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Saintes, de la cave au puits : nouvelles données sur un quartier de Mediolanum Santonum (Charente-Maritime)
Une équipe d’archéologues de l’Inrap mène actuellement une fouille en périphérie septentrionale de la ville antique de Saintes, une occasion de replonger dans l’histoire de Mediolanum Santonum, capitale provinciale dès le Ier siècle de notre ère, dont le patrimoine est déjà classé monument historique.
Prescrite par le préfet de Nouvelle-Aquitaine (Direction régionale des affaires culturelles, Service régional de l’archéologie - site de Poitiers), une opération est réalisée rue Ambroise Daubonneau à Saintes, en amont de la construction d’une maison individuelle. La parcelle de 567 m² est implantée sur un plateau calcaire qui domine la vallée de la Charente.
Deux phases d'occupation
La première phase d’occupation du site révèle des vestiges de constructions sur
poteaux de bois et palissades de grande longueur qui peuvent être datés entre 20 avant et 50 après notre ère. La poursuite de la fouille et la phase d’étude devraient permettre de déterminer la nature exacte de l’occupation. Une seconde phase est matérialisée par l’implantation, en partie sur les constructions antérieures, d’une rue d’axe nord/sud, bordée à l’ouest par un portique. La découverte de cette rue apporte de nouveaux éléments sur la cadastration et l’urbanisation de ce secteur de l’agglomération antique.
Découverte exceptionnelle d’une cave antique pour Saintes
Le mobilier abondant recueilli dans les nombreuses fosses dépotoirs présentes dans l’emprise de la fouille ainsi que le comblement d’une cave, permet de dater l’abandon du site entre 120 et 150 de notre ère. De grande dimension (2,50 sur 3,50 m et conservée sur 2,20 m de profondeur), elle possède encore ses marches d’accès et sa porte (jambages et crapaudines). Contrairement à d’autres villes, Saintes n’avait pas encore fourni de cave !
la fouille d’un puits
Plus d’une centaine de puits romains ont été identifiés à Saintes depuis le XIXe siècle. Le puits était la source d’alimentation en eau privilégiée pour la consommation quotidienne à l’époque romaine à Saintes. L’eau est sacrée, vitale pour la vie de l’homme !
La profondeur des puits dépend du contexte géologique notamment du niveau des nappes phréatiques. Ainsi pour le même secteur les profondeurs varient entre 15 et 40 m, celle de la rue Ambroise Daubonneau est de 18 m.
Saintes, rue Ambroise Daubonneau, le puits
J.-Ph. Baigl, Inrap
La descente de Sarah Laurent (Cisap)
Ch. Tardy (Cisap), Inrap
Saintes, rue A. Daubonneau, fond du puits
F. Chandevau (Cisap), Inrap
Les rejets faits dans les puits lors de leur abandon, sont révélateurs du type d’occupation et d’activité de leur environnement. D’où le grand intérêt de fouiller ces structures en plus de l’exceptionnel état de conservation des vestiges organiques, préservés par la présence de l’eau. Rue Ambroise Daubonneau ont été découverts des végétaux tassés, des fragments de noisettes, de noix, des pommes de pin entières, du cuir, même des feuilles encore vertes… ! Ces vestiges sont rares et leur excellent état de conservation va permettre aux archéologues de pousser les analyses sur les parasites, les insectes, les graines, les pollens, les plantes utilisées (pour les teintures par exemple) et permettre de dire quelles activités (élevage, tissage …) se déroulaient autour de ce puits.
Saintes, rue A. Daubonneau pomme de pin trouvée dans le puits
J.-Ph. Baigl, Inrap
Saintes, rue A. Daubonneau, boules en bois
J.-Ph. Baigl, Inrap
Saintes, rue A. Daubonneau, allumettes, noyaux, noix
J.-Ph. Baigl, Inrap
Saintes, rue A. Daubonneau, fusaïoles
J.-Ph. Baigl, Inrap
Saintes, rue A. Daubonneau, fibule
J.-Ph. Baigl, Inrap
Saintes, rue A. Daubonneau, lanière en cuir
J.-Ph. Baigl, Inrap
La Cisap : une technique éprouvée
La Cellule d’intervention sur les structures archéologiques profondes de l’Inrap (Cisap) est constituée d’archéologues spécialement formés à la fouille des structures profondes, elle intervient sur l’ensemble du territoire national en complément des opérations de terrain en cours de fouille. Une plateforme est installée au-dessus du puits pour permettre à l’équipe de travailler en toute sécurité. Le fouilleur doit respirer de l’air sain (une soufflerie permet de renouveler l’air et un testeur de gaz contrôle en permanence sa bonne qualité). Il doit pouvoir travailler hors d’eau (pompage), avec une bonne visibilité (éclairage). La descente se fait en binôme, l’un est harnaché et descend, l’autre gère le treuil et maintient un lien constant avec son acolyte. Les archéologues attendent les seaux en surface, la fouille commence alors : tri, tamisage des éléments les plus fins, enregistrement…
Saintes, rue A. Daubonneau, puits avant la descente
J.-Ph. Baigl, Inrap
Aménagement : Construction d’une maison individuelle
Contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie (Drac Nouvelle-Aquitaine – site
de Poitiers)
Recherche archéologique : Inrap
Responsable scientifique : Jean-Philippe Baigl, Inrap et Christophe Tardy, Cisap-Inrap