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Vestiges d’une importante agglomération gauloise à La Baule-Escoublac ?
Dans la commune de La Baule-Escoublac, l'Inrap fouille un site qui pourrait correspondre à un espace situé en périphérie d’une importante agglomération gauloise, voire de la principale agglomération gauloise de la presqu’île guérandaise, soit un site de première importance pour la connaissance de l’organisation politique et économique des territoires anciens.
Les archéologues de l’Inrap réalisent actuellement une fouille archéologique préventive sur la commune de La Baule-Escoublac, en amont d’un projet de lotissement mené par Viabilis Aménagement et sur prescription de l’État (DRAC Pays de la Loire). Située entre la route de Quesquello et le Chemin du Parc au Mil, cette opération d’ampleur livre des vestiges gaulois et gallo-romains, qui restituent un pan important de l’histoire de la commune.
Si les scientifiques ont notamment décelé les vestiges d’un habitat rural, évoluant vraisemblablement entre le IIe siècle av. J.-C. et le début du Ier siècle, ils ont aussi identifié une occupation d’une autre nature. Ce dernier site pourrait correspondre à un espace situé en périphérie d’une importante agglomération gauloise. Une avancée majeure pour la connaissance du passé de La Baule-Escoublac et de l’organisation des sociétés de l’âge du Fer.
Entre monde rural…
L’établissement agricole identifié Chemin du Parc au Mil correspond à un type d’habitat classique du monde rural gaulois. De plan quadrangulaire, la ferme est délimitée par un fossé d’enclos et est explorée sur environ 2000 m². Elle abrite plusieurs constructions sur poteaux se rapportant à des maisons ou édifices annexes (greniers, bâtiments fonctionnels), bâtis en terre et bois. Elle est entourée d’espaces agraires (champs) dans lesquels s’insèrent quelques bâtiments épars, pouvant s’apparenter à des lieux de résidence du personnel agricole. La particularité de cette occupation est qu’elle évolue jusqu’au changement d’ère, soit près de 50 ans après la conquête romaine de la Gaule, et disparaît à un moment où s’opère la restructuration administrative et territoriale imposée par le nouveau pouvoir politique.
Fossé gaulois en cours de fouille.
© Elven Le Goff, Inrap
Zone de bâtiments gaulois matérialisés par un grand nombre de trous de poteau.
© Elven Le Goff, Inrap
… et espace périurbain ?
Cette occupation tardive, assez peu souvent mise au jour, est peut-être à mettre en lien avec la proximité du second site, localisé en bordure de la route de Quesquello et qui est abordé sur environ 5000 m². Les vestiges semblent se développer largement en dehors de l’emprise de la fouille sur une surface d’au moins 1 hectare. De nombreux petits fossés de partition délimitent des espaces fonctionnels. Les scientifiques ont mis au jour un nombre important de trous de poteaux, indiquant l’implantation ancienne de multiples bâtiments. La découverte de fragments de poteries et d’amphores témoigne d’un contexte domestique et de la présence d’habitats. Mais le secteur livre également des vestiges liés à des activités artisanales. Des déchets de forge - ou scories - indiquent la présence d’une activité liée à la métallurgie du fer. Un atelier de saunier a aussi été identifié : il est constitué d’un four à sel, formé d’une fosse de travail et d’un alandier qui précèdent une chambre de combustion. Il s’agit d’un four à grille, destiné à la production de pains de sel calibrés dans des moules en argile (augets) et qui peuvent être exportés jusqu’à 150 km du littoral. Le sel est, pour l’époque, un élément fondamental pour la conservation des denrées carnées (salaisons). Le bon état de conservation du four permet une observation fine de la structure, et laisse notamment apparaître les traces de son façonnage. Si la découverte d’un tel vestige n’est pas étonnante sur la presqu’île guérandaise, sa datation précise (IIIe siècle av. J.-C.) et son association à un contexte d’occupation bien identifié ne sont cependant pas si fréquentes pour la période gauloise. À proximité, un bâtiment semi-excavé est caractéristique des espaces artisanaux liés aux agglomérations de La Tène (second âge du Fer).
Vestiges d’un four.
© Inrap
Cette occupation évolue pour la période gauloise entre le IIIe et le Ier siècle av. J.-C. et se poursuit à la période romaine jusqu’au IIe siècle. Ce secteur oriental du chantier laisse ainsi apparaître une occupation étendue et complexe dont la fouille n’aborde ici que la frange. Par leur développement, les vestiges de la zone ne renvoient pas à une occupation domestique rurale telle que habituellement rencontrée pour nos régions occidentales, mais laissent plutôt penser à un vaste habitat aggloméré qui se développe largement vers le sud et l’est.
Vue zénithale du site en cours de fouille à La Baule-Escoublac.
© Elven Le Goff, Inrap
Dégagement du niveau de démolition d’un bâtiment antique, dont le mur est visible, à droite de l’image.
© Elven Le Goff, Inrap
Relevé topographique en cours sur un bâtiment antique.
© Elven Le Goff, Inrap
La chronologie et la présence d’activités artisanales confortent l’hypothèse selon laquelle les vestiges découverts correspondraient à ceux de la périphérie d’une possible agglomération.
Deux importantes voies gauloises desservent cette occupation : l’une vient de l’ouest et est étudiée sur près de 70 m de longueur. L’autre correspond à l’actuelle route de Quesquello. Les deux routes se rejoignent à l’angle de la zone de fouille pour former un carrefour. Ces voies majeures, qui permettent une circulation en double sens des charriots attelés, témoignent sans ambiguïté de l’importance du site archéologique.
Coupe stratigraphique réalisée dans la voie gauloise d’orientation et principe de formation de la route excavée, par de nombreuses ornières.
© Elven Le Goff, Inrap
Une vraisemblable agglomération gauloise à Quesquello
L’idée de la présence d’une probable agglomération gauloise à Quesquello est un élément inédit dans l’histoire de la commune et est une information de première importance pour la connaissance de l’organisation politique et économique des territoires anciens. Par analogie à d’autres sites étudiés en France et en Europe, cette agglomération potentielle pourrait ainsi s’étendre au total sur 10 à 20 ha.
Site important du territoire Namnète (peuple gaulois mentionné par Jules César), globalement installé sur l’actuel espace du département de Loire-Atlantique et dont le nom sera à l’origine du nom de la ville de Nantes), elle pourrait même correspondre à la principale agglomération gauloise artisanale et commerciale de la presqu’île guérandaise. Les archéologues viennent donc de faire ressurgir un site semble-t-il majeur. La poursuite des travaux archéologiques pendant encore près d’un mois s’attachera à confirmer ces hypothèses.
Prescription scientifique : Drac Pays de la Loire (Service régional de l'archéologie)
Responsable scientifique : Elven Le Goff, Inrap