Les vestiges exceptionnels d'une enceinte fortifiée néolithique ont été fouillés à Carvin dans le Pas-de-Calais.

Dernière modification
10 mai 2016

Cette découverte est remarquable par la monumentalité de l'enceinte et la richesse en mobilier archéologique.


Les vestiges de l'enceinte

Le site est localisé à proximité immédiate de la Deûle sur une butte bordée de zones humides et ceinte par un système de fossés. Deux palissades - dont l'une en tranchée - et deux fossés discontinus se déploient de façon concentrique sur une surface de 6,5 hectares. Un troisième fossé extérieur, dont le tracé plus « autonome » n'est que partiellement reconnu, s'ajoute à ce système.
 
Les fossés, larges de 0,60 m à 3 m, varient de 0,30 m à 1,80 m de profondeur et sont fréquemment interrompus. La dissymétrie de leurs remplissages, phénomène récurrent pour ce type de structure, permet d'envisager l'existence d'une levée de terre et sa position. La construction des deux palissades a nécessité l'abattage de plusieurs centaines d'arbres. Dans la tranchée palissadée, les traces de poteaux de forme rectangulaire évoquent des planches, suggérant une gestion rigoureuse et maîtrisée du travail du bois.
 
L'étendue et l'ancrage marqué de cette installation ont impliqué une somme de travail considérable et indiquent un projet respecté sur le long terme. Les recreusements, propres à certains segments de fossés, et autres aménagements observés témoignent d'une histoire complexe ; mais l'absence de recoupement entre les séries de fossés et de palissades, tout comme les interruptions, attestent un fonctionnement au moins partiellement contemporain de ces structures. Une grande quantité de mobilier - essentiellement lithique et céramique - a été retrouvée dans ces fossés. On distingue des zones de rejets et des zones de dépôts.

À l'intérieur de l'enceinte, deux bâtiments partiellement conservés ont été identifiés. Ils sont orientés est-ouest et leur plan rectangulaire s'apparente à ceux connus sur certains sites similaires de la même époque. Ils mesurent une vingtaine de mètres de long et 7 à 8 m de large. Leur charpente reposait sur un axe central de gros poteaux faîtiers. L'espace interne était divisé en deux parties par des fosses étroites perpendiculaires aux parois. Enfin, de nombreuses fosses néolithiques parsèment l'intérieur de la surface enclose.

Les enjeux de la fouille et de l'étude du site

Ce type de site, de terre et de bois, à caractère monumental, suscite de nombreuses questions. Les enceintes à fossés et palissades multiples apparaissent en effet en Europe occidentale à la fin du Ve millénaire avant notre ère (vers - 4400, - 4300), à une période où le système d'habitat devient plus complexe : habitat différencié, implanté en fond de vallée, sur les plateaux, sur des éperons...
 
Une enceinte comme celle de Carvin correspond-t-elle seulement à un habitat fortifié ou constitue-t-elle la place centrale d'un groupe de fermes et de villages ? Autrement dit : quelle est la fonction d'une telle édification ? Et quelle est la nature d'un tel site au sein du système d'habitat de l'époque ?
Le gigantisme d'un tel ouvrage, même réalisé en plusieurs phases, a nécessité une pérennité remarquable de l'effort collectif. Quelle est donc la durée d'utilisation d'un tel site ?

Sachant qu'aucun recoupement stratigraphique n'existe entre les séries de fossés, la recherche de traces de réaménagement ou de modifications de tracé initial (création d'un passage là où le fossé initial était continu par exemple), ainsi que les symétries/dissymétries entre fossés ont fait l'objet d'une attention particulière. De même un grand nombre de coupes a été réalisé afin d'enregistrer le mode de remplissage des fossés.
L'étude de ces comblements raconte une histoire complexe, longue et assez dissemblable selon les secteurs. Cette documentation vise à déterminer le rythme des phases d'édification et d'abandon de l'enceinte. L'enregistrement contextuel de la densité de mobilier et surtout de sa nature (rejet ou dépôt) aspire à expliquer la nature du site. L'analyse de cette abondante documentation (plans, coupes, culture matérielle, tracéologie, anthracologie, caramels alimentaires, carpologie...) a pour objectif de définir l'évolution entre les phases d'installation, de pleine utilisation et d'abandon du site, d'en définir la nature et de l'insérer dans le paysage chronoculturel régional. Le matériau de certaines belles pièces en silex, par exemple, en provenance des minières de Spiennes (en Hainaut belge) à 80 km vers l'est, témoigne de l'existence de vastes réseaux d'échange par lesquels circulaient Hommes, biens et idées.
 
Les premières observations du mobilier céramique et lithique placent le site de Carvin dans le groupe de Spiere (site éponyme, situé à une quarantaine de kilomètres au nord de Carvin, en Belgique) : ce groupe culturel du Néolithique moyen II, selon la chronologie française, contemporain des cultures du Michelsberg et du Chasséen septentrional, caractérise la Flandre occidentale à cette époque.