A Hénin-Beaumont et Dourges (Pas-de-Calais), le projet de plate-forme multimodale d'intérêt européen de Dourges est né de la volonté de promouvoir des modes de transport alternatifs à la route.

Dernière modification
10 mai 2016

Le site retenu à Dourges dans le bassin minier répond à cet objectif car le périmètre opérationnel du projet est traversé par des infrastructures d'une grande importance (autoroute A1, canal de la Haute-Deûle et voies ferrées). Si la superficie de l'emprise est estimée à 337 ha, les investigations archéologiques ne concernent que 140 ha du projet car plusieurs secteurs, bouleversés par l'activité minière (carreau de fosse 10, terrils...) ou pour cause de pollution ancienne des terrains (les bac à schlamm, le marais de Chaix...), ont été interdits à toute intervention.

La convention entre l'État, le Syndicat mixte et l'Afan, signée en février 2000, définit les modalités d'exécution des sondages linéaires et de 12 évaluations pour une durée de 6 mois, ainsi que l'accomplissement des rapports (2,5 mois). Toutefois, la mise à disposition au " compte goutte " des terrains a considérablement bouleversé le schéma initial. La campagne de sondages, qui a démarré le 2 mai 2000, s'est achevée seulement le 6 février 2001. Les douze évaluations, prévues en principe après les sondages, ont été effectuées en parallèle à ceux-ci. Elles se sont donc échelonnées dans le temps à partir du mois de juin 2000 et jusqu'au 23 mars 2001. Près de 200 tranchées, représentant 60 km linéaires, ont été réalisées. Cette procédure offre une moyenne de 8,4 % de terrain testé, soit 11,7 ha sur 140 ha. Quant aux évaluations, les 92 ha concernés ont été explorés à 10,4 %, soit 9,5 ha décapés sous forme de fenêtres dont la taille oscille entre 500 et 2000 m². Les données présentées ici résultent donc d'un diagnostic et non de fouilles préventives. En effet, à ce jour, seuls un gisement du Paléolithique supérieur et un secteur directement menacé du site du haut Moyen Âge ont bénéficié d'une fouille préventive proprement dite. Ces opérations, qui sont actuellement en cours d'étude, ne sont pas prises en compte dans cette notice.
L'emprise quelque peu tentaculaire de la future plate-forme se situe dans le haut bassin marécageux de la Deûle, à 20 m d'altitude, et s'étend vers l'est et le sud-est sur une zone légèrement plus haute (30 m à peine) qui sépare la Haute-Deûle de la plaine humide de la Scarpe. Ce point de jonction entre deux bassins versants, actuellement reliés par un canal, occupe également une position de transition entre la Gohelle, au sud, et le Pévèle, au nord, soit respectivement entre les plateaux crayeux et les plaines et les collines composées de sable et d'argile. Si les zones VI et VII ont livré respectivement une trame parcellaire de l'époque antique et des petits enclos à vocation funéraire du second âge du Fer, ce sont les zones III bis, IV et V qui détiennent un potentiel archéologique insoupçonné, tant par la qualité que par la densité et la diversité des occupations mises au jour.
Sur la zone III bis, une multitude de structures, caractérisées par des ensembles complexes et diachroniques composés d'enclos rectangulaires, de fosses, de nombreux bâtiments sur poteaux, mais aussi de la construction en dur d'une villa ainsi que de témoins d'activités spécifiques et encore mal déterminées (maraîchère ?), illustre une fourchette chronologique large, allant du premier âge du Fer jusqu'au IVe s. de n. è. On retient de ces gisements, documentés par un mobilier riche et abondant, l'existence d'un habitat enclos de La Tène ancienne, la configuration spatiale des aménagements successifs et l'imbrication dans l'habitat d'unités funéraires du Haut-Empire. Pour compléter cette image, il faut ajouter l'occupation moderne (début XVIe s.), située dans la partie sud-ouest de cette zone. Deux secteurs ont été dégagés : l'un présente un four à briques, le second, un enclos aux contours irréguliers renfermant des fours domestiques. Plus de 20 ha se révèlent ainsi densément occupés. La zone IV a livré des indices ténus de la fin de l'âge du Bronze et du second âge du Fer, mais elle est investie de façon inhabituelle dès le Ier s. jusqu'au Xe s. De vastes enclos quadrangulaires, des fours, des silos, des puits, des sépultures à inhumation se répartissent sur une surface de 5 ha environ. Ce site détient des traces concrètes du passage de l'époque romaine à l'époque mérovingienne et de la transition entre les époques mérovingiennes et carolingiennes, jusqu'à une période charnière qui marquera la naissance des premiers villages. Le mobilier céramique du haut Moyen Âge appartient à un répertoire en usage entre le VIe et le Xe s. dans la région de l'Arrageois. Enfin, la zone V, séparée de la précédente par une route départementale, présente plusieurs installations rurales sous forme d'enclos domestiques renfermant des constructions sur poteaux et des fosses bien conservées. Le site est occupé à l'époque antique mais les témoins matériels suggèrent que l'origine du site remonte à l'époque gauloise. Après une évaluation " lourde ", l'hypothèque archéologique a été levée sur cette zone destinée à recevoir un ouvrage d'art. L'opération de diagnostic a donc mis en évidence une richesse archéologique exceptionnelle du secteur (environ 900 structures à l'hectare), qui peut en partie s'expliquer par sa localisation en limite de deux vallées majeures de la région : la Deûle, à l'ouest, et la Scarpe, à l'est, sur un terroir aux composantes variées et donc particulièrement attractif pour des sociétés de chasseurs-cueilleurs puis d'agriculteurs. En effet, il suffit de faire abstraction du paysage actuel pour percevoir une vaste langue de terre au profil doux, à l'interfluve séparant ces deux vallées. L'environnement immédiat est dominé par deux principaux terroirs : l'un, humide et marécageux, l'autre, plus sec et à caractère loessique ; il offre donc une diversification des ressources naturelles appréciée par l'homme. Par ailleurs, le passage proéminent entre deux bassins-versants présente l'avantage de se trouver sur un axe naturel de communication et d'échange entre l'Artois et la région de Tournai. Comme en témoignent la densité remarquable et la présence de vestiges spécifiques, le contexte environnemental a dû jouer un rôle majeur quant au choix de l'implantation humaine et des activités. Ces terrains, encore récemment en culture et donc peu remaniés, nous livrent des sites parfaitement préservés et qui présentent toutes les composantes indispensables à une approche diversifiée des périodes culturelles et de l'interaction de l'homme sur son milieu. L'articulation générale de ces gisements ne connaît actuellement pas d'équivalent dans la région Nord-Pas-de-Calais.