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Retour sur la fouille et la crypte de la porte Pairolière de Nice (Alpes-Maritimes)
La fouille de la ligne 1 du tramway de Nice a été la première grande opération d’archéologie préventive à Nice. Co-réalisée par la Communauté d’Agglomération Nice Côte d’Azur et l’Inrap, elle a permis d’explorer les vestiges de la fortification urbaine et d’en assurer la préservation et, ultérieurement, la visite. Retour sur cette fouille hors-norme.
La fouille de la porte Pairolière
D’une superficie d’environ 2000 m², la fouille a concerné les abords du principal accès de la ville, dont la fortification a été sans cesse renforcée au cours des siècles. Située sur le chemin critique de la livraison de la voie du tramway, cette fouille a dû s’adapter aux contraintes de réalisation du génie-civil.
Premiers terrassements place Garibaldi.
© Laurent Colonna
Mise au jour du ravelin.
© Laurent Colonna
Partie supérieure de la tour Pairolière.
© Laurent Colonna
La Porte Pairolière est déjà citée en 1323 sous le nom de porte des Augustins. Elle se trouve dans l’alignement de la rue Pairoliera qui tire son nom d’un corps de métier, les chaudronniers. Elle correspond à l’entrée principale de la ville en direction de Turin, l’ancienne capitale du Duché de Savoie et du Royaume de Piémont-Sardaigne. Du côté du Paillon, la porte est accolée à une tour circulaire très large (près de 9 m de diamètre en partie haute) qui s’évase en partie basse. Datée des environs de 1380, cette tour reste présente dans le paysage jusqu’à la démolition de la fortification du début du XVIIIe siècle ; elle a toutefois perdu un réel usage militaire au début du XVIe siècle, lorsque l’on vient construire le bastion Pairolière destiné à renforcer la défense de la porte. La tour, creuse, a englobé des vestiges plus anciens, liés à des états antérieurs de la fortification.
Vue aérienne de l’ensemble Pairolière (tour, porte, ravelin et chapelle Saint-Sébastien).
© Laurent Colonna
Dotée d’un fossé, la porte est renforcée au XVe siècle par la création d’un ravelin, ouvrage de fortification avancée destiné à protéger le pont qui franchissait le fossé. La fortification est renforcée à nouveau au XVIe siècle —au contact du ravelin— en suivant la nouvelle forme italienne : un bastion en forme d’as de pique protège, probablement dès les années 1520, la porte d’accès à la ville. Ce bastion est fortement attaqué lors du siège des Français et des Turcs, en 1543. Le mur du bastion est particulièrement imposant : sa face nord, sur la place Garibaldi, est constituée d’un mur de plus de 4 m de large, bâti au contact du ravelin et comportant un cordon mouluré qui devait probablement rejoindre celui de la tour. L’ensemble du site est recoupé, vers le milieu du XVIe siècle, par la création d’un aqueduc chargé d’alimenter en eau les jardins du palais ducal en longeant l’intérieur de la fortification. Le tracé du bastion découvert ne correspond pas à celui des plans du XVIIe siècle. Il a en effet été reconstruit et agrandi en direction de la place Garibaldi, probablement dans le dernier quart du XVIe siècle.
À la sortie du bastion, se trouve une deuxième porte, la « porte Saint-Sébastien » située hors des limites de la fouille. Un nouveau fossé est attesté dans les textes à partir de 1616. La fouille a retrouvé les vestiges du pont qui le franchissait ; l’une des arches était encore bien conservée.
Le mur extérieur du second bastion, lui aussi retrouvé, était très dégradé en partie haute par la destruction de 1706.
Découpe de la tour Pairolière pour l’insertion des poutres de la plateforme du tramway.
© Laurent Colonna
Encoches réalisées sur l’ensemble de la tour Pairolière.
© Laurent Colonna
Poutres (27 tonnes) intégrées entre les vestiges de la tour Pairolière.
© Laurent Colonna
La conservation des vestiges
L’ensemble de la fouille de la porte Pairolière a fait l’objet d’un dispositif particulier, permettant de réaliser plus rapidement la voie du tramway mais également de conserver les vestiges présents dans le sous-sol. Le tramway passe en effet, ici, sur une dalle qui vient couvrir l’ensemble des vestiges archéologiques. Après réalisation de la dalle, les archéologues ont ainsi achevé la fouille telle que la prévoyait la prescription du préfet de région (jusqu’à 6 m de profondeur) sans gêner la mise en service du tramway.
De fait, les vestiges sont conservés dans le sous-sol, même si leur partie haute a dû être écrêtée par la pose des poutres et de la dalle de surface.
Mise en place de la plateforme du tramway.
© Laurent Colonna
Couverture de la crypte archéologique place Garibaldi.
© Laurent Colonna
Pelleteuses.
© Laurent Colonna
Accès aménagé pour fouiller l’intérieur de la tour Pairolière.
© Laurent Colonna
Archéologues remplissant des baggys.
© Laurent Colonna
Conditions de travail des archéologues sous dalle.
© Laurent Colonna
Fouilles de la jonction de l’aqueduc avec le dernier mur de bastion.
© Laurent Colonna
Petit engin mécanique creusant sous la dalle.
© Laurent Colonna
Intervention entre deux poutres de la plateforme du tramway au niveau de la tour Pairolière.
© Laurent Colonna
Fouille du fossé de la porte Pairolière médiévale.
© Laurent Colonna
Evacuation des baggys par un système de trémie et treuil manuel.
© Laurent Colonna
Relevé pierre à pierre.
© Laurent Colonna
Observations des sédiments du fossé moderne par le géomorphologue.
© Laurent Colonna
L’ouverture de la crypte archéologique au public
En 2008, la nouvelle municipalité, conduite par Christian Estrosi, décide d’ouvrir cet ensemble au public. Après aménagement d’un accès, notamment pour les personnes à mobilité réduite, et d’une passerelle, la crypte est inaugurée en octobre 2012. Depuis, des visites sont proposées hebdomadairement par le Centre du Patrimoine – Le Sénat.
Retour sur une fouille hors norme
Dix ans plus tard, la Ville de Nice a souhaité célébrer cet anniversaire. Afin de redonner sa profondeur au lieu, une reprise totale de l’éclairage a été opérée.
Pour replacer la crypte dans sa perspective archéologique, un film d’introduction à la visite a été réalisée avec les témoignages des principaux protagonistes de l’opération co-réalisée par la Communauté d’Agglomération Nice Côte d’Azur et l’Inrap, sous le contrôle scientifique de la Drac PACA (Xavier Delestre et Franck Suméra, Service régional de l’archéologie; Marc Bouiron, responsable de l’opération ; Karine Monteil, responsable de l’opération adjointe et Romuald Mercurin, responsable de secteur tour Pairolière).
La fouille ayant fait l’objet d’un suivi photographique (ci-joint) par Laurent Colonna, auteur-photographe, trente images, qui retracent ses temps forts, sont présentées jusqu’au 4 janvier 2023 sur la place Toja. Cette exposition vient souligner le caractère hors norme de l’opération (enveloppe béton réalisée pour la fouille préventive, conditions de travail sous dalle…).
Enfin, les 5 et 6 novembre derniers, des journées portes ouvertes ont accueilli Niçois et extérieurs désireux de (re)découvrir la crypte. Tout le mois, des visites contées sont proposées les dimanches pour les plus jeunes en partenariat avec Les Ateliers illustrés.
Équipe des archéologues à la fin du chantier.
© Laurent Colonna
Programme complet à retrouver sur www.nice.fr