À Aulnat, l'Inrap a mis au jour la tombe d'un très jeune enfant datant de l’époque augusto-tibérienne. Le défunt est accompagné d'un jeune chien et d'une profusion exceptionnelle de mobilier, une sépulture sans comparaison dans la région et pour la période. 

Dernière modification
27 janvier 2021

Depuis mi-novembre 2020 et jusqu’à la fin février 2021, une équipe d’archéologues de l’Inrap conduit, sur prescription de l’État (Drac Auvergne – Rhône-Alpes), une fouille archéologique à Aulnat, en amont de l’installation d’une base vie de chantier par le Syndicat Mixte de l’aéroport de Clermont-Ferrand/Auvergne, sur un terrain de 3,5 ha. La fouille révèle des habitats du Premier âge du Fer, de l’Antiquité avec la présence d’une sépulture inédite d’un jeune enfant pour la région, du haut Moyen Âge et de l’époque Moderne.

Un habitat du Premier âge du Fer 

Datant du Premier âge du Fer (800 à 450 avant notre ère), le site livre un vaste habitat révélé par un niveau de sol, des fosses et des bâtiments sur poteaux porteurs.

Des bâtiments antiques

Plusieurs bâtiments antiques ont été reconnus dans l’angle sud-est de l’emprise. Actuellement en cours d’étude, seuls les niveaux de démolition sont visibles, même si quelques murs apparaissent. Les éléments céramiques indiquent une occupation entre le Ier et le IIIe siècle de notre ère. Des vases de stockage sont présents, mais également des éléments de vaisselle fine, issus de rejets domestiques. Il est possible que ces bâtiments dépendent d'un édifice domanial proche.

Une sépulture d’enfant antique inédite

La fouille a révélé une sépulture exceptionnelle en marge d’un habitat gallo-romain. Cette tombe abrite un enfant décédé vers l’âge d’un an à l’époque augusto-tibérienne, c’est-à-dire dans les trois décennies suivant la naissance de Jésus-Christ. Il a été inhumé dans un cercueil ajusté mesurant 80 cm, dont le bois n’est pas conservé mais est matérialisé par de nombreux clous et une plaque de fer ornementale. Ce petit cercueil a été placé dans une fosse aux dimensions plus vastes (2 mètres de long pour 1 mètre de large) qui offre l’espace nécessaire à une quantité remarquable d’objets.

Autour du cercueil et sur son couvercle ont été disposés une vingtaine de récipients en terre-cuite. Ceux-ci devaient contenir des denrées alimentaires et des boissons liées au banquet funéraire, en représentant la part destinée au défunt. De nombreux éléments de boucherie font également partie du banquet : un demi-cochon coupé dans la longueur, auquel s’ajoutent trois exemplaires de jambon-jarret, deux autres portions de porc plus modestes (épaule et jambon), mais aussi deux poules auxquelles ne manquent que la tête. Certains vases miniatures et deux balsamaires de verre ont pu contenir des produits cosmétiques ou médicinaux, que des analyses chimiques devraient permettre d’identifier.

Des effets personnels accompagnaient l’enfant dans la tombe, parmi lesquels se trouvait une fibule en alliage cuivreux, sorte d’épingle ornementale qui devait être fixée sur une étoffe. Contre le cercueil, un cercle de fer d’une trentaine de centimètres de diamètre était accompagné d’une tige coudée. Il pourrait s’agir d’un jouet : un cerceau et sa baguette qui permettait de le faire rouler au sol. L’extrémité de la tige avait été glissée entre les pattes d’un chiot déposé aux pieds du défunt, hors du cercueil. Ce chiot portait un collier orné d’une quinzaine d’appliques en bronze et muni d’une clochette. Dans la tombe se trouvait également un dépôt aussi petit qu’émouvant, placé sur un fragment de coquillage : une dent de lait perdue par un enfant plus âgé qui était peut-être le frère ou la sœur du jeune défunt.

Les sépultures de jeunes enfants gallo-romains sont souvent situées hors de l’espace funéraire communautaire et même parfois inhumés à proximité du foyer familial. Ces tout-petits bénéficient rarement des mêmes pratiques funéraires que leurs aînés qui, à cette époque, font généralement l’objet d’une crémation. Le mobilier qui accompagne le défunt d’Aulnat est tout à fait exceptionnel, aussi bien du point de vue de sa quantité que de sa qualité. Une telle profusion de vaisselle et d’éléments de boucherie, de même que les effets personnels qui ont suivi l’enfant dans sa tombe, soulignent le rang privilégié auquel appartenait sa famille. Quant à l’association du chien avec un jeune enfant, elle est bien attestée en contexte funéraire mais c’est ici son collier et de sa clochette qui apparaissent inédits.

