A Reims, Marne, le chantier de la rue de l'Équerre est localisé dans le quart sud-ouest de la ville antique. Il s'inscrit dans une zone où les nombreuses opérations menées depuis plus de dix ans ont révélé une occupation particulièrement dense durant toute la période du Haut-Empire.

Dernière modification
10 mai 2016

Les 20 000 m2 déjà étudiés dans ce secteur permettent de restituer précisément le réseau des rues, ainsi que certaines des activités qui régnaient dans les îlots.
La fouille de la rue de l'Équerre a porté sur l'étude d'un carrefour de deux rues bordées de constructions. Deux fours de potiers datés de la première partie du règne d'Auguste constituent les vestiges les plus anciens ; ils ont été utilisés pour la cuisson de récipients en terra rubra (céramique gallo-belge).

Les premières constructions, dont l'abandon est situé durant le premier quart du Ier siècle, sont réalisées en matériaux périssables ; seuls subsistent les trous de poteau de la structure porteuse. La découverte d'un atelier de verrier s'inscrit dans la deuxième phase d'occupation de l'insula nord-ouest, lors d'une réorganisation de l'habitat dans un espace ouvert localisé en fond de parcelle, probablement une cour. 

 

La poterie

Durant la première occupation, l'activité principale menée dans ce quartier concerne la poterie : plusieurs types de vestiges ont permis d'identifier un atelier. Ses traces sont nombreuses et bien conservées, avec, d'une part, un four destiné à la cuisson de récipients en terre et, d'autre part, les marques de l'emplacement de tours de potiers. Le four est localisé au nord de la rue est-ouest, tandis que les tours sont au sud, à l'intérieur d'une pièce en façade. Une première approche chronologique, établie à partir des tessons de céramique recueillis dans la couche de démolition du four, situe son utilisation durant les années 30 à 10 avant notre ère ; pour les tours, les tessons correspondent à des formes très en vogue dans les années 25 à 40 de notre ère. Ces deux types de vestiges n'ont apparemment produit qu'une seule catégorie de céramique : la terra rubra. Ils montrent cependant que l'activité de la poterie est menée pendant plus d'un demi-siècle dans ce secteur.

Le tissage

Cette activité est beaucoup plus difficile à cerner que la précédente, dans la mesure où la matière brute (la laine), ainsi que le métier à tisser (en bois) sont par nature des matériaux périssables. Sur le chantier, le tissage est appréhendé par de nombreux pesons en terre cuite recueillis en divers endroits, généralement dans des remblais de cave et parfois sur des sols, mais la localisation exacte de cette activité ne peut être déterminée.

Une boutique de vaisselle de luxe ?

Dans l'îlot nord-ouest du carrefour des rues antiques, une couche homogène de rejets qui couvre une surface de plus de 20 m2 contient un important lot de différents types de mobiliers de diverses origines. La céramique sigillée (plus de 8 000 tessons) provient des ateliers du sud de la Gaule et les formes estampillées sont les plus représentées. La céramique plombifère (généralement décorée avec les surfaces externes et internes glaçurées) et les figurines en terre cuite sont produites dans l'Allier. Enfin, les céramiques fines et les lampes à huile viennent d'ateliers installés à Lyon. Le verre est le dernier type de mobilier associé aux précédents : de nombreux tessons de couleur bleue, verte, ou jaune, ainsi que quelques fragments de matière brute ont été recueillis. L'état de conservation de ces différents vestiges permet de supposer qu'il s'agit des rebuts (objets cassés ou impropres à la vente) d'une boutique apparemment « spécialisée » dans l'importation de vaisselle de luxe.

La fabrication des objets en verre

À l'époque romaine, la fabrication des objets en verre se fait en deux étapes :
- Les ateliers de Phénicie fabriquent la matière première avec le natron (carbonate de sodium) d'Égypte et le sable de la rivière Belus (aujourd'hui Na'aman, qui coule au nord d'Haïfa).
- Ce verre brut est exporté dans tout l'Empire. Il alimente des officines secondaires qui le refondent et créent toutes sortes de vases pour la consommation locale. Comme toute la matière première provient de la même source, les analyses des verres romains donnent la même composition à travers l'Empire. Dans les officines, un recyclage des verres brisés contribue déjà à approvisionner les ateliers en matière première.
La présence de fragments de matière brute sur le chantier permet de supposer l'existence d'un atelier de verrier à proximité.
 
L'occupation cesse à la fin du IIIe siècle, et les matériaux de construction font l'objet d'une récupération assez systématique. Le secteur est ensuite recouvert de terre et de remblai fin, permettant la mise en culture de ces espaces désormais périphériques à l'agglomération. Quatre inhumations ont été mises au jour sur le site. Elles sont postérieures à l'abandon du carrefour urbain du Haut-Empire.