéléologiques pour trouver des lots osseux à étudier et travailler en laboratoire pour les analyser.

Mélodie Cossé, diagnostic à Ambérieu-en-Bugey, Sur Mollon (01), 2023.
© Thomas Le Saint Quinio, Inrap
En 2013, je suis retournée au Muséum national d’histoire naturelle, où j’ai été embauchée comme agente technique de collections. J’étais en charge de magnifiques objets préhistoriques, mais le terrain me manquait. De 2015 à 2023, j’ai donc exercé plusieurs missions comme technicienne de fouilles notamment dans des structures privées et publiques, dont l’Inrap. Au fur et à mesure, j’ai évolué professionnellement en pilotant un secteur ou un diagnostic.
En 2023, je suis engagée en CDI à l’Inrap en tant qu’assistante de recherches archéologiques. Je suis très heureuse d’avoir intégré cet établissement présent partout en France, qui offre de nombreux avantages à ses salariés.
Qu’est-ce que vous aimez dans votre métier au quotidien ?
J’aime la polyvalence de mon métier, qui me permet d’alterner entre les périodes de fouilles à l’extérieur, sur le terrain, et celles d’études à l’intérieur, au bureau.
De plus, au sein de notre Institut, nous bénéficions de réelles opportunités, notamment pour nous former avec un large choix de spécialités, comme l’archéologie et l’environnement, la datation carbone 14, la gestion des échantillons sédimentaires, la photogrammétrie, le logiciel QGIS (logiciel de système d'information géographique), etc.
L’Inrap nous donne les moyens d’évoluer professionnellement et d’exercer des postes à responsabilités. En effet, j’ai dirigé la fouille de Villarodin-Bourget, en Savoie, durant deux mois, en septembre et octobre 2024. Il s’agissait d’un village médiéval, dont les vestiges d’une vingtaine de maisons étaient encore bien conservés. Attesté dans les archives dès le début du XIIIe siècle, il a probablement continué à exister jusqu’au XVIIe siècle. Pour cette opération, j’étais en charge d’une équipe de 12 archéologues environ. Tout s’est bien déroulé. Le climat était bienveillant entre nous et avec les prestataires (les conducteurs d’engins mécaniques) que nous connaissons depuis des années à présent, ce qui peut favoriser bonne entente et compréhension.

Visite du chantier de fouille de Villarodin-Bourget (73) en septembre 2024.
© Caroline Moureaux , TELT (Tunnel Euralpin Lyon Turin)
Avez-vous rencontré des difficultés en tant que femme archéologue ?
J’ai rencontré principalement deux types de difficultés : d’une part l’équilibre vie professionnelle – vie personnelle, et d’autre part les agissements sexistes.
Premièrement, je suis une personne très investie dans mon travail, qui est déjà assez prenant avec de nombreux déplacements allongeant mon amplitude horaire. À côté de cela, je consacre aussi beaucoup de temps à ma vie de famille. Entre mon rôle de mère, d’archéologue et de femme, je mène une vie trépidante, qui n’est pas toujours facile à suivre. J’ai fait le choix dernièrement de travailler à temps partiel, à 80 %, afin de consacrer davantage de temps à ma fille et vivre des moments de qualité en famille.
Deuxièmement, les comportements sexistes étaient importants sur les chantiers, en archéologie et dans d’autres domaines. L’association Archéo-Éthique et le collectif « Paye ta truelle », créés tous les deux en 2017, ont permis de libérer la parole concernant les violences sexistes et sexuelles (VSS)**. Des victimes ont eu la possibilité de témoigner et une charte « chantier éthique » existe pour lutter contre les discriminations. La société évolue également. Certains agissements ne sont plus tolérés. Je ressens aujourd’hui plus de respect et de bienveillance sur les chantiers de fouille qu’auparavant.
Qu’est-ce que vous mettez en place sur un chantier pour favoriser l’égalité femmes-hommes et prévenir les violences sexistes et sexuelles ?
J’essaye d’être au maximum à l’écoute de mes collègues. Ils peuvent s’adresser à moi en cas de problème. Globalement, je suis très vigilante au fait qu’aucun membre de l’équipe ne subisse un comportement inadapté au contexte professionnel.
Je privilégie la mixité au sein de mes équipes et je m’appuie sur leurs compétences dans la répartition des missions. Une femme peut réaliser les mêmes opérations qu’un homme, que ce soit sur le terrain ou ailleurs. Il est nécessaire de sortir des stéréotypes genrés : la force du côté de l’homme ; la minutie du côté de la femme. Piocher n’est pas une activité masculine ; tamiser n’est pas une activité féminine.
D’un point de vue pratique, je veille à obtenir des locaux adaptés dans la mesure du possible avec des toilettes à proximité. À l’avenir, on pourrait mettre en place des choses simples qui pourtant peuvent améliorer le quotidien des femmes sur des chantiers, comme par exemple des poubelles dans les toilettes, des affiches de sensibilisation aux violences sexistes et sexuelles dans les bureaux de la fouille, etc.
À titre personnel, j’aimerais suivre l’une des formations proposées à l’Inrap pour mieux comprendre et prévenir les discriminations, et en particulier le sexisme.

Mélodie Cossé, diagnostic à Ambérieu-en-Bugey, Sur Mollon (01), 2023.
© Thomas Le Saint Quinio, Inrap
Qu’est-ce que vous aimeriez dire à une femme qui souhaite devenir archéologue ?
L’archéologie est un domaine formidable humainement parlant. On n’est jamais seule face à ses difficultés. Il y a toute une équipe avec nous pour nous épauler. On met au jour des vestiges qui contribuent à l’enrichissement de l’histoire et à une meilleure connaissance des sociétés humaines. Enfin, on peut découvrir des villages, faire le tour des départements, voire des régions. L’archéologie m’a ouvert un tout nouvel horizon !
* Taphonomie : l'étude des processus de fossilisation et des conditions de conservation des restes organiques.
** L’Inrap a accueilli au siège en juin 2019, dans le cadre de la prévention des violences sexistes et sexuelles, l'exposition « Archéo-Sexisme », conçue par les jeunes universitaires de l'association Archéo-Éthique. Elle a permis un moment d'échanges entre les agents, le président, le directeur général délégué et la DRH autour de ces questions.
- Pourriez-vous décrire votre parcours professionnel ?
- Qu’est-ce que vous aimez dans votre métier au quotidien ?
- Avez-vous rencontré des difficultés en tant que femme archéologue ?
- Qu’est-ce que vous mettez en place sur un chantier pour favoriser l’égalité femmes-hommes et prévenir les violences sexistes et sexuelles ?
- Qu’est-ce que vous aimeriez dire à une femme qui souhaite devenir archéologue ?