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Sanctuaire de la Chapelle-des-Fougeretz : de la fouille au laboratoire (Ille-et-Vilaine)
À La Chapelle-des-Fougeretz, à quelques kilomètres de Condate (Rennes), l’Inrap a mis au jour en 2022 les vestiges d’une importante occupation gallo-romaine comprenant un vaste sanctuaire, un édifice thermal, des habitations, ainsi qu’une nécropole de l’Antiquité tardive. Les milliers d’objets en céramique, verre ou métal collectés lors de la fouille sont inventoriés et traités avant d'être scrutés par les spécialistes dont les analyses seront compilées dans le rapport final d’opération.
Un sanctuaire, des thermes, un habitat… et une nécropole gallo-romaine
Durant les huit mois de fouille, le sanctuaire a fait l’objet d’une étude complète qui a permis de restituer son évolution depuis sa création au début de la période romaine jusqu’à son abandon au IVe siècle de notre ère. Très vite, une statuette du dieu Mars a été découverte, laissant supposer que le sanctuaire était dédié à la divinité romaine de la guerre. Cette hypothèse s’est renforcée au cours de la fouille avec la mise au jour de nombreux éléments d’armements (épées, pointe de lance…) probablement déposés en dévotion par des militaires.
Les abords du sanctuaire ont révélé la présence d’un édifice thermal à usage public et d’une petite agglomération composée de maisons construites en terre et bois qui n’ont laissé que peu de traces. De nombreux objets de la vie quotidienne, notamment des vases en céramique, y ont été retrouvés.
Les archéologues ont en outre découvert une petite nécropole inattendue, constituée de 40 tombes. Si les squelettes étaient dissous par l’acidité des sols depuis longtemps, les objets déposés avec les défunts étaient encore présents. Parmi ces dépôts funéraires : des vases en verre et en céramique, mais aussi des chaussures dont seules subsistent les semelles cloutées. Certaines tombes étaient plus richement dotées avec des éléments de parure en argent (bracelets, épingles et boucles de ceinture), ainsi que des perles de verre. La tombe la plus riche, abritant probablement la sépulture d’un homme, a livré un poignard et des éléments appartenant à un harnachement de cheval. Parmi eux, un mors en fer et de nombreuses appliques en bronze qui devaient décorer la bride et les rênes. Ces objets permettent de dater la nécropole de la fin de l’Antiquité, entre le IVe siècle et le Ve siècle de notre ère.
Le traitement primaire du mobilier archéologique
Dès la fin de la phase terrain, les vestiges mobiliers retrouvés par les archéologues ont fait l’objet d’un premier inventaire et d’un tri par type de matériau. Ils ont ensuite été individualisés et classés en tenant compte de leur état de conservation et de l’identification initiale proposée. Le volume des objets ainsi répertoriés est considérable : 35 caisses de mobilier céramique, sept caisses réunissant une sélection d’éléments en terre cuite architecturale et 755 objets isolés dès le terrain (verre, métal, céramique). Parmi eux, une dizaine d’épées en fer, quatre serpes, quelques fibules et de nombreux éléments d’armement. Ils se répartissent de manière à peu près égale entre le sanctuaire qui a livré des épées et du mobilier militaire, la nécropole qui a livré des dépôts d’accompagnement des défunts (récipients en verre, en céramique, pièces vestimentaires ou de parure) et les autres zones du site.
Sélection de monnaies gauloises et romaines.
© Emmanuelle Collado, Inrap
Le métal, un matériau sensible
Les éléments les plus sensibles, et notamment ceux en métal, ont été pris en charge immédiatement, dès la sortie de terre, de manière à éviter les reprises de corrosion. Une première étape a consisté à retirer minutieusement une partie des terres de prélèvement, ces dernières risquant d’apporter une humidité préjudiciable à la conservation des objets. Cette étape a aussi permis d’effectuer des premières observations, notamment sur l’aspect des cassures.
Plusieurs campagnes de radiographie ont ensuite été mises en œuvre, complétées par des acquisitions au moyen d’un scanner 3D (procédé de tomographie). Ces techniques d’imagerie sont très utiles pour préciser la nature de certains objets ou groupes d’objets, notamment ceux fortement corrodés. La priorité a été donnée aux éléments provenant du lieu de culte - tels que les épées et le mobilier militaire rejetés dans le fossé du sanctuaire – et ceux de la nécropole, en privilégiant ceux issus de tombes majeures. Outre les apports directs concernant l’identification des objets ou la prise de mesure, l’imagerie joue un rôle déterminant dans la conduite des études : en révélant l’état sanitaire des métaux, elle oriente les décisions et fait gagner du temps pour le dégagement, le travail de nettoyage et de stabilisation nécessaire à la sauvegarde du mobilier.
Après les étapes d’imagerie, chaque élément est conditionné et calé dans un contenant adapté, au pH neutre, en vue d’un transport vers un laboratoire de conservation-restauration. Si un nettoyage simple suffit pour certains objets, les matériaux ferreux ont besoin d’être immergés pendant plusieurs mois dans des bains alcalins qui stoppent la corrosion, avant d’être dégagés de leur gangue.
Montage des deux vues radiographiques réalisées sur l’épée.
© CETSO / Fr. Labaune-Jean, Inrap
Vue de l’épée après retrait de la motte de prélèvement.
© Fr. Labaune-Jean, Inrap
Épée conditionnée avant son départ en laboratoire de restauration.
© Fr. Labaune-Jean, Inrap
Stabilisation d’un objet par imprégnation et application de papier Japon.
© Fr. Labaune-Jean, Inrap
Deux ans d’études en centre de recherches archéologiques
L’étude du mobilier métallique, qui ne pourra s’achever qu’au retour des objets partis en stabilisation, sera néanmoins amorcée à partir des documents de travail générés depuis le terrain. En parallèle, les spécialistes se pencheront sur l’étude des mobiliers ne nécessitant pas de traitement spécifique, comme les céramiques qui permettront de dater précisément les différentes phases d’occupation du site. L’ensemble des plans et données de terrain seront aussi retravaillés et toutes les analyses seront compilées dans un rapport final d’opération qui sera validé par les services de l’État, dépositaire final de l’ensemble de la documentation scientifique et des collections mises au jour.
Contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie (Drac Bretagne)
Recherche archéologique : Inrap
Responsables scientifiques : Bastien Simier et Françoise Labaune-Jean, Inrap
Directeur adjoint scientifique et technique : Michel Baillieu, Inrap