À titre de comparaison régionale, seules quelques tombes de jeunes enfants ont fourni d’importantes quantités de mobilier, toutefois toujours inférieures à une dizaine de vases et à deux pièces de boucherie. Une sépulture proche datant des lendemains de la conquête romaine, soit quelques décennies avant la sépulture d’Aulnat, est toutefois comparable par sa profusion de vaisselle de viande, mais la présence d’armes permet de l’attribuer à un guerrier gaulois.
 

Un habitat du haut Moyen Âge

Un habitat du Haut Moyen Âge se développe au nord-ouest de l’emprise. Il se compose de plusieurs bâtiments sur poteaux porteurs, associés à des fosses, ainsi qu’à un puits délimité par une margelle en pierre. Nombre des fossés détectés datent de cette installation. L’une des particularités reconnues au sein de cet habitat, ainsi que dans le comblement des fossés, est l’abondance de restes de faunes (équidés et bovidés notamment) qui pourraient révéler une activité de boucherie d’une certaine ampleur.

Des bâtiments modernes

Au sud-est de l’emprise, des bâtiments modernes arasés ont été détectés. Ils sont très probablement datés du XIXe ou du début du XXe siècle. Ils sont desservis par un chemin bordé de fossés, qui ont livré plusieurs bornes de pierres, dont deux inscrites, en pierre de Volvic.

Un vaste et dense réseau fossoyé

Sur toute l’emprise du projet, un vaste et dense réseau fossoyé aux orientations multiples, témoigne des nombreuses campagnes d’assèchement et de drainage du marais. Implantés majoritairement aux périodes antique, médiévale et moderne, certains d’entre eux pourraient être plus anciens et se rattacher à l’occupation de l’agglomération gauloise de Gandaillat localisée en partie dans l’emprise de l’aéroport.

Une séquence stratigraphique riche

L’emprise de la fouille se situe dans le grand marais de Limagne dans un secteur dépourvu de relief et couvert de sols noirs. L’observation des séquences stratigraphiques nous révèle en partie haute une dynamique colluviale récente qui repose sur des alluvions sableuses en nappes qui sont des marqueurs de crues importantes dont le début peut être situé postérieurement au IVe siècle de notre ère. Grégoire de Tours, évêque du haut Moyen Âge, rapporte ainsi en 580 une inondation qui a causé en Auvergne de grands ravages. Dans ce même contexte chronologique, le terrain conserve la trace de déformations de type séismites, qui peuvent être mis en corrélation avec des tremblements de terre signalés par deux chroniqueurs, Grégoire de Tours et Sidoine Apollinaire un siècle avant lui (Ve siècle). Ces séquences alluviales reposent sur des colluvions hydromorphes de type marais, très sombres qui peuvent être assimilées aux célèbres terres noires de Limagne. La conservation dans cet ensemble de diatomées (microalgues présentes dans les milieux aquatique) témoigne de la mise en eau du secteur.

Stratigraphie du site d'Aulnat (aéroport), avec niveau caractérisé par sa coloration rouge (rubéfaction).

Stratigraphie du site d'Aulnat (aéroport), avec niveau caractérisé par sa coloration rouge (rubéfaction).

©

Denis Gliksman, Inrap

Ces mêmes séquences conservent par ailleurs les traces d’une retombée volcanique attribuée à l’éruption du cratère Kilian, datée d’environ 6 520 avant notre ère. Enfin, un niveau caractérisé par sa coloration rouge, observé en de multiples points du grand marais de Limagne, a été daté d’environ 5 720 avant notre ère. Si la rubéfaction (rougissement) de ce dépôt ne fait aucun doute, en revanche son origine est débattue par les chercheurs ; les hypothèses vont d’une origine anthropique (écobuages) à des origines naturelles (en particulier un évènement cosmique).

Aménagement : Syndicat Mixte de l’aéroport de Clermont-Ferrand/Auvergne
Contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie (Drac Auvergne – Rhône-Alpes)
Recherche archéologique : Inrap
Responsable scientifique : Laurence Lautier, Inrap
Archéo anthropologue : Ivy Thomson, Inrap