Dans le cadre du programme de rééquilibrage du lit de la Loire, réalisé par Voies navigables de France (VNF), l’Inrap a démarré deux fouilles sur les berges du fleuve, à Ancenis-Saint-Géréon. À l’occasion des Journées européennes du Patrimoine, l’Inrap propose une soirée projection-conférences au théâtre de verdure d’Ancenis pour présenter ces interventions et revenir sur les remarquables résultats des fouilles de 2022.

Dernière modification
16 septembre 2024

Prescrites par l’État (Drac Pays de la Loire), ces opérations ont révélé un aménagement de pierre et de bois antique ainsi que les restes d’une embarcation médiévale (IXe-Xe siècle). Ces découvertes contribuent à la connaissance du fleuve, de l’histoire de son aménagement et de son exploitation.

 

Fouiller en bord de Loire

Le projet de rééquilibrage du lit de la Loire porté par VNF conduit notamment à raccourcir ou supprimer de nombreux épis aménagés en bord de fleuve. Dès lors, les potentiels vestiges archéologiques pris dans le sable (aménagements, épaves...) sous ou à proximité de ces épis sont menacés à court terme.

Les zones fouillées sont submergées la majeure partie de l’année. Les recherches sont donc nécessairement entreprises pendant les phases d’étiage de la Loire, entre la mi-août et la mi-octobre ; toutefois, de brusques crues ou des phénomènes de marnage peuvent ralentir ou compromettre les opérations.

Suite à un diagnostic réalisé en 2021, combinant prospection géophysique et sondages à la pelle mécanique, plusieurs opérations de fouilles ont été prescrites. Les zones étudiées se présentent sous la forme de grèves de sables découvertes durant l’été et ponctuées d’épis empierrés obliques par rapport au courant. Trois opérations de fouilles ont été menées en 2022. Deux autres ont démarré fin août 2024 sur les îles Mouchet et Coton. Celle de l’île Mouchet a dû être soudainement interrompue le 10 septembre, en raison de l’élévation importante du niveau d’eau, mais a toutefois livré de précieuses informations.

Un curieux aménagement d’époque romaine sur l’île Coton

Les recherches menées en 2022 sur l’île Coton ont livré plusieurs enrochements constitués de digues de sable et d’une dizaine d’épaves en bois des XVIIe-XVIIIe siècle. Un dernier aménagement de bois et pierre a été repéré à la fin de l’opération. Supposant une infrastructure en lien avec la navigation contemporaine des épaves, les archéologues ont effectué une datation de contrôle, au carbone 14, sur l’un des éléments en bois. Contre toute attente, le résultat obtenu a révélé un dispositif antique, daté entre le Ier et le IIIe siècle de notre ère, sans équivalent dans ce secteur de Loire. Ce résultat inattendu a motivé la décision de prescrire une fouille complémentaire.

L’intervention de 2024 avait donc pour objectif de caractériser cette structure bâtie en bois, poteaux et sablières, formant des caissons remplis de pierres. L’aménagement est composé de poutres horizontales munies d’encoches et de mortaises dans lesquelles sont engagés des pieux verticaux et des poteaux inclinés ainsi que de planches posées sur chant. Le tout est recouvert d’un important amas de pierres.

Vestige d’une chaussée, d’un pont, d’une digue ou d’un renforcement de berge ou encore dispositif de signalement du chenal des Brevets ? La fonction de l’aménagement de l’île Coton n’est pas encore très claire. Mais on sait que la zone de fouille se situe à 1,5 km du coteau des Airennes, rive droite, où une occupation gallo-romaine est attestée et à 1,5 km de l’établissement antique de la Nigaudière rive gauche. La structure mise au jour sur l’île Coton a pu participer à la liaison de ces établissements antiques au fleuve. À cette époque, les fleuves étaient très empruntés pour la circulation des marchandises et des personnes. Les voies d’eau constituaient un réseau majeur de distribution des produits artisanaux et agricoles à travers la Gaule et vers les villes dotées de ports. L’aménagement très original de l’île Coton n’a pas livré tous ses secrets mais a sûrement joué un rôle important, qu’il s’agisse de permettre l’accès au fleuve ou de protéger la tête de l’île Coton.

Une épave carolingienne (IXe-Xe siècle) sur l’île Mouchet

La fouille de l’île Mouchet avait pour but d’étudier une épave de type chaland repérée lors du diagnostic de 2021 dans le lit mineur de la Loire. Les archéologues avaient reconnu le fond de coque d’un bateau de dimensions importantes, présentant une architecture inhabituelle par rapport à celle de la marine de Loire traditionnelle, d’époque moderne. Une datation au carbone 14 a permis de préciser que l’épave remontait à l’époque carolingienne (IXe-Xe siècle).

En 2024, et bien que l’opération ait dû être soudainement mise à l’arrêt en raison de l’élévation importante du niveau de la Loire, les archéologues de l’Inrap ont pu préciser leurs observations, démonter partiellement l’embarcation et en remonter une longue planche qui sera ensuite étudiée par différents spécialistes. Long de 16 mètres et relativement étroit (2 mètres de largeur), le bateau est construit en bois de chêne. Il s’agit d’un bateau fuselé à fond plat, adapté à la navigation fluviale. Son architecture mixte, de type monoxyle-assemblée (présence de bordés monoxyles de transition, situés entre le fond et les flancs et rainurés sur leur face externe) et un assemblage par mortaises (pour fixer les levées), tenons et cloutage pour le reste, est inédite sur le cours du bassin ligérien. Elle repose sur des techniques élaborées, déjà identifiées sur des embarcations antiques du bassin rhodanien, qui suggèrent une bonne maîtrise de charpenterie navale. Des études de xylologie, tracéologie et dendrochronologie permettront de préciser les matériaux et procédés de fabrication.

Sa fonction primitive reste à définir (transport de matériaux ? de marchandises ? de personnes ?) ainsi que son mode de navigation (rames ? perche ? voile ?).

Quoi qu’il en soit, tant par sa datation que sa typologie, l’épave de l’île Mouchet constitue une découverte majeure quant à la connaissance de la batellerie fluviale durant le haut Moyen Âge.

Berges Loire 13

Fouille de l’épave carolingienne de l’île Mouchet que l’on voit par transparence. 

© Emmanuelle Collado, Inrap

Une soirée projection-conférences le 21 septembre

JEP 2024 carré

À l’occasion des prochaines Journées européennes du Patrimoine, l’Inrap propose une soirée projection-conférences en plein air, au théâtre de verdure d’Ancenis sur l’archéologie des bords de Loire. Anne Hoyau-Berry et Yann Viau, responsables de recherches archéologiques à l’Inrap, présenteront les interventions de 2024 et reviendront sur les remarquables résultats des fouilles de 2022. Celles-ci avaient livré des vestiges de pêcheries médiévales (XIIe siècle) à l’île Poulas et des épaves d’époque moderne (XVIIe-XVIIIe siècles) à l’île Coton. Cette soirée est organisée avec le concours de VNF et le soutien de la mairie d’Ancenis-Saint-Géréon.

Informations pratiques
Samedi 21 septembre à 20h30
Théâtre de Verdure, Impasse de l'Île Mouchet - 44150 Ancenis-Saint-Géréon
Tout public, gratuit.
En cas de mauvais temps, repli dans l’espace Edouard Landrain (salles Loire), boulevard de Kirkham, à Ancenis-Saint-Géréon

Maîtrise d’ouvrage : Voies navigables de France (VNF)
Contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie (Drac Pays de la Loire)
Recherche archéologique : Inrap
Direction scientifique et technique :  Hélène Jousse et Denis Fillon, Inrap
Responsables scientifiques : Yann Viau et Anne Hoyau-Berry, Inrap


 

En quoi consiste le programme de rééquilibrage du lit de la Loire ?

Le programme de rééquilibrage du lit de la Loire vise à rétablir un fonctionnement plus équilibré de la Loire au bénéfice de l’environnement, tout en préservant les différents usages du fleuve.
Tout au long du XIXe et du XXe siècle, la Loire estuarienne a été fortement modifiée par la navigation, l’extraction du sable et les activités humaines, qui ont perturbé les équilibres et le fonctionnement naturel du fleuve. De Nantes aux Ponts de Cé, le lit de la Loire s’est ainsi profondément enfoncé, entraînant des niveaux d’eau de plus en plus bas en période d’étiage (lorsque les débits du fleuve sont les plus faibles), se déconnectant au fil du temps de ses bras secondaires et perturbant durablement sa dynamique et la biodiversité.
D’un montant de 53 millions d’euros à terminaison, ce projet s’inscrit dans le Contrat pour la Loire et ses annexes et est cofinancé par l’Agence de l’eau Loire-Bretagne (45%), la Région des Pays de la Loire (30%), le fonds européen de développement régional - FEDER Loire (20%) et VNF (5%). Il bénéficie également du financement du FNAP pour les fouilles archéologiques, ainsi que du Fonds vert et d’un mécénat de la part du groupe AXA France sur une partie des travaux.

Pour en savoir plus sur le projet : https://reequilibrage-loire.vnf.fr
À propos de Voies navigables de France

Voies navigables de France (VNF) est un établissement public opérateur de l’Etat en charge de la transition écologique dans le fluvial. Il gère un réseau de 6700 km de canaux, fleuves et rivières qui irriguent les territoires et répond à plusieurs usages :  environnementaux, sociaux et économiques.
Ses 4000 agents régulent finement la ressource en eau dans l’intérêt général et le respect de l’environnement.
Voies navigables de France crée également les opportunités de développement des activités sur et autour du fleuve et favorise la transition de notre société vers de nouveaux modèles économiques et écologiques en faveur du fret bas carbone et du tourisme durable.