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Les résultats de l'exceptionnelle fouille de la nécropole du Haut-Empire de la Robine à Narbonne (Aude)
Mercredi 17 avril, au musée Narbo Via, le rapport final de l’opération de fouilles archéologiques préventives de la ZAC des Berges de la Robine à Narbonne réalisée par l’Inrap a fait l'objet d'une remise protocolaire en présence de la Région, du Département, de l’Agglomération et de la Ville de Narbonne, de l'aménageur et de l’Inrap.
Mercredi 17 avril, au musée Narbo Via, le rapport final de l’opération de fouilles archéologiques préventives de la ZAC des Berges de la Robine à Narbonne réalisée par l’Inrap a été remis à Pierre-André Durand, préfet de la région Occitanie, Catherine Bossis, conseillère régionale représentant Carole Delga, présidente de la Région Occitanie, Patrick François, vice-président représentant Hélène Sandragné, présidente du conseil départemental de l’Aude et Bertrand Malquier, président de l’agglomération du Grand Narbonne et maire de la ville de Narbonne, en présence de Dominique Garcia, président de l’Inrap, et de Daniel Guérin, directeur général de l'Inrap.
Ce rapport final d'opération en 11 volumes avait été préalablement transmis aux services de l’État en décembre 2022. La cérémonie s’accompagne de la signature d’une convention formalisant le dépôt du mobilier dans les collections du musée Narbo Via.
Cette remise protocolaire intervient après une fouille réalisée sur 5000m² entre 2017 et 2020 sur prescription et contrôle scientifique des services de l’État (Drac Occitanie), en amont de la construction d’immeubles d’habitation. Durant dix-huit mois, les archéologues de l’Inrap ont mis au jour 1430 sépultures au sein d’un quartier funéraire du Haut-Empire remarquablement bien conservé. « Découverte d’importance exceptionnelle », cette nécropole est désormais un site de référence pour l’étude des pratiques funéraires de l’Antiquité.
La nécropole et son évolution
Située à environ 700 mètres à l’est de la ville antique, au croisement de deux voies, la nécropole est implantée sur un lieu privilégié afin qu’elle soit vue et présente dans la mémoire des vivants. Retrouvée dans un état de conservation remarquable sous près de trois mètres de limons de débordement du fleuve Aude, cet espace funéraire comprend 1880 structures dont 1430 tombes, datées pour l’essentiel de la fin du Ier s. av. J.-C au début du IIIe s. ap. J.-C. Le nombre et la diversité des structures funéraires témoigne d’une très grande diversité des pratiques funéraires.
Vue de drone de la nécropole antique de Narbonne
© Denis Gliksman / Inrap
Vue de drone de la nécropole antique de Narbonne
Denis Gliksman
Vue de drone de la nécropole antique de Narbonne
Denis Gliksman, Inrap
La nécropole est organisée en enclos funéraires implantés selon un parcellaire régulier, parfois rythmé par des chemins de desserte, dans deux zones: une vingtaine de parcelles borde la voie nord-sud reliant La Nautique à la voie domitienne ; une trentaine de concessions se répartissent en lanière au nord, le long de la voie est-ouest reliant Narbo Martius au littoral. La crémation (1166 structures) est le mode de traitement funéraire le plus répandu, tandis que l’inhumation, moins coûteuse, est attestée tout au long de l’occupation du site (266 tombes, dont une moitié appartient à des enfants). Les deux modalités coexistent dans la plupart des parcelles. La cartographie des données montre une différence entre ces deux secteurs, notamment concernant les bûchers sur lesquels les défunts étaient incinérés.
Vue de drone du chantier des berges de la Robine.
© Pascal Druelle, Inrap
La nécropole de la Robine documente de façon exceptionnelle les rites funéraires mis en œuvre au début de notre ère. C’est le cas des conduits de libations, souvent détruits par des aménagements postérieurs : ce dispositif est ici identifié dans la moitié des tombes bûchers et un quart des dépôts secondaires. Ces tubes, souvent constitués de morceaux d’amphores, permettaient d’introduire les offrandes à l’intérieur de la tombe, au plus près des restes du défunt, dont on perpétuait ainsi le souvenir notamment à l’occasion de fêtes funéraires annuelles telles que les Parentalia. Célébrées à Rome en février, elles se terminaient par les Feralia au cours desquelles la famille partageait un repas près de la tombe et offrait un sacrifice en l’honneur des dieux Mânes. Des indices de ces activités ont été retrouvés à la Robine, où plusieurs triclinia, c’est-à-dire des lits de banquet maçonnés pouvant accueillir les repas organisés par la famille, ont été mis au jour.
Fouille de la nécropole antique des berges de la Robine, conduit à libation (alimentant un vase ossuaire) sur une tombe à coffrage de tuile.
Denis Gliksman, Inrap
Dépôt d’os crémés en coffrage d’imbrices (tuiles) découvert dans une tombe.
© J.-P Brulé, Inrap
L’évolution de la nécropole a été finement étudiée. Les archéologues de l’Inrap ont mis en évidence des réaménagements par le déplacement de limites, le regroupement de parcelles ou au contraire par des subdivisions et des recompositions. À partir du milieu du Ier siècle, de grands enclos maçonnés sont créés dans le quartier nord à l’emplacement de plusieurs parcelles, et empiétant sur des espaces de circulation. À partir de la fin du Ier siècle, l’augmentation du nombre de sépultures nécessite l’extension de la nécropole et de nouveaux enclos maçonnés sont créés à plusieurs endroits du quartier funéraire. Ces parcelles fermées par de hauts murs pouvaient être ornées par des plaques funéraires en marbre portant des épitaphes. Celles-ci, souvent retrouvées en remploi, renseignent par l’onomastique, sur la population de cette nécropole. Majoritairement constituée d’affranchis d’origine italienne, elle est représentative de la plèbe qui animait la vie économique de la cité.
Une phase d’étude qui se poursuit après la phase terrain
Entamée dès la phase de diagnostic conduite entre 2007 et 2014 et prolongée par la fouille menée pendant dix-huit mois à partir de 2017, l’étude du quartier funéraire de la Robine se prolonge en laboratoire depuis la restitution du terrain en décembre 2020 à l’aménageur.
Plusieurs disciplines ont été associées à cette étude. Ainsi, l’étude biologique des défunts, toujours en cours, vise à caractériser cette population. Elle met d’ores et déjà en évidence que le mode d’inhumation est lié à l’âge du défunt : les adultes se faisaient enterrer dans des cercueils en bois tandis que les enfants sont placés dans des coffrages ou des fosses fermées par une couverture. Pour les incinérations, les chercheurs ont étudié bûchers et résidus de crémation conservés dans des vases ossuaires (en céramique, pierre ou verre, ainsi que, dans un cas, dans un coffre ossuaire en marbre décoré). Le volume des os brûlés diffère beaucoup, révélant une variabilité des pratiques selon les enclos.
Incinérés ou inhumés, les défunts sont régulièrement accompagnés de vases pour la boisson, de balsamaires et de lampes, certains de ces objets ayant été volontairement brisés ou retournés. Parmi les résidus du bûcher, on trouve également des restes alimentaires carbonisés (notamment des restes végétaux : dattes, figues, céréales, pains) probablement liés au repas funéraire symboliquement partagé entre la famille et le défunt.
Tombe contenant cinq dépôts d’os crémés en vase ossuaire découverte à Narbonne (Aude).
© Marion Viarouge, Inrap
Vase ossuaire en céramique contenant essentiellement des restes osseux d’un individu adulte, ainsi que divers fragments de verre fondu provenant de vases accompagnant le défunt sur le bûcher.
Christophe Cœuret, Inrap
Vase ossuaire en verre contenant des fragments osseux brûlés et, dans le fond, une bague en or.
Christophe Cœuret, Inrap
Un mobilier qui enrichit les collections du musée Narbo Via
La fouille étant achevée, les chercheurs poursuivent les études scientifiques dans l’optique d’une publication monographique consacrée à cette nécropole exceptionnelle. Les premiers résultats obtenus contribuent déjà à la compréhension des pratiques et des rites funéraires du Haut-Empire et à la connaissance de la société narbonnaise antique. La fouille a livré du mobilier archéologique en quantité : des vases et amphores en céramique, mais aussi du petit mobilier en verre, des objets en os, ivoire ou métal, des monnaies, des bijoux et éléments de parures, dont un remarquable ensemble d’amulettes faites de perles, de dents animales, de clochettes, d’outils miniatures, de pendentifs phalliques, isolés ou assemblés en colliers, principalement issues de tombes de jeunes enfants. Leur étude a été confiée à des experts en céramologie et instrumentum qui ont notamment participé à la confirmation des datations.
Le versement des collections au musée Narbo Via est en cours. Il a commencé au début de l’année à la suite de l’accord avec les services de l’État, propriétaire des biens archéologiques mobiliers, formalisé par la signature d’une convention, ