Vous êtes ici
Sur les traces d'un ancien faubourg et de l'arsenal royal de Dunkerque (Nord)
Une fouille de l'Inrap du centre-ville de Dunkerque a permis de mettre au jour une partie d’un ancien faubourg, datant du milieu du XVIe, ainsi que l’arsenal de marine qui lui a succédé, édifié par Louis XIV et détruit dans la première partie du XXe siècle.
À Dunkerque, une fouille de l'Inrap prescrite en amont de la construction d’un nouvel îlot urbain (logements et commerces) à l’emplacement de l'ancienne école élémentaire du Parc de la Marine, a permis de mieux comprendre l’histoire de ce secteur du centre contemporain de la ville de Dunkerque. Son développement s’organise autour de trois grandes phases. La première est celle qui voit, à partir de la fin du XIIIe siècle, une zone agricole succéder à une zone naturelle d’estran soumis aux influences marines. Vers le milieu du XVIe siècle, cet espace de culture est progressivement investi par un habitat péri-urbain qui prend place aux portes sud de la ville (Phase 2). Ce faubourg n’aura qu’une existence réduite dans le temps, puisqu’à partir de la seconde moitié du XVIIe siècle, Louis XIV, qui a pris possession de la ville, décide d’implanter dans le secteur du faubourg un grand arsenal de marine de guerre (phase 3).
Phase 1 : Une origine agricole
Le chantier du « Parc de la Marine » a révélé, à une profondeur d’environ 1 m sous la surface actuelle de circulation et ce sur une épaisseur d’environ 1,50 à 2 m, une épaisse couche de remblais multiples qui s’avèrent être une série de couches d’accumulation liée à une activité agricole. Caractérisées par un sable assez brun enrichi en matière organique, les couches présentent ponctuellement des ondulations à leur sommet, marquant la trace des sillons de culture. Une couche de sable jaune épaisse de 0,50 à 1 m, sous cette couche d’accumulation atteste, témoigne de l’assèchement mi-naturel mi-anthropique d’une ancienne zone humide soumise à l’influence des marées.
Le peu de mobilier extrait de cet épais remblais montre que la mise hors d’eau de la zone s’est opérée entre la fin du XIIIe et le début du XIVe siècle et que la zone agricole perdure jusqu’au XVIe siècle.
Photographie des niveaux bas de la coupe 244. Les ondulations à la jonction entre les niveaux naturels jaunes et les niveaux de culture gris montrent clairement le brassage de sédiment lors des premières mises en culture.
Inrap
Phase 2 : Un secteur qui s’urbanise tardivement
A la fin du XVIe siècle, on constate la mise en place progressive d’éléments d’habitats sur la zone du « Parc de la Marine ». Un de ces premiers habitats est un bâtiment relativement vaste (au moins 60 m² au sol) orienté globalement nord-sud. Une grande cave voûtée (15 m² conservé) implantée orthogonalement lui est associée. L’implantation de ce bâtiment semble aller de pair avec une parcellarisation de l’espace agricole à l’est du bâtiment selon un schéma laniéré parallèle de même orientation que le bâtiment. Un espace de circulation non aménagé prend place désormais entre la zone agricole à l’est et la zone habitée qui voit le jour à l’ouest, certainement sous la forme d’une grande ferme encore en lien avec le contexte agricole précédent.
Vue de certaines pièces d’habitat du faubourg.
Inrap
Progressivement, dans le courant de la première moitié du XVIIe siècle, l’espace construit s’étoffe. Toutefois, le schéma originel du grand bâtiment n’est pas reconduit et ce sont deux îlots de petites cellules accolées qui prennent place au nord et à l’ouest de la zone. Dans ce nouveau schéma, les espaces sont considérablement réduits, les cellules d’habitats ne couvrant plus que des espaces de 15 à 30 m². Toutefois, presque chaque espace dispose d’éléments similaires de commodités avec la présence d’une cheminée pour chacun et d’un cellier pour au moins la moitié d'entre eux. Toutes les pièces sont également carrelées ou briquetées afin de fournir à chacun un sol stable et ferme dans le contexte sableux ambiant. Afin de desservir les îlots d’habitats depuis la ville, une voirie en pavés de grés d’orientation nord-sud est mise en place à l’ouest. Cette zone de circulation est très bien aménagée puisque l’espace de roulement central (marqué par la présence d’ornières) est bombé afin de faciliter l’écoulement des eaux pluviales vers des caniveaux latéraux. Des petits trottoirs à l’usage des piétons sont également aménagés au long des façades des habitations.
Vue de la voirie pavée qui dessert le faubourg depuis la ville dans la première moitié du XVIIe siècle.
Inrap
Parallèlement à la mise en place de cet habitat, on constate également la présence d’un artisanat métallurgique marqué par quelques niveaux de sol fortement chargés en déchets de forge (scories, battitures…). L’un de ces espaces est extérieur et semble destiné à la forge de grosses pièces métallurgiques ; un autre prend place dans l’un des habitats au nord-ouest et pourrait n’être dédié qu’aux petits travaux de forge.
Dans le même temps, le diagnostic de la zone avait montré la présence dans le secteur d’un artisanat potier (fosse de rejet de rebut de cuisson), mais l’espace de fouille n’a pas permis de cibler le lieu exact de la production.
Phase 3 : l’arsenal
L’occupation de ce faubourg s’arrête brutalement au début de la seconde moitié du XVIIe siècle suite au rachat de la ville par le royaume de France. En effet, des travaux prévus par les architectes et ingénieurs royaux doivent amener Dunkerque et son port à devenir l’un des cinq arsenaux royaux de la façade maritime Manche/Atlantique. Les divers projets prévoient une exploitation de l’estuaire et surtout de sa partie arrière pour l’implantation de chantiers navals. Ceux-ci doivent pouvoir fournir des navires capables d’alimenter les escadres dédiées à la guerre de course contre les ennemis de l’époque, principalement les Britanniques et les Hollandais, en Mer du Nord et en Manche. Pour ce faire, le secteur situé entre l’ancien rempart bourguignon et la nouvelle enceinte espagnole est idéal étant donné qu’il englobe, depuis à peine 20 à 30 ans, une zone faiblement habitée (le faubourg cité ci-dessus) tout en sécurisant le fond de la hanse. Le projet entériné, les quelques habitants encore présents se verront expropriés, les bâtiments seront rasés jusqu’au sol et la construction de l’arsenal prendra alors la place qu’il tiendra jusqu’à sa destruction dans la première partie du XXe siècle.
Vue de certains vestiges de l’arsenal.
Inrap
Recherche archéologique : Inrap
Contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie (Drac des Hauts-de-France)
Responsable scientifique : Thierry Marcy