A Aytré, Charente-Maritime, une opération de fouille préventive a été mise en oeuvre sur une surface de 19 200 m2. La fouille a été faite par une équipe de six à treize personnes. La coopération des différents intervenants de la post-fouille a débuté le 18 décembre 2004 et est encore en cours.

Dernière modification
10 mai 2016

La fouille a mis en évidence des installations agricoles, artisanales et résidentielles appartenant à une exploitation rurale gallo-romaine occupée entre le Ier et le Ve s. de notre ère. La présence d'un balnéaire, de mobilier archéologique en argent et en bronze et d'éléments de décors architecturaux (enduits peints et fragment de colonne) indique que le statut de l'exploitation va au-delà de celui d'une simple ferme et qu'elle peut être qualifiée de villa.

La partie centrale de l'emprise est occupée par des bâtiments en U qui s'agencent autour d'une cour. C'est dans ce secteur que des installations viticoles des IIe-IIIe s. ont été repérées : on recense en outre onze bassins à recueil du moût, trois probables fouloirs et au moins une zone de pressage.

Dans la partie occidentale du périmètre de fouille, un bâtiment en T se dessine. Dans la partie sud du bâtiment, la présence de trois systèmes de chauffe alimentés par trois praefurnia indique la vocation résidentielle et/ou artisanale du lieu (chauffage par le sol ou structures de séchage-fumage). Les espaces extérieurs aux bâtiments précédemment cités recèlent de nombreux aménagements : cours, puits, bâtiments en matériaux légers, fossés et fosses. La présence de pépins de raisin dans le fond d'un des puits, comblé dans le dernier quart du Ier s. de notre ère, semble indiquer que la viticulture était au Ier s. la principale source de revenu de la villa. Les études des restes fauniques retrouvées en fouille vont dans le même sens. L'activité de l'établissement agricole se diversifie au cours des phases d'occupation suivantes par l'adoption de pratiques céréalières.

L'étude du mobilier archéologique et l'analyse des prélèvements destinés aux études paléo-environnementales apportent de nouvelles informations sur l'occupation du littoral nord-charentais entre le Ier et le Ve s. de notre ère. L'étude du mobilier céramique du site, réalisée par D. Guitton, permet de distinguer trois phases chronologiques distinctes d'occupation et d'abandon : des traces d'occupation liées au Ier s. de notre ère, des niveaux de remblais ou d'abandon livrant du mobilier caractéristique de la fin du IIe et, surtout, du IIIe s. apr. J.?C., et, enfin, les dernières traces d'activités du site, intervenant probablement au Ve s. de notre ère. Il faut souligner la quasi-absence d'amphores sur l'ensemble du site, laissant supposer l'utilisation du tonneau comme conteneur du vin. La catégorie de céramique la plus représentée est la céramique commune sombre. De nombreux fragments de céramique de ce type trouvent des équivalences dans les sites régionaux de la rue Jacques-Brel à Saintes, de la boutique des Cordeliers à Poitiers et de la ferme de la Haute-Sarrazine à Cognac-Crouin.

L'étude de C. Dupont montre l'existence d'un spectre malacofaunique très varié. Elle révèle la présence de 35 espèces de mollusques d'origine marine, avec la prédominance de la patelle, et atteste l'exploitation d'une zone rocheuse vraisemblablement parsemée de mares et de chenaux à graviers sableux à vaseux. L'étude carpologique menée par M. Derreumaux a relevé la présence de 5 449 restes de plantes et de fruitiers. On recense notamment des céréales (orge vêtue, blé nu et amidonnier), des légumineuses (lentille et gesse chiche ou cultivée), des légumes verts (pourpier, arroche étalée ou hastée, chénopode blanc), une oléagineuse (la caméline), des fruitiers (vignes, pommier, poirier, figuier et noyer) et des plantes sauvages. L'abondance des pépins de raisin dans le matériel carpologique (4 963 sur 5 449 restes) atteste la primauté de la viticulture sur les autres sources de revenu agricole. L'étude archéozoologique dirigée par A. Bandelli et B. Clavel apporte des données nouvelles sur l'alimentation carnée et l'élevage sur le littoral nord-charentais. En outre, au-delà de son intérêt régional, cette étude complète nos connaissances des sélections opérées dans le cheptel et de l'évolution des goûts alimentaires en fonction des influences culturelles et environnementales.

La villa de la ZAC Bongraine est un des rares exemples de villae viticoles fouillées en Charente-Maritime avec les techniques actuelles proposées par l'Inrap. Elle apporte des données nouvelles sur les pratiques agricoles et artisanales en Aunis entre le Ier et le Ve s. de notre ère (élevage, agriculture et surtout viticulture). Elle témoigne également de la recherche de confort de populations utilisant le bain et des pièces agrémentées d'enduits peints. De plus, au-delà de la compréhension de l'évolution de l'occupation, la fouille de la villa donne des informations paléo-environnementales inédites sur le littoral antique nord-charentais : les études malacologiques donnent la vision d'une côte rocheuse sans doute interrompue par endroits par des mares et des chenaux à graviers sableux à vaseux, les analyses carpologiques indiquent un climat propice à la pratique viticole et l'étude des restes fauniques atteste enfin la pratique de l'élevage bovin, porcin et des caprinés.