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Archéologie au cœur de Sevrey (Saône-et-Loire)
En fouillant l'ancien cimetière de Sevrey, l'Inrap a mis au jour les vestiges d'un quartier artisanal médiéval, ainsi que des structures d'atelier, des outils et une importante production de céramique du bas Moyen-Âge. Les céramiques de Sevrey sont fameuses, mais elles n’étaient connues jusqu’alors que par le biais de découvertes réalisées sur des sites de consommation et quelques sources écrites.
Pour la 25e fois depuis 1975, le village de Sevrey, célèbre pour ses ateliers de potiers en activité du VIe au XIXe siècle, fait l’objet d’une fouille archéologique. Le sixième chantier d’archéologie préventive actuellement en cours concerne une parcelle de près de 2500 m2, située au sud de la commune, près de l’église paroissiale dédiée à Saint-Martin. Les archéologues ont donc l’occasion unique d’explorer les terrains attenants au cimetière et à l’église actuelle, dont les éléments les plus anciens encore visibles sont attribuables à la période romane. Après l'interruption dûe à la période de confinement, le chantier a redémarré dès le 18 mai.
Aux marges du cimetière
Plusieurs dizaines de sépultures ont été découvertes, illustrant les fluctuations des limites de l’aire funéraire au fil du temps. La densité de tombes et les nombreux recoupements observés indiquent une utilisation intense de cet espace à des fins funéraires au cours du Moyen Âge. En l’état des données, les sépultures les plus anciennes semblent remonter à la période carolingienne (VIIIe-Xe siècles) tandis que les plus récentes relèvent a priori des Temps modernes (XVIe-XVIIIe siècles). Les tombes sont disposées en rangées régulières, organisation tout à fait classique des cimetières médiévaux. Plusieurs modes d’inhumation distincts ont pu être déterminés, même si le coffrage en bois semble dominer. Par ailleurs, la morphologie de certaines tombes témoigne de l’aménagement du substrat limoneux, notamment dans l’établissement de logettes céphaliques ou de banquettes servant probablement de support à des couvercles en bois.
Décapage matinal et hivernal.
A. Guicheteau, Inrap
Le cimetière médiéval en cours de fouille
A. Guicheteau, Inrap
Un trou de poteau imposant.
K. Lagorsse, Inrap
L’artisanat potier au bas Moyen Âge
Plusieurs phases d’habitat et de production potière s’intercalent entre les différents niveaux de cimetière et débordent largement sur l’ensemble de la parcelle. C’est sans doute dès le XIIe siècle, et assurément au cours des XIIIe et XIVe siècles qu’un véritable quartier artisanal structuré est installé. Il s’implante à un carrefour de voies matérialisé par l’actuelle rue du Roch et un chemin creux le connectant directement aux zones d’extraction de l’argile et à la forêt située plus à l’Ouest. Plusieurs bâtiments en terre et bois profondément ancrés abritent des activités artisanales, comme probablement le tournage des pots, et servent à l’habitat des potiers tandis que plusieurs fosses de décantation marquent une zone manifestement dévolue à la préparation des matériaux. De nombreux outils en pierre découverts sur le site illustrent également l’artisanat potier. L’opération va également permettre d’étudier plusieurs centaines d’écofacts, à même de nous renseigner sur les choix environnementaux des hommes du Moyen Âge, comme les essences de bois choisies pour alimenter les fours, et sur leur alimentation. La découverte de briques crues surcuites rejetées dans le fond d’une fosse de travail témoigne de la présence d’au moins un four de potier à proximité, dont l’architecture sans doute aérienne n’a guère impacté le sous-sol.
Succession de couches d’argile et de pots dans le remblaiement d’une fosse de décantation.
A. Guicheteau, Inrap
Lot de pichets glaçurés en cours de de dégagement à Sevrey.
S. Morel-Lecornué, Inrap
Un lissoir en grès utilisé par les potiers du Moyen Âge.
A. Guicheteau, Inrap
La céramique
Bien évidemment, l’essentiel du matériel en cours de prélèvement est constitué de milliers de restes de poterie. Parmi les plusieurs tonnes de tessons mis au jour, une production de pichets glaçurés à pâte claire inédite peut d’ores et déjà être mise en exergue. La majorité de la production céramique présente sinon un faciès à pâte grise. Le répertoire comprend principalement des pots et des cruches, mais on dénombre aussi plusieurs marmites, bassins et couvercles. Cette découverte est d’un intérêt majeur. Pour la première fois à Sevrey, la production de céramique du bas Moyen Âge peut être étudiée. Jusqu’alors, elle n’était connue que par les biais de découvertes réalisées sur des sites de consommation et quelques sources écrites. Un regroupement des potiers en confrérie est ainsi attesté pour la période, ainsi qu’une commercialisation de ces pots dans le Dijonnais. La mise en place d’un programme d’analyses chimiques couvrant le Val de Saône est en cours d’élaboration, afin de répondre aux questionnements concernant l’aire de diffusion des poteries sevrotines à l’âge d’or des foires de Chalon-sur-Saône.
Amas de tessons rejetés dans une ancienne fosse de décantation.
A. Guicheteau, Inrap
Pichet glacuré surcuit du XIVe siècle
Gaelle Pertuisot, Inrap
Fouille d'une fosse de décantation
A. Guicheteau, Inrap
Aménagement : Commune de Sevrey
Recherche archéologique : Inrap
Responsable de la recherche archéologique: Antoine Guicheteau
Anthropologue : Annamaria Latron
Céramologues : Anne-Lise Bugnon, Nadine Mahé-Hourlier
Géomorphologue : Dominique Sordoillet
Carpologue : Geneviève Daoulas
Archéozoologue : David Cambou
Topographe : Jérôme Berthet
Anthracologue : Sylvie Coubray
Equipe de fouille : Katia Lagorsse, Jérémy Maestracci, Stéphanie Morel, Antony Gaillard, Bérangère Guégan-Gaillard, Yann Franzini, Gaétan Gouérou
Laboratoire ARAR : Valérie Thirion-Merle, Céline Brun