L'intervention à Tours (Indre-et-Loire) dans la rue Nationale et sur la place Jean-Jaurès est une opération linéaire qui couvre une distance de 470 m sur une largeur de 5 m environ. Les travaux du tramway ont en effet offert l'opportunité de réaliser un long transect nord-sud en plein coeur du centre ville actuel qui correspond également à l'extension de la ville du Haut-Empire. Elle permet de faire le lien entre des fouilles d'importance réalisées durant ces 15 dernières années immédiatement à l'est et à l'ouest de cet axe principal de l'actuelle agglomération.

Dernière modification
17 mai 2016

La construction de la première ligne de tramway de l'agglomération tourangelle implique la construction d'une plateforme technique sur toute la longueur de la rue Nationale. Cette réalisation entraîne le remplacement de deux importants collecteurs d'eaux pluviales situés immédiatement sous l'actuelle chaussée et mis en place aux débuts des XIXe et XXe siècles. Les conduites sont parallèles et situées côte-à-côte. Elles occupent la totalité de la largeur de la tranchée mais leur hauteur diffère avec 1,50 m à l'ouest alors que celle en partie orientale est profonde de 2,10 m.

Si le dernier collecteur a entièrement détruit les niveaux archéologiques, celui de l'ouest en revanche a préservé une portion de stratigraphie, sur une hauteur d'environ 1 m, qui reposait directement sur le terrain naturel. L'enfouissement du nouveau collecteur composé de modules en béton encastrables nécessitait de descendre entre 3 et 3,50 m sous la chaussée et impliquait la destruction définitive des derniers témoins de l'occupation humaine jusqu'alors préservés. L'intervention était donc la dernière occasion d'observer les vestiges archéologiques dans cette partie de la ville et de faire le lien avec les sites observés de chaque côté de la rue.

Des paléochenaux antérieurs à l'occupation antique

Les études géologiques menées dans le cadre de l'intervention ont permis de reconnaître un paléochenal qui incarne le tracé de la Loire entre -8000 et -2000. Un autre chenal, de moindre importance, prend place ensuite et correspond très certainement à un cours d'eau drainant la plaine d'inondation jusque dans le courant du Ier siècle après J.-C.

Les limites de la ville antique

L'occupation antique est majoritairement caractérisée par des niveaux de circulation reconnus sur une longueur de 400 m selon un axe nord-sud. Ces niveaux pourraient correspondre à trois tronçons distincts. L'un d'eux, situé en position centrale, est mis en place dans le courant du Ier siècle apr. J.-C. et possède jusqu'à six niveaux de circulation successifs. Il se trouve limité dans sa partie sud par le chenal précédemment évoqué qui sera définitivement comblé en dépotoir à la fin du Ier siècle. Cette condamnation permettra la mise en place du deuxième tronçon dès le début du IIe siècle dans le prolongement méridional de la rue. Le troisième tronçon, situé dans la partie la plus septentrionale de l'intervention, n'a été observé que partiellement et les données sont donc très lacunaires. Il est difficile de définir s'il correspond à la poursuite nord du premier tronçon mis en place au Ier siècle ou s'il se rattache à l'arrière d'un ensemble cultuel reconnu plus à l'est. La période d'abandon de la voie n'est pas déterminée mais celle-ci a très certainement fonctionné jusqu'au IVe siècle, et peut être même durant le haut Moyen Âge.
Les constructions périphériques à cette rue antique n'ont quasiment jamais été reconnues hormis une maçonnerie et une série de plots immédiatement à l'ouest du deuxième tronçon. Ils délimitent probablement au IIe siècle apr. J.-C. un îlot d'habitation et les fondations d'un portique sur rue.

Terres noires et succession d'enceintes

Pour le haut Moyen Âge, les études menées sur les terres noires ont permis de savoir que le secteur correspond à une mise en culture, à des friches et à des jardins plus ou moins densément occupés et que cette situation perdurera jusqu'au XVIIIe siècle, lors de la mise en place de la rue Nationale.
Le Moyen Âge a livré assez peu de vestiges. En effet, seules quelques tranchées de récupération ont été perçues ainsi qu'un vaste creusement remblayé massivement entre les XIIe et XIVe siècles apr. J.-C. (observé sur une longueur de 65 m). Ce dernier reste énigmatique mais l'hypothèse la plus probable pourrait être celle d'une récupération des matériaux de la voie antique pour les besoins d'une construction. Un lien éventuel avec l'érection de l'enceinte au XIVe siècle peut être proposé. Le remblaiement pourrait se rapporter au creusement du ou des fossés défensifs, sans certitude toutefois.
Enfin, une maçonnerie large de 2 m a été mise au jour sous la place Jean-Jaurès et correspond au mur d'enceinte érigé à la fin du XVIe siècle ou au début du siècle suivant.

Conclusion

L'intervention archéologique a parfaitement répondu aux différents axes de la problématique scientifique. Elle a permis principalement de révéler la présence d'une rue antique sous la rue Nationale et dans un axe strictement similaire.
Les études menées ont confirmé que le secteur n'est pas ou très peu urbanisé entre les IIIe et XVIIIe siècles, malgré l'édification d'enceintes aux XIVe et XVIIe siècles.