Tombes médiévales sur l'île de Ré : l'archéologie cherche le Nord

Une cinquantaine de sépultures viennent d'être découvertes par une équipe de l’Inrap sur l'Ile de Ré. Les fouilles ont révélé des vestiges médiévaux qui attestent de vastes réseaux d’échanges entre le monde nordique et la côte Atlantique au haut Moyen Âge.

En décembre 2024, les archéologues de l’Inrap ont fouillé un site dans la commune de La Flotte sur la côte Nord de l’île de Ré. Cette commune abritée a probablement été un port d’échouage depuis l’Antiquité.

La fouille, opérée sur un site de 900 m² à une cinquantaine de mètres du rivage, a mis au jour une cinquantaine de sépultures réalisées entre le VIII^e et le XV^e siècle, autour et à l’intérieur d’une chapelle qui pourrait être celle d’un prieuré.

Cinq de ces sépultures datent de la période carolingienne (VIII^e-X^e siècles) et ont particulièrement interpellé les équipes d’archéologues.

Sépultures installées dans le bâtiment, possible chapelle avec au centre des fours à cloche du début du XIIIe siècle - © Clémence Pilorge, Inrap

Des tombes carolingiennes exceptionnelles

Individu inhumé tête au sud avec un collier de perles et un bassin en fer.

© Yohan Manthey, Inrap

Sur les cinq occupants de ces sépultures (un homme, trois femmes, le sexe du dernier individu restant à confirmer), trois individus sont dans une position inhabituelle. Un individu est allongé sur le ventre, l’autre est étendu sur le côté gauche, les membres fléchis, enfin le troisième est sur le dos et ses membres sont repliés et surélevés.

Deux de ces sépultures sont orientées, ce qui n’est pas commun, la tête au sud-sud-ouest.

Au-delà de ces positions inhabituelles, ce qui frappe le plus et qui est une découverte exceptionnelle pour cette époque carolingienne, c’est la présence de mobilier dans ces tombes, des objets extrêmement rares pour cette époque où l’on n’avait pas pour habitude d’inhumer des défunts avec des objets.

Peigne en os ou bois de cervidé prélevé à l’aide de bandes plâtrées - © Patrick Ernaux, Inrap

Parmi ces objets, on retrouve deux peignes (en os ou bois de cervidé) dont l’un présente des décors géométriques, des objets métalliques, une ceinture en alliage cuivreux avec peut-être un placage d’argent et des perles en ambre, en verre, en os et en alliage cuivreux qui formaient vraisemblablement un collier. Ces perles renvoient à des objets connus dans le monde nordique à cette époque entre VIII^e et X^e siècle.

Perles en verre et ambre et objets en métal dans les objets personnels de l'un des défunts - © Annie Bolle, Inrap

Une présence “nordique” sur l’île de Ré ? Prudence et patience

Que peut-on déduire de cette découverte ? Une population nordique s’était-elle établie sur l’île de Ré en pleine période de raids vikings ? Si les objets retrouvés renvoient à la culture matérielle des sociétés de la mer du Nord, de nombreuses analyses du mobilier et des études génétiques des ossements seront nécessaires pour répondre à cette question. Les analyses génétiques elles-mêmes pourraient ne pas nécessairement nous éclairer, les groupes de vikings ayant souvent été composés de mercenaires venus de plusieurs horizons et pas seulement de Scandinavie.

En attendant ces réponses, cette découverte nous rappelle que l’époque carolingienne a marqué un décentrement d’une aire d’influence de la Méditerranée vers l’Europe du Nord avec un développement d’échanges notamment commerciaux avec les pays du Nord.

Pour fouiller plus loin

Parution : Les peuples du Nord: de Fróði à Harald l’Impitoyable par Lucie Malbos (Belin, 2024)

Archéologie : une énigmatique présence « nordique » sur l’île de Ré au Moyen Age (Le Monde, 2025)

Les références musicales

Le générique du début : Glue, Bicep