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Monsidun
A L'Houmeau, Charente-Maritime, dans l'agglomération de La Rochelle, près d'un millénaire d'occupations, entre le IIe et le Xe siècle, a pu être étudié avant l'aménagement de lotissements.
La fouille, menée sur 5 ha pendant 8 mois, a mis en évidence un chai antique, des espaces d'inhumation antiques et médiévaux et un habitat du haut Moyen Âge. Ces découvertes s'insèrent dans une maille serrée d'implantations antiques et médiévales autour de La Rochelle.
Le site est implanté sur le versant nord d'un vallon conduisant au marais de Pompin, ancienne anse marine. La pente est armée par l'alternance de bancs de calcaire et de lits marneux qui assurent une conservation de la stratigraphie verticale au dessus des marnes, érodées en cuvette.
Le chai gallo-romain
Les vestiges d'un chai du IIe siècle de notre ère ont été fouillés : une aire de foulage, une pièce au sol en mortier de tuileau, deux bassins à cupules et une aire de stockage, l'ensemble mesurant 35 m sur 12. Le bâtiment est bordé, au nord, par une voirie encore lisible dans le substrat calcaire.
Vers le Ve-VIe siècle, la fonction viticole du lieu est abandonnée au profit de l'artisanat du fer. Cette transformation s'accompagne de modifications mineures de l'architecture, comme l'érection de poteaux contre les parements de murs.
De spectaculaires tombes antiques
Au pied du pignon occidental du bâtiment, trois tombes d'enfants ont été découvertes. L'un d'eux est inhumé dans une vaste fosse (3 m sur 2, pour une profondeur de 1,30 m), contenant un riche mobilier de verre et de céramique, des chaussures déposées à ses pieds, et les morceaux d'un suidé placés à côté du corps. La première analyse de l'ensemble permet de dater l'inhumation des IIe-IIIe siècles de notre ère. Cette tombe spectaculaire reste toutefois relativement courante dans le monde romain, alors que sa voisine, d'une tout autre ampleur, demeure un témoignage exceptionnel d'une sépulture multiple en Gaule romaine. A été trouvé dans cette vaste fosse quadrangulaire (8,50 m de long pour 3,50 m de large) un squelette d'adulte allongé sur le dos, accompagné de vases en céramique ou en verre et d'offrandes alimentaires (porc, coq, poissons, coquillages marins...). Le corps et les offrandes étaient contenus dans des coffres en bois dont il ne reste que des clous métalliques. La moitié occidentale de la tombe accueillait un autre individu, sans doute aussi richement doté mais en grande partie perturbé par un événement ancien qui reste à déterminer. Les deux défunts ont vraisemblablement été inhumés en même temps, dans la seconde moitié du IIe siècle ; un troisième, découvert contre la paroi nord de l'autre fosse avec 7 vases en céramique, aurait été inhumé au IVe siècle.
À l'est et au sud du site, des vestiges, plus disséminés, sont attribués aux IIe-VIe siècles : bâtiments sur poteaux, réseaux de fossés, carrières d'exploitation de calcaire, un four à chaux de plan elliptique communiquant par une entrée étroite et maçonnée avec une grande aire de travail. Une sépulture à incinération a été découverte un peu à l'écart. La fosse contient, dans un coffre de dalles, un service flavien de 10 pièces (assiettes et coupelles du sud de la Gaule), une cruche, trois pots et un vase en verre. L'urne cinéraire en céramique est déposée sur le coffre.
Des défunts carolingiens richement dotés
120 sépultures du haut Moyen Âge ont été mises au jour, réparties au sein d'un habitat plus lâche et encadrées par un réseau de fossés, hérités pour une part du réseau antique.
Hormis les tombes en pleine terre, le mode d'inhumation dominant reste le coffre de dalles aménagé dans une fosse. Si certaines sont isolées, elles sont le plus souvent groupées par ensemble, de quatre individus à deux dizaines, concentrés autour de bâtiments et d'aire de travail (souvent identifiées grâce à des traces de circulation ou de foyer) ou à l'intérieur d'espace clairement limité par des fossés.
L'un des ensembles, situé près d'une zone de travail, regroupe dix tombes en coffre, contenant des défunts dont certains sont richement dotés : fibules, boucles d'oreille, anneau, bracelets de perle de verre.
Les plans incomplets d'une quinzaine de bâtiments ont été identifiés, grâce à des trous de poteaux et/ou à des solins. Si leur fonction n'a pu être déterminée, le mobilier découvert a permis de les dater de la période carolingienne. Ces bâtiments sont associés à des aires d'ensilage et à quatre puits, qui atteignent la nappe phréatique à 14 m de profondeur et furent comblés durant la période carolingienne.
L'évolution d'un territoire de bord de mer durant près de dix siècles
Ainsi, un habitat dense du haut Moyen Âge fait suite, sans hiatus important, à une occupation antique. Si cette continuité est classique pour la région, ce site est l'occasion unique d'appréhender, sur une grande superficie, l'évolution de l'occupation d'un territoire de bord de mer durant près de dix siècles, tant du point de l'architecture, des activités humaines et de l'alimentation, que de l'environnement.