À Thérouanne, l'Inrap a fouillé un secteur de la ville démolie par Charles Quint en 1553 et mis au jour des vestiges de bâti, de zones de circulation et d'un quartier artisanal dont la datation s'échelonne entre le XIVe et la première moitié du XVIe siècle.

Dernière modification
21 février 2022

Préalablement à la construction d’un pavillon individuel, la fouille menée au 22-24 rue Saint-Jean en 2021 par une équipe de l’Inrap s’inscrit dans l’espace intra-muros médiéval, le long de la rue Saint-Jean, l’axe principal de la ville qui relie la porte Saint-Esprit à la cathédrale. Elle apporte de nouvelles connaissances sur l’occupation de l’espace urbain de Thérouanne au bas Moyen-Âge et sur les activités économiques de ce quartier artisanal.

Des vestiges de la démolition de 1553

Thérouanne, capitale de cité à la période romaine est devenue à partir du VIIe siècle un siège d’évêché aux revenus importants. Enclave française dans l’Artois, sa position militaire est stratégique pour le royaume de France. Centre religieux et politique, elle est souvent assiégée et détruite entre le XIVe et le XVIe siècle.
Le 20 juin 1553, au terme d’un ultime assaut des troupes de Charles Quint, la ville est prise et complètement démantelée. Elle ne s’en relèvera jamais. La vieille ville, dont les limites sont encore bien visibles dans le paysage actuel, est restée à l’état de pâtures jusque dans les années 1980.

Dans l’espace intra-muros médiéval, sur les parcelles qui longent la rue Saint-Jean, les destructions de 1553 semblent avoir été moins importantes que dans les parcelles adjacentes. Directement sous le remblai issu de la démolition de la ville (20 à 80 cm de profondeur), apparaissent de nombreux vestiges bâtis. Les maçonneries, constituées de blocs de craie et de silex, s’organisent perpendiculairement à la rue Saint-Jean et apparaissent en terrasses pour s’adapter à la topographie. Un mur effondré a été retrouvé au centre de l’emprise et témoigne de la violence des destructions de 1553.

Un grand édifice

Deux espaces se distinguent sur le site de la fouille. Au sud, un grand bâtiment de 75 m² est construit en retrait par rapport à la rue. Seules les fondations en craie sont conservées et des éléments architecturaux de type corniche ont été retrouvés à proximité. Long de 11 mètres et large de 6 mètres initialement, une extension a été ajoutée à l’ouest pour porter sa superficie à 90 m². Des contreforts ont été installés sur les petits côtés. Un espace de circulation constitué de gravillons borde le côté sud. Pour le moment, son interprétation reste délicate : édifice public ? religieux ?
Un cellier, de construction soignée, a également été mis au jour sur ce secteur.

Le quartier artisanal : ateliers de forge et officine de potiers

Au nord, les pièces sont plus petites. Les murs délimitent des espaces de 15 à 20 m², en enfilade à partir de la rue Saint-Jean, s’intercalant avec des espaces de circulation construits en silex. L’ensemble est hétérogène, avec l’apparition sur un même niveau de plusieurs états de bâtiments, dont la datation s’échelonne entre le XIVe et la première moitié du XVIe siècle. Des traces d’activités artisanales ont été reconnues : deux ateliers de travail des métaux (forge) et un atelier de potier. Les forges sont localisées à l’est de l’emprise en bordure de la rue Saint-Jean. Sur une surface de 15 m², chaque atelier possède son aire de chauffe et sa zone de martelage. Les fonds de foyer ont été conservés. Ces deux installations ne semblent pas contemporaines l’une de l’autre, il y aurait donc une pérennité de cette activité dans le secteur.

L’officine de potier se développe directement à l’ouest de l’une des forges et fonctionne simultanément avec celle-ci. Très bien conservée, elle est matérialisée par l’atelier de travail de l’argile (pot à argile in situ et sol riche en argile crue) et un four de potier. Le four est en forme de bateau, avec un système de double banquette à l’intérieur de la chambre de chauffe. La sole, disparue, était maintenue par des boudins en argile. L’alandier s’ouvre sur une aire de chauffe rectangulaire, construite en craie. Il est recouvert par une épaisse couche de limon orangé. Des pots complets ont été découverts le long de l’alandier, qui sont peut-être à mettre en relation avec sa construction. La grande quantité de tessons mise au jour dans le four et dans les niveaux d’abandon de celui-ci semble homogène et situerait l’officine dans le courant du XIVe s.

Deux autres fours de potier ont été mis au jour lors d’opérations de diagnostic à proximité immédiate de la présente fouille. Les résultats de cette opération confirment la caractérisation d’un quartier artisanal, aux activités plutôt polluantes (forge et poterie) à l’intérieur de la ville de Thérouanne au bas Moyen Âge, à une période où la ville, bien que prospère, connaît de nombreux problèmes militaires.

Aménageur : particulier
Contrôle scientifique : Service Régional de l’Archéologie (Drac Hauts-de-France)
Recherche archéologique : Inrap
Responsable de secteur : Anne-Lise Le Bayon, Inrap
Responsable scientifique : Sandrine Vistel, Inrap