Un programme d'études sur le massif de la Serre à Offlanges, Jura

Dernière modification
10 mai 2016


Depuis 2005, un programme de recherches est en cours sur le massif de la Serre et ses abords, dans le nord du Jura. Ce programme, mené par Luc Jaccottey et Annabelle Milleville, est soutenu par le ministère de la Culture (Drac, SRA), l'Inrap, la région Franche-Comté, le département du Jura, les communautés de communes Jura Nord et Jura entre Serre et Chaux avec la collaboration de l'ONF et de l'Association pour la recherche et l'étude des sites archéologiques comtois. Pour l'instant, les travaux ont porté sur l'étude des meules en grès et en granite de la Serre, du Néolithique jusqu'aux périodes les plus récentes.

Depuis les débuts de l'agriculture, les meules sont utilisées, dans un cadre domestique (meules manuelles) ou collectif (meules hydrauliques...), pour la transformation des céréales en farine. Plus d'un millier de meules, issues de collections publiques (musées, Inrap...) et privées de Franche-Comté, ont été étudiées. Des cartes de diffusion des meules en grès type Serre ont été dressées pour toutes les périodes, depuis le Néolithique jusqu'à l'époque romaine. Ainsi, l'ont sait que les grès type Serre ont été exploités dès les débuts de l'agriculture vers 5500 avant notre ère. On les trouve dans bon nombre de sites régionaux, dans un rayon de 80 à 120 km, dont les villages littoraux du lac de Chalain dans le Jura. Puis, à l'époque romaine, les meules en grès type Serre ont une diffusion plus limitée, de l'ordre de 40 à 60 km. Enfin, aux époques médiévales et modernes, les meules de la Serre sont présentes dans de nombreux moulins situés le long des cours d'eau de Bourgogne et de Franche-Comté.

L'exploitation des grès de la Serre

Les formations de grès du massif de la Serre ont été exploitées très tôt en raison de leur très bonne aptitude à la mouture. En effet, la structure grenue des grès grossiers se prête bien à la réduction des céréales en farine. De plus, la Serre étant le seul petit pointement granitique et gréseux au sein du Jura à dominante calcaire, ses matériaux ont été particulièrement recherchés et exploités.
Les recherches en cours dans le massif ont permis de découvrir plus d'une quinzaine de carrières de meules dont les plus anciennes datent du Néolithique ou de la Protohistoire. Des sondages ont été conduits dans les carrières de grandes meules circulaires en grès datant des époques historiques, pour en préciser les techniques d'extraction et leur chronologie.
Les extractions de la Serre sont des petites carrières dont l'exploitation est limitée dans le temps. A l'époque moderne, la dimension des carrières devient plus importante et répond à un besoin plus pressant. Elles sont généralement implantées en bordure du plateau gréseux qui domine la Serre et où le grès affleure.

Les extractions de meules médiévales et modernes, la cas d'Offlanges

L'extraction en quinconce de meules de 0,85 à 1,10 m de diamètre montre qu'il existait pour la carrière d'Offlanges une volonté de rationaliser l'exploitation. La technique d'extraction est toujours la même : après avoir tracé le pourtour de la meule sur le sol, à l'aide d'un charbon de bois placé au bout d'une ficelle, une tranchée est ouverte tout autour de la future meule à l'aide d'un pic de carrier. De grandes barres métalliques sont glissées dans des encoches pour décoller la meule du socle rocheux en faisant levier. Des comparaisons peuvent être faites avec les carrières médiévales des Ecouges dans les Alpes ou celles d'Ecromagny dans la région des Milles Etangs.

Les extractions de meules contemporaines

La technique d'extraction diffère des époques antérieures. Les traces d'outils sur les parois montrent que la tranchée de détourage ceinturant la meule est réalisée avec un outil à manche long et à pointe unique de type escoude. La largeur de la tranchée, d'une vingtaine de centimètres, et ses bords verticaux, permettent au carrier de travailler à l'intérieur.
Des emboîtures sont creusées sous tout ou une partie du pourtour et des coins en fer ou en bois y sont introduits. Diderot, dans son Encyclopédie, explique : "L'on y fait entrer des coins de bois, ensuite on remplit le creux avec de l'eau, qui en faisant gonfler les coins de bois que l'on a fait entrer dans l'entaille, font que la meule se fend et se sépare horizontalement".
Parfois de profondes goulottes, appelées également "becs", sont aménagées sur les bords de l'extraction. Elles reçoivent des perches de bois sur lesquelles la meule est glissée pour être sortie de la carrière. Grâce au mobilier archéologique, ces extractions peuvent être datées du XIXe s. Des extractions similaires, datées du XVIIe ou du XVIIIe s., ont été observées à Vic-le-Comte dans la région de Clermont-Ferrand.