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Une des plus grandes <em>villæ</em> gallo-romaines en Bretagne fouillée à Noyal-Châtillon-sur-Seiche
À Noyal-Châtillon-sur-Seiche, Ille-et-Vilaine, la fouille s'étend sur une superficie de 2 200 m². Elle a permis d'étudier la partie inexplorée de l'une des plus grandes villae actuellement connue en Bretagne et située à 7 km au sud de Rennes/Condate.
L'intervention porte sur la moitié occidentale de la pars urbana. La pars rustica et la partie est de la résidence ont été étudiées entre 1983 et 1987 par Alain Provost (archéologue indépendant). La problématique visait à compléter l'organisation du bâtiment résidentiel et à confirmer les différentes étapes d'évolutions établies dans les années quatre-vingt.
La fouille préventive de 2012 au regard des premières découvertes sur la villa
Les données des fouilles antérieures révélaient une occupation remontant à la fin du Ier siècle avant notre ère, alors qu'une architecture en dur ne s'y développe que deux siècles plus tard : au Ier siècle de notre ère, une première villa à colonnade (correspondant ensuite à l'aile centrale) est construite. Elle est complétée au IIe siècle par des pièces d'angle puis une aile en retour au IIIe siècle. Un bassin implanté dans la cour résidentielle, datant de la dernière phase d'extension, doit signaler l'axe de symétrie de la villa. Fort logiquement, A. Provost restitue à l'opposé une aile similaire à celle qu'il a étudiée et propose une villa adoptant un plan classique en U dont la surface de la pars urbana atteignait 3 000 m². À l'image de nombreux sites urbains ou ruraux étudiés dans les années quatre-vingt, la villa de la Guyomerais aurait finalement été détruite à la fin du IIIe siècle, même si une occupation sporadique se maintient au milieu des ruines au début du IVe siècle.
En toute logique, l'opération de 2012 devait porter sur le prolongement de l'aile centrale de la villa, ainsi que l'aile ouest venant fermer la pars urbana. Or, les premières conclusions modifient en profondeur plusieurs aspects concernant l'organisation du site et sa chronologie.
Trois ensembles balnéaires remarquables
L'ampleur du bâti en plan est beaucoup plus importante que ne le laissait supposer l'hypothèse de restitution de la villa sévérienne puisque la cour résidentielle est nettement plus étendue, son bassin n'occupant pas une position axiale. L'organisation de la pars urbana est surtout assez complexe. La fin du corps d'habitat dégagé en 1987 a bien été retrouvée. Celui-ci est suivi à l'ouest de trois ensembles balnéaires successifs auxquels il est relié seulement par des corridors ou des portiques. Ces bains s'échelonnent, pour leur construction, de la fin du Ier siècle au milieu du IIIe siècle. Le dernier ensemble thermal tend d'ailleurs à se rapprocher du corps d'habitat principal, même si l'aile ouest, qui abrite sans doute des espaces de réception, est encore en fonction à cette période.
La pratique du bain à l'Antiquité répond à un parcours précis alternant pièces chauffées et espaces froids. Ce parcours comprend autant d'étapes de soins que de salles, ce qu'explique l'organisation analogue des deux ensembles les plus complets mis au jour sur la villa. Les utilisateurs pénétraient d'abord dans un vestibule où ils ôtaient leurs vêtements. Ils gagnaient ensuite une première salle chauffée par le sol où ils se faisaient masser et s'enduisaient le corps d'huile. Ils poursuivaient leur parcours en rejoignant la salle la plus chaude, le caldarium. Là, ils s'immergeaient dans une baignoire d'eau chaude puis achevaient leur déambulation en revenant sur leur pas pour gagner les espaces non chauffés et s'immerger partiellement dans une baignoire d'eau froide. Après cela, ils se dirigeaient de nouveau vers le vestibule afin de se rhabiller. Ces ensembles de bains et leur superficie (le plus grand mesurant près de 200 m²) laissent penser que la famille propriétaire de la villa disposait de revenus conséquents.
Des témoins de pratiques raffinées et d'un niveau de vie aisé
Cette richesse transparait également à travers la décoration mise en oeuvre dans les différentes salles. Les murs étaient recouverts de peintures colorées sur fond blanc où alternaient des violets, rouges, jaunes et des noirs. Certains murs devaient être en partie couverts de mosaïques en pâte de verre, comme le soulignent les nombreuses tesselles retrouvées sur le site. Des plaques sculptées en schiste, figurant des boucliers ou des pilastres, venaient compléter cette décoration. Au sol, des dallages en schiste bleu pouvaient alterner avec des plaques de marbre blanc. Trois fragments de corniches, témoignant d'une architecture soignée, ont aussi été découverts. Tous ces éléments confirment le statut de la villa de La Guyomerais qui est à ce jour l'une des plus riches de Bretagne.
De nombreux objets de la vie quotidienne ont également été retrouvés. Épingles en os, fibule en bronze émaillée, bague en argent, instrument de toilette, verrerie, témoignent du raffinement des occupants.
L'opération de 2012 complète et renouvelle en partie nos connaissances sur cet établissement rural, tant sur son organisation que sur sa chronologie.
Les monnaies, très nombreuses, offrent l'opportunité de datations précises, notamment sur l'abandon de la villa. Les nombreuses pièces du IVe siècle révèlent ainsi que le site est encore occupé à cette période. Un vaste séchoir à grains est notamment construit après 320 à l'emplacement du dernier ensemble thermal dont les murs sont conservés en élévation. La réalisation de cet équipement et les informations recueillies dans l'aile ouest démontrent une occupation et une fonction productive encore importantes, affirmant ainsi que la transition entre les années de crise et le IVe siècle est sans doute plus complexe qu'on ne l'a cru par le passé. En ce sens, cette fouille s'accorde avec les nouvelles données découvertes sur la villa du Quiou (Côtes-d'Armor) ou sur certains sites urbains de Rennes étudiés récemment. Ce n'est finalement qu'après le milieu du IVe siècle, voire le début du Ve, que la villa est progressivement abandonnée et démantelée.