À Kourou, Guyane, la prescription a concerné 3 600 ha (36 km²) sur des concessions de parcelles boisées en cours d'aménagement agricole.

Chronique de site
Dernière modification
10 mai 2016

Cet aménagement entraîne le déboisement complet des parcelles pour la mise en culture d'herbes à pâturage, d'arbres fruitiers, de maraîchages, ainsi que la construction de bâtiments d'élevage et la création de 18 km de routes d'accès pour desservir les parcelles.

Ce sont ces travaux de voirie qui ont été le prétexte à une prescription de prospection-diagnostic sur l'ensemble des concessions agricoles. Mais au démarrage du diagnostic, les voies étaient en cours d'achèvement et les déboisements avaient débuté depuis plusieurs années. Vingt-deux jours ont été consacrés à une prospection pédestre préalable, avec ouverture de sondages manuels, et autant de jours à la réalisation d'un diagnostic mécanique sur une sélection de sites. Au total 2 169 m² ont été ouverts.
 


La zone concernée par l'opération correspond à la frange forestière du Plateau des Guyanes, constituée de petites collines érodées (20-25 m) au sol latéritique, entrecoupées de bas-fonds humides. Ces collines dominent, au nord, la savane littorale où de nombreuses implantations amérindiennes sont déjà référencées sur les anciens cordons sableux. Au sud, le relief augmente progressivement jusqu'à la berge du fleuve Kourou où des habitations coloniales et des bâtiments associés au bagne sont localisés. Au démarrage de l'opération, aucun site n'était référencé sur la zone prescrite.

La prospection pédestre, menée par trois archéologues de l'Inrap a permis la reconnaissance de 26 sites ou indices de site sur une surface explorée d'environ 20 km². Les sites ont été majoritairement trouvés sur les sommets de collines, mais des indices ont été également localisés sur des zones basses. Les 5 sites retenus pour le diagnostic mécanique sont tous des sites amérindiens de hauteur. L'intervention sur l'un des sites déjà déboisé a confirmé le caractère destructeur du dessouchage et du nivellement au bulldozer avant la mise en culture (d'herbes à pâturage dans le cas présent). Trois interventions ont été menées sur des secteurs encore boisés. Les niveaux archéologiques, plus ou moins profondément enfouis, ont pu être identifiés (sols d'occupation, trous de poteau, fosses avec dépôt de vases) et les « terres noires » associées à l'occupation ont pu être identifiées. L'importante quantité de tessons céramiques permet de sérier les formes et les décors rencontrés pour esquisser une évaluation de l'occupation diachronique de la région (les datations s'échelonnent entre 2035 ± 35 BP et 395 ± 30 BP), et préciser les appartenances avec les cultures matérielles déjà connues sur le littoral.

L'autre importante contribution de cette opération résulte de la découverte, sur deux sites voisins, de structures à vocation funéraire. Sur l'un des sites, un vase contenant les os brûlés d'un individu adulte a été extrait d'une fosse. Sur l'autre site, des os incinérés ont été retrouvés compactés dans une petite structure creuse sans contenant. Ces os appartiennent également à un individu adulte. Dans les deux cas, des ossements animaux sont associés aux os humains. Dans le contexte de sol latéritique très acide du plateau guyanais, la découverte de vestiges osseux conservés est un fait rare. Les datations C14 en cours par AMS (spectrométrie de masse par accélérateur) sur les os humains, corrélées avec celles déjà obtenues sur des charbons de bois, permettront de valider ou non la pertinence de dater directement ces matériaux, compte tenu de leur état très dégradé ainsi que des infiltrations d'eau et de racines qui ont pu les contaminer, sans compter sur l'erreur induite par la consommation éventuelle d'organismes marins par les populations amérindiennes (effet réservoir). Une telle confrontation entre datations sur charbons de bois et ossements est une première en Guyane.

L'expertise archéologique de grands espaces vierges permet d'accumuler des données nouvelles pour une meilleure connaissance de l'occupation ancienne d'une zone géographique non encore explorée, alimentant la réflexion d'ensemble sur l'occupation du territoire guyanais. Malgré le bénéfice scientifique apporté par ce type d'exploration, aucune fouille ne sera réalisée sur la zone concernée.