Au printemps 2024, une fouille réalisée par les archéologues de l’Inrap a permis la mise au jour des vestiges d’un établissement daté des XIII-XVIe siècles à Montréal d’Aude. Prescrite par le Service régional de l’archéologie (DRAC Occitanie) en amont de la construction d’une maison individuelle par Mme Mahadevia, la fouille a permis d’éclairer d’un jour nouveau l’occupation d’une parcelle de 600 m² située entre les deux lignes de fortifications médiévales de la châtellenie royale de Montréal.

Dernière modification
25 octobre 2024

Un site au riche passé historique

L’histoire de la cité de Montréal est marquée par plusieurs épisodes, documentés par les sources écrites. Ainsi, un texte nous informe qu’en 1239 les faubourgs de la ville, qui s’était rangée aux côtés de Raimond-Roger Trencavel (vicomte d’Albi, Béziers et Carcassonne) lors de la croisade albigeoise menée par Simon de Montfort à la demande du pape Innocent III, doivent être démantelés par les habitants. À la place, de nouveaux quartiers à l’urbanisme orthonormé sont installés sur la face ouest de la colline de Montréal ; dans le même temps seront également construites la collégiale Saint-Vincent et le monastère de Prouilhe afin de promulguer le credo du pape catholique Grégoire IX.

Un autre épisode tragique intervient le 15 novembre 1355 lorsque le Prince Noir Edouard de Woodstock, alors sur le chemin du retour au pays, pillera une partie de la ville. Enfin à l’issue de la guerre des religions en 1630 les fortifications en terre seront détruites à la demande des Huguenots.

La fouille prescrite dans un secteur du faubourg médiéval visait donc à attester de la réalité archéologique de ces épisodes.

 

Différents niveaux d’aménagements sur une parcelle à la configuration particulière

L’emprise de fouille bordée par une maison à l’est et un ancien chemin à l’ouest conserve la cadastration médiévale de parcelles longues et fines orientées nord-sud. Le terrain est marqué par une forte pente et une érosion conséquente. De fait, les vestiges apparaissent directement sous la terre végétale, avec une chronostratigraphie discontinue entre les niveaux de terrasses. Celles-ci sont aménagées selon deux pentes distinctes, l’une du nord au sud, l’autre de l’est vers l’ouest.

Montréal 8

Une voie faite de fragments de tuile surplombant deux fondations de mur en galet.

© Tanguy Wibaut, Inrap

Les bâtis mis au jour sont installés dans des encoches planes entaillées dans le substrat et protégés par des drains qui détournent et canalisent les eaux pluviales. Des aménagements de galets et autres fragments de tuiles fichés dans la marne ou dans une chape de terre facilitent la circulation des personnes sur des pentes pouvant être glissante par temps de pluie.

Jusqu’à trois phases d’occupation distinctes ont été observées, mais de façon éparse puisque sans continuité entre les terrasses excavées. Ils se matérialisent par la présence de bâtis fait de murs en pierres, liés à la terre et parfois à la chaux. Des murs en bauge sont également mis en œuvre directement sur le substrat, sans aucune forme de protection d’étanchéité sous-jacente. La dernière phase d’occupation s’organise à partir de pierres avec mortaises supportant des structures en bois, probable maison en colombage et torchis.

Une phase de destruction par le feu est bien mise en évidence dans le quart nord-est de la parcelle.

Une grande aire d'ensilage, antérieure et contemporaine de l'occupation des bâtiments

Le site est par ailleurs remarquable par le nombre de silos découverts : plus de soixante, de différents volumes, ont en effet été fouillés de moitié sur la parcelle.

Bien qu’ils n’aient livré que très peu de mobilier datant, leur taphonomie illustre bien leur établissement au fil de l’occupation du site. On distingue les plus anciens, scalpés lors de la création des terrasses, des plus récents, ayant conservé leur goulot de fermeture.

La plupart sont dans une phase d’attente d’utilisation caractérisée par un comblement rapide d’une monocouche de remblai issu du substrat marneux, qui s’explique par la nature de ce substrat, qui ne permet pas de conserver un tel volume vide : la dégradation et l’effondrement de ses parois signerait son abandon, et donc la perte d’un espace souterrain limité au sein de la parcelle - le volume d’un silo endommagé ne sera en effet jamais plus excavé.

Les silos, de diamètres constants autour de 1,30 m, présentent différents volumes puisque les profondeurs des chambres de stockage varient de 1,20 à plus de 2 mètres.

Si l’hypothèse doit encore être étayée, on peut ici y voir un possible stockage collectif au sein d’une aire d’ensilage individuelle, caractérisé par un soin apporté à chaque silo afin de transmettre à la génération suivante un bâti et ses structures de stockage intactes.

Aménagement : Madame Bhaïravi Mahadevia
Contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie (Drac Occitanie)
Recherche archéologique : Inrap
Responsable scientifique : Tanguy Wibaut, Inrap