L’Inrap et le service archéologique de la Ville de Lyon (SAVL) ont découvert une double conduite en bois appartenant probablement à l’aqueduc romain de l’Yzeron. Cet ouvrage hydraulique revêt un caractère exceptionnel car un tel dispositif n’avait encore jamais été observé sur les quatre grands aqueducs romains lyonnais.

Dernière modification
18 janvier 2021

À la périphérie ouest de la ville de Lyon, dans le quartier du Point du Jour (5arrondissement) , un groupement associant l’Inrap et le service archéologique de la Ville de Lyon (SAVL) a réalisé en amont d’un projet immobilier une fouille archéologique sur une emprise de 1256 m². La principale découverte est un segment d’aqueduc, constitué d’une double conduite en bois, identifié sans trop d’ambigüité comme appartenant à l’aqueduc de l’Yzeron. 

Des vestiges d’un aqueduc en bois

Les vestiges de douze pièces de bois ont permis de reconstituer deux conduits parallèles. Les deux tuyaux sont installés sur le fond d’un important fossé, large de 4 m à son ouverture et profond d’au moins 2,80 m. Malgré de nombreuses caves modernes, l’aqueduc est conservé sur deux segments de 8 et 3 m, soit sur une longueur totale de 24 m, selon un axe est-ouest. Les deux assemblages sont constitués de segments de troncs de chêne (Quercus) de grand diamètre, évidés sur quartier et de profil trapézoïdal. L’observation des éléments de bois indique, sous réserve, un aboutement plat à frette métallique (étude Pierre Mille, Inrap).

Les tuyaux sont distants de 0,20 m mais la conduite nord est légèrement surélevée par rapport à l’autre. Le grand diamètre interne des deux canalisations avoisinant 0,15 m, prouve qu’il s’agit d’un ouvrage destiné à la circulation d’un volume d’eau important. On observe une pente de l’intérieur des canalisations vers l’est, c’est-à-dire vers la ville antique de Lugdunum, avec une altitude proche de 269,70 m NGF à l’ouest de l’emprise et de 269,65 m à l’est. Les conduites sont emballées et recouvertes par une argile grise plastique qui assurait l’étanchéité de l’installation. Le fossé a été remblayé juste après l’installation de l’ouvrage hydraulique.

 

Un segment probable de l’aqueduc de l’Yzeron

Une monnaie augustéenne issue du comblement du fossé, les analyses au radiocarbone et dendrochronologiques d’échantillons de conduits révèlent que l’installation de cette adduction a eu lieu au début du Ier siècle de notre ère. Les informations recueillies permettent d‘interpréter cette double conduite comme un segment de l’aqueduc romain dit de l’Yzeron. En effet, il est communément admis que cet ouvrage a été mis en place au début du Ier siècle de notre ère, selon la même orientation vers l'est et les quartiers antiques et la même localisation du tracé.

Après prélèvement et nettoyage, le conduit le mieux conservé.

Après prélèvement et nettoyage, le conduit le mieux conservé.

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Inrap/SAVL

À ce stade de l’étude, plusieurs hypothèses sont envisagées pour expliquer le caractère particulier de l’ouvrage alors que sur tous les points recensés il est constitué d’une canalisation maçonnée aérienne ou le plus souvent enterrée. Les conduits en bois du Point du Jour peuvent être interprétés comme une étape initiale ou un prototype de l’aqueduc de l’Yzeron. Il peut aussi s’agir d’un tracé provisoire, voire d’une dérivation réalisée pour des travaux sur un éventuel canal principal. Cet aqueduc de l’Yzeron est d’ailleurs réputé pour l’hétérogénéité de sa construction et pour avoir été plusieurs fois modifié.

Une pile de l’aqueduc de la Brévenne

D’autres vestiges antiques ont également été fouillés sur ce site, dont la très probable fondation d’une pile d’un autre aqueduc. Il s’agit d’une maçonnerie massive de forme grossièrement cubique, mesurant 2,70 x 2,64 m de côtés et conservé sur 1,60 m de hauteur. Constitué de blocs de gneiss noyés dans un mortier blanc rose, la structure est construite juste sur la double canalisation en bois. Son installation dans le comblement du fossé a détruit les conduits en bois.

Sa localisation, les dimensions et les matériaux utilisés, semble indiquer que cette maçonnerie correspond au soubassement d’une pile de l’aqueduc romain de la Brévenne. Des découvertes antérieures appuient cette hypothèse. En effet, des vestiges des piles de cet aqueduc, supportant les arches de sa conduite aérienne ont été reconnus de part et d’autre l’emprise fouillée. Ainsi, l’aqueduc de la Brévenne croiserait sur ce site celui de l’Yzeron en le détruisant, ce qui est chronologiquement cohérent car il est admis que l’ouvrage de la Brévenne date du milieu du Ier siècle de notre ère.

Plan simplifié des vestiges antiques.

 

Un espace funéraire

Par ailleurs, la fouille a permis de compléter l’étude de l’espace funéraire reconnu lors du diagnostic réalisé par le le service archéologique de la Ville de Lyon en 2019 avec la découverte d’un second dépôt secondaire de crémation en vase ossuaire associé à une couche de résidus, ainsi qu’une fosse bûcher. La datation des trois structures de l’espace funéraire (diagnostic et fouille) est concordante et remonte à la fin du Ier siècle de notre ère.

La suite de la fouille des murs maçonnés découverts lors de l’expertise ne parait pas confirmer leur appartenance à un enclos funéraire. Il s’agit des murs d’un bâtiment quadrangulaire qui, comme les autres vestiges du site, remontent également au Haut Empire mais sa fonction n’a pu être établie.

Aménageur : Ogic SA
Recherche archéologique : Groupement Inrap / SAVL
Contrôle scientifique : service régional de l’archéologie (Drac Auvergne Rhône-Alpes)
Responsable scientifique : Sylvain Motte, Inrap
Équipe de recherche : Christian Cécillon, Odile Franc, Alban Horry, Pierre Mille, Inrap ; Emma Bouvard-Mor, Stéphane Carrara, Nicolas Fourn, Andréa Jusselle, Clémence Mège, SAVL
Analyse radiocarbone : C. Oberlin, Centre de Datation par le Radiocarbone, Villeurbanne, 69
Analyse dendrochronologique :  F. Blondel, Chrono Environnement, Université de Franche-Comté