Fouillé sur près de 2,3 hectares après un diagnostic de 2012, le site de Lallemand à Mauguio a livré des vestiges s’étendant du Néolithique au haut Moyen Âge (Ve-Xe siècles).

Dernière modification
23 août 2017

Cette dernière période est la mieux représentée grâce à la découverte d’un ensemble d’éléments (habitat, parcelles, silos, sépultures) témoignant des abords d’un établissement rural.  

Pour la première fois en Languedoc oriental, cette opération d’archéologie préventive a permis d’appréhender sur une large surface les modes de faire-valoir d’un terroir entre la fin du VIIIe siècle et le tout début du XIe siècle.

Émergence d’un premier établissement

Un aménagement peu dense caractérise la première étape de l’occupation, entre le VIIIe siècle et la fin du IXe siècle. Quelques parcelles agricoles sont définies par des fossés et jalonnées de tombes. Une petite aire d’ensilage et quelques bâtiments excavés localisés en bordure ouest de l’emprise se rattachent également à cette phase précoce.  

Les vingt-cinq inhumations groupées à l’extrême sud de l’emprise se répartissent de part et d’autre d’un fossé d’axe est-ouest, dont elles reprennent l’orientation. Au nord, les tombes présentent la même architecture et s’organisent suivant un modèle similaire : elles sont établies en fonction d’un axe majeur, peut être un chemin, dont le fossé bordier recoupe certaines tombes avant d’être lui-même recoupé par de nouvelles inhumations.  

Les six bâtiments appartenant à cette phase initiale ont été construits en terre et en bois, sur sol excavé. Ils sont matérialisés par des fosses aux parois verticales, à fonds plats, d’une surface comprise entre 4 et 12 m². Dans un assez grand nombre de cas, des éléments d’architecture en terre ont été identifiés dans les comblements, étayant ainsi l’hypothèse de structures bâties sans poteaux porteurs. La terre extraite pouvait être utilisée sur place, soit en coffrage (banchée), soit mélangée à de la paille et façonnée en briques rudimentaires (adobes), chaque bâtiment étant érigé sur sa propre carrière. L’absence de tuiles, que ce soit dans les niveaux de démolition des bâtiments ou dans les comblements des silos transformés en dépotoirs, suggère que les bâtiments étaient probablement couverts de toitures végétales, en roseau ou en chaume.  

Une cinquantaine de silos et plusieurs puits accompagnent ces bâtiments.  

Extension de l’habitat et poursuite de l’activité agricole

Une deuxième phase, datée autour du Xe siècle, se caractérise par une nette densification de l’occupation. L’aire d’ensilage se développe très clairement au centre de la fouille. Des fossés limitent les parcelles occupées par les structures de stockage.  

Une parcelle quadrangulaire et close par des murs en terre sur solin de pierre se dégage au centre de l’emprise avec en son sein des silos et plusieurs bâtiments sur caves. Le mieux conservé d’entre eux (13 m de long pour 5,50 m de large) est adossé à l’un des murs de l’enclos. Ses trois autres murs semblent également bâtis en terre crue sur solin de pierres et la maison est dotée d’un sol en plancher. La cave, constituée de deux creusements ovales contigus, est conservée sur 70 cm de profondeur ; l’arasement général du site permet d’imaginer qu’elle avait une profondeur initiale d’environ 1,10 m. Plusieurs milliers de fragments de céramique ont été retrouvés au fond.  

Trois structures similaires ainsi qu’une dizaine d’autres constructions plus modestes voient le jour au cours du Xe siècle. Dans certains cas, l’existence d’un plancher sur vide sanitaire a pu être prouvée. Dans d’autres cas, des niveaux d’occupation se sont accumulés directement sur le fond du creusement. La plupart du temps, des éléments d’architectures en terre crue ont été retrouvés dans les niveaux d’abandon.

L’espace de stockage

L’aire d’ensilage est conséquente : quatre cent cinquante silos pourraient avoir été creusés et abandonnés au cours du Xe siècle. Certaines zones sont très denses, mais le faible taux de recoupement en surface implique que les habitants connaissaient non seulement les silos en fonction mais aussi ceux qui avaient été abandonnés et comblés.  

Souvent obturés par de grandes dalles, les silos de Lallemand sont vraisemblablement signalés en surface par des monticules en pierre. La profondeur conservée varie entre 50 cm et 1,50 m. Le premier dépôt est souvent constitué de rejets domestiques (cendres). Leur abondance ainsi que celle des vestiges d’objets dans certaines parties de l’aire témoignent de la proximité de l’habitat. On constate ensuite un comblement rapide avec un apport massif de terre ou de pierres, qui clôt définitivement la fosse.  

Agro-pastoralisme et bergerie

Le dernier état du site (entre 970 et 1025) montre une évolution dans la gestion des terres. Certaines parcelles changent de vocation au profit d’une agriculture associée à l’élevage. Une partie de l’aire d’ensilage fait place à une bergerie (22 m de long pour 5,50 m de large) dotée d’enclos de pâture ou de parcage.  

À la même époque, un vaste espace organisé se développe au nord-est du bâtiment. Les enclos fossoyés qui le constituent limitent des parcelles allant de 100 à 1 500 m², les plus petites étant situées à proximité de la bergerie. Ces parcelles communiquent au moyen soit de petits ponts soit de couloirs permettant le tri des bêtes, leur traite ou leur tonte. Des chemins voués à la circulation des hommes et des bêtes sont identifiés au sud et au nord de la bergerie.

L’établissement périclite quand émerge – littéralement – la motte de Mauguio, siège du nouveau pouvoir comtal. Lallemand témoigne ainsi du destin d’un des nombreux établissements qui ne survivent pas aux évolutions économiques et politiques des XIe-XIIe siècles.  

Le croisement entre différentes disciplines (anthracologie, archéozoologie et céramologie, par exemple) a permis d’appréhender la vie quotidienne de la population alto-médiévale (consommation, production) ainsi que l’environnement dans lequel elle évoluait. Mises en perspective avec notamment les autres sites médiévaux découverts sur les emprises de la LGV Contournement Nîmes-Montpellier (voir les notices des sites de Saint-Pastour nord et de Madame, Saint-Gilles le Vieux), les données recueillies complètent et renouvellent la connaissance des villae carolingiennes en Languedoc.