En plein centre d'Angers, les travaux préalables à la réalisation d'une ligne de tramway, prévue pour 2010, ont été à l'origine de la mise au jour de vingt-cinq sarcophages attribués à la période mérovingienne.

Dernière modification
13 juillet 2016

Pour importante qu'elle soit, cette découverte n'a pas été une surprise totale. On savait en effet depuis longtemps que la place du Ralliement, créée à la Révolution après la démolition de trois églises (Saint-Pierre, Saint-Maurice et Saint-Mainboeuf), occupait en partie l'espace d'anciennes basiliques funéraires érigées à partir du IVe siècle en périphérie de la cité pour accueillir les dépouilles des premiers évêques d'Angers. 

Une zone sépulcrale connue des archéologues

Une zone sépulcrale connue des archéologues
Dès 1868, à l'occasion d'un creusement de la partie orientale de la place, l'archéologue Armand Parrot avait identifié des constructions s'étalant presque sur les dix premiers siècles de notre ère. De nombreuses inhumations avaient alors pu être fouillées, pour partie en pleine terre, d'autres dans des coffres en schiste ou des sarcophages en calcaire coquillier. Au début des années 1950, l'architecte Henri Enguehard constatait à son tour la présence de sarcophages devant les Nouvelles Galeries (aujourd'hui Galeries Lafayette).
En 1971, la construction du parc de stationnement souterrain occasionne des destructions sévères, notamment celle des vestiges de l'église Saint-Pierre, considérée comme la plus ancienne des trois, et de la nef de l'église Saint-Maurille. Une rapide étude menée alors sur Saint-Pierre et son cimetière en reconnaît le plan et quelques tombes. La fouille de sauvetage, menée en deux semaines, permet d'observer une occupation antique datant sans doute de l'époque augustéenne.

L'intervention de l'Inrap

Lorsque les ouvriers qui travaillent place du Ralliement « tombent » sur trois sarcophages, les équipes de l'Inrap ne sont pas loin : deux mois plus tôt, sous la responsabilité d'Élodie Cabot, elles exhumaient dans la rue d'Alsace attenante quelques vestiges de l'église Saint-Mainboeuf, détruite au XIXe siècle lors du percement de la rue, ainsi qu'une dizaine de sépultures. Une opération de fouille préventive est décidée. Elle s'étend sur environ 100 m2 et nécessitera deux mois d'étude impliquant six personnes à l'automne 2008.
Au total quarante-trois tombes ont été fouillées. Vingt-cinq d'entre elles sont des sarcophages, quinze des coffres de schiste et trois plus modestes sont en pleine terre et cercueil de bois. Elles sont disposées de part et d'autre des murs de la nef de l'église Saint-Maurille, approximativement au niveau du choeur. Les différents types d'inhumation témoignent d'une longue occupation de l'espace funéraire, avant et après la fondation de l'édifice religieux.
À l'exception d'une monnaie du Haut-Empire, très usée, trouvée dans un sarcophage d'enfant, les marqueurs chronologiques sont absents. La forme rectangulaire ou trapézoïdale des sarcophages et les matériaux utilisés permettent d'envisager une période d'activité entre les IVe et VIIIe siècles : les sarcophages en calcaire tourangeau, tout comme ceux qui font apparaître des réemplois de blocs antiques, relèvent d'usages anciens (IVe-Ve siècles) ; le calcaire coquillier est couramment extrait aux VIIe-VIIIe siècles des carrières du Maine-et-Loire (Doué-la-Fontaine). 

Les sarcophages et l'évêque saint Maurille

Certains sarcophages ne contiennent qu'un individu tandis que, pour d'autres, le dépôt osseux indique des inhumations successives et des phénomènes de réduction. Cette pratique particulière concerne surtout les sarcophages de petite dimension (70 x 155 cm), avec notamment plus de vingt dépôts d'enfant dans l'un d'eux (n° 19) . Elle nécessitait la réouverture fréquente des tombes et par conséquent un accès aisé aux sarcophages.
Un sarcophage (n° 16) est pourvu de décorations angulaires aux quatre coins de son couvercle. Présenté par la coutume angevine comme étant celui de l'évêque saint Maurille, il renferme les restes osseux, complets et en connexion, d'un jeune adulte. On sait par les textes que les ossements de l'évêque ont été déplacés dès le viie siècle et que des reliques en ont été prélevées, il ne peut donc s'agir de sa dépouille. Compte tenu de la position et de la taille (72 x 210 cm) du sarcophage, on peut supposer que l'inhumé appartenait à l'élite urbaine.
La réputation de saint Maurille, quatrième évêque d'Angers, peut expliquer la forte proportion d'enfants, surtout en bas-âge, dans les tombes. L'évêque Maurille s'était particulièrement illustré en ressuscitant un enfant de sept ans, mort dans son église avant de recevoir la confirmation. L'enfant, dès lors nommé René (littéralement « celui qui naît une deuxième fois »), prendra sa succession et deviendra l'évêque René. Très longtemps après ce miracle, les fidèles apaisaient la douleur d'avoir perdu un enfant en le faisant enterrer dans ce cimetière, sous la protection de l'évêque éponyme.

Les résultats à venir

L'endroit même de la découverte remet en cause les hypothèses formées jusqu'alors sur la situation et les dimensions de Saint-Maurille. Actuellement, bien que l'analyse des restes osseux humains soit encore en cours, les premiers résultats concernant les tombes individuelles tendent à faire apparaître de possibles regroupements familiaux par secteurs, perceptibles surtout chez les adultes. Il semble d'autre part que certaines inhumations puissent être antérieures à la première église, construite au ve siècle sous l'épiscopat de Maurille. La vocation religieuse de cette partie de la ville, véritable carrefour d'églises, s'appuierait-elle sur une tradition funéraire de la fin de l'Antiquité classique ? La suite des recherches archéologiques devraient permettre de comprendre pourquoi tant de basiliques ont été construites en cet endroit. 
Aménagement du site : Angers-Loire-Métropole et TSP
Responsable scientifique : Elodie Cabot (Inrap)
Suivi scientifique : Drac, SRA Pays de Loire