Entre la confluence de la Seine et de l'Aube à l’ouest et la plaine de Brienne au sud-est, le potentiel archéologique de la vallée de l’Aube reste moins connu que celui de la vallée de la Seine, plus impactée par les aménagements. Une fouille réalisée par l’Inrap à Plancy-l’Abbaye a ouvert une fenêtre d’étude de 11 000 m² sur une nécropole protohistorique, caractérisée par la grande variété de ses enclos fossoyés.

Dernière modification
10 mars 2025

Six enclos fossoyés, trois inhumations et deux dépôts secondaires à crémation

Le décapage a mis au jour un enclos fossoyé circulaire d’environ 11 m de diamètre, soit une surface interne de 90 m². Le fossé présente une largeur de 1,15 m et un profil en « V » irrégulier conservé sur une profondeur de 0,50 m. Positionné sur une légère éminence topographique et en position centrale par rapport aux autres enclos, il pourrait être le monument le plus ancien. Aucune sépulture n’est découverte, liée à cet enclos.

Plancy 1

vue aérienne vers l’ouest du décapage. A droite sur la zone au premier plan enclos sub-rectangulaire aux angles arrondis et ouvert à l’est. A gauche enclos circulaire et enclos en fer à cheval accolé, au fond à gauche petits enclos quadrangulaires

©  David Duda, Inrap

A l’est, un deuxième enclos en forme de fer à cheval, d’un diamètre de 7 m et largement ouvert à l’ouest, semble venir s’accoler au précédent., dont il était peut-être séparé par un talus. Au centre de cet enclos est fouillée l’inhumation d’une femme, tête au sud, portant des éléments de parure en alliage cuivreux : bracelet aux poignets, anneau aux chevilles, fibules à l’épaule gauche et proche du bassin. Ces objets sont datés entre -500 et -430 av. J.-C. (Hallstatt D3 - La Tène A1).

A 70 m au nord, un troisième enclos de 11 m par 7,50 m, sub-quadrangulaire aux angles arrondis, est ouvert à l’est. Il évoque, en taille réduite, les enclos de type langgräben. Aucune sépulture n’est associée à cet enclos.

Plancy 5

Vue oblique de l’enclos sub-rectangulaire aux angles arrondis et ouvert à l’est. 

© Stéphanie Leconte-Goujon, Inrap

A 30 m au sud-est des premiers monuments, deux petits enclos quadrangulaires de trois mètres de côtés, dont l’un est moins bien conservé, semblent agrafés l’un à l’autre.

Plancy 6

Vue oblique des deux enclos quadrangulaires et dépôts secondaires à crémation centraux. 

© François Demol, Inrap 

Au centre se tient une petite fosse comportant un remplissage charbonneux, des esquilles osseuses humaines, des restes de céramiques et pour l’une des objets en alliage cuivreux fragmentés et passés au feu : fibule, bracelet, torque (?), petit instrument de toilette (scalptorium). Leur datation  entre -430 et -410 av. J.-C. (La Tène A2) peut surprendre, les inhumations étant plus fréquentes à cette période.

Un sixième enclos (non fouillé), circulaire, a été détecté à 100 m au sud-ouest lors d’un précédent diagnostic, laissant entrevoir une répartition de ces différents monuments le long d'un axe nord est – sud ouest. Cette implantation peut correspondre à des critères topographiques sur les basses terrasses de l’Aube et en rebord du vallon ou à la présence d’une voie disparue.

Deux autres inhumations sont mises au jour à l’est de la zone à enclos, sub-affleurante pour l’une, plus enfouie pour l’autre. Dépourvues de mobilier elles feront ultérieurement l’objet de datations radiocarbone qui préciseront si elles s’intègrent à l’ensemble funéraire protohistorique, leur orientation vers l’est et l’absence de mobilier pouvant évoquer d’autres périodes.

Plancy 11

Vue oblique d’une inhumation d’un adulte (+ de 40 ans) masculin, probablement déposé dans une enveloppe souple, associé à un contenant rigide et un probable couvercle, sans mobilier (datation radiocarbone à venir). (fouille Maxime Dard, étude archéo-anthropologique Cécile Parésys, Inrap GE)

© Maxime Dard, Inrap

Les autres vestiges

Les autres vestiges mis au jour consistent en une fosse profonde de type en « Y » isolée. Ces fosses bien connues régionalement sont attribuées à des activités cynégétiques, entre le Néolithique moyen et l’âge du Bronze. Des datations radiocarbone préciseront ce phasage.

Le remplissage d’une dépression a livré deux fragments de fibules attribuées entre -60 av. J.-C. et 14 ap. J.-C. ainsi que des petits clous dont des clous de chaussures. Ces artefacts évoquent une occupation plus récente, de nature encore indéterminée, en périphérie de l’emprise fouillée. 

Des fosses assez vastes interprétées comme des fosses d’extraction et trois fosses d’équarrissage (un bœuf et deux équidés) témoignent d’activités rurale ou agricole en périphérie de l’habitat aux périodes moderne et contemporaine.

De rares sections de fossés, de même orientation et très peu ancrés au sol, peuvent être interprétées comme des parcellaires récents ou des fossés de drainage.

Enfin de nombreuses anomalies naturelles de type chablis (empreinte laissée par un arbre déraciné, sans intervention de l’homme) ont été repérées, probablement assez anciennes, car leur remplissage paraît parfois induré, voire « cimenté ». Leur présence est très limitée aux abords directs des enclos fossoyés et aucun ne vient recouper les vestiges protohistoriques.

Phasage chronologique

La fouille de la nécropole protohistorique de Plancy-L’Abbaye est implantée sur les basses terrasses de la vallée de l’Aube, non loin de la confluence avec la vallée secondaire de la Barbuise. Bien que partielle et présentant des vestiges en apparence limités par leur nombre et leur état de conservation, elle se révèle très intéressante par la morphologie variée de ses enclos fossoyés, le jalon chronologique entre -500 et 430 av. J.-C. (Hallstatt D3-La Tène A1) ou encore le mode de dépôt secondaire à crémation, entre -430 et -410 av. J.-C. (La Tène A2).

Les résultats s’insèreront dans un contexte riche pour les occupations protohistoriques funéraires, qui tendent à illustrer une occupation longue de ces nécropoles, dès le Bronze ancien (-2200/-1600 av. J.-C.), voire le Néolithique final (-2800/-2200 av. J.-C.), dans ce secteur. Les études et analyses en cours préciseront ce phasage chronologique et renseigneront sur la population recrutée, son état sanitaire, ses pratiques funéraires, sa culture matérielle, son statut social ou encore son environnement.

Aménagement :   SAS Fransol 21
Contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie (Direction régionale des affaires culturelles Grand-Est)
Recherche archéologique : Inrap
Responsable scientifique : Sylvain Canet, Inrap