A Amiens, le réaménagement des derniers terrains libres de la ZAC Cathédrale est en passe de s'achever. C'est dans le cadre d'un sauvetage préalable à la construction de nouveaux ensembles immobiliers que des fouilles archéologiques sont engagées à l'emplacement des futurs sous-sols.

Dernière modification
10 mai 2016

Les fouilles actuelles, menées entre l'ancienne rue des Gantiers et le canal de Rinchevaux, concernent un secteur encore peu exploré de la ville. La profondeur des fouilles correspondant à celle du futur parking souterrain, les niveaux d'occupation les plus anciens ne seront pas atteints. Les premières installations et tous les aménagements de bordure de rivière ne seront donc pas étudiés. En revanche, les niveaux correspondants à l'histoire de ce secteur entre le IVe siècle et nos jours sont accessibles.


La ville antique

Si le nom de Samarobriva apparaît pour la première fois en 54 avant notre ère dans le récit que fait César de la guerre des Gaules, la création de la ville proprement dite se situe autour de 10 avant et 10 après J.-C. Elle connaît un essor rapide qui aboutit à une surface urbanisée de plus de 200 hectares au moment de son extension maximale, au IIe siècle. Cette urbanisation atteint le fond de vallée dès les années 30 de notre ère. Au Bas-Empire, à partir de la fin du IIIe siècle, Samarobriva traverse une importante phase de régression. Une enceinte est édifiée alors, couvrant une emprise d'une vingtaine d'hectares. Les niveaux correspondants à cette période étant rarement conservés, les données qui concernent la datation, l'organisation et l'occupation de ce castrum restent à ce jour encore très lacunaires. Un des objectifs principaux ici est l'étude d'une portion du flanc nord de ce rempart, qui traverse la parcelle fouillée. La fouille permet d'aborder des questions majeures telles que la chronologie de sa construction, l'existence éventuelle de dispositifs défensifs complémentaires, la proximité d'une porte, la contrainte du milieu et des constructions préexistantes, la chronologie de son démantèlement, etc. Il est également possible que des blocs décorés ou inscrits, récupérés dans divers édifices et réemployés pour la construction du rempart, puissent être découverts.

La ville médiévale

Les six siècles qui suivent la fin de l'époque romaine sont peu documentés, tant par les sources écrites que par l'archéologie. Plus particulièrement, les occupations et installations à l'extérieur du castrum restent incertaines, mis à part des aménagements hydrauliques en fond de vallée liés à l'existence, autour de 1075, de 12 moulins à eaux. On estime que jusqu'à la fin du xie siècle certains éléments architecturaux antiques (voirie, enceinte, amphithéâtre transformé en forteresse ...) gardent leur importance. De la fin du XIe au XIVe siècle, Amiens connaît un essor qui se traduit par le développement de vastes faubourgs et nécessite la construction d'une enceinte plus large. La première extension attestée, dite de Philippe Auguste et terminée vers 1190, englobe les quartiers du fond de vallée. La seconde, visant à protéger les faubourgs sud, est décidée après la bataille de Crécy (1346), mais achevée seulement en 1471.

Du Moyen Âge aux Temps Modernes

Un important fonds d'archives livre des informations très diverses et précises à compter du XIVe siècle. En revanche sur le plan archéologique, les vestiges antérieurs au XVIe siècle sont peu nombreux. Soit ils sont très mal conservés, du fait des destructions liées aux aménagements postérieurs (notamment en sous-sol) ou aux guerres du XXe siècle, soit ils sont peu accessibles.

Dans ce contexte, les fouilles en cours offrent l'opportunité d'étudier l'évolution d'un îlot urbain depuis sa mise en place au Moyen Âge jusqu'à sa destruction en 1940. L'intervention a débuté par l'étude du réseau bâti très dense, qui est apparu dès le décapage du terrain. Il s'agit d'un ensemble de caves à l'histoire longue et complexe, dont l'organisation reflète assez fidèlement la distribution des parcelles en surface et sa relative stabilité depuis le Moyen Âge. Un des objectifs majeurs de l'opération est de déterminer la chronologie et le mode de mise en place de ce parcellaire urbain, intégralement conditionnés par la disparition du rempart du Bas-Empire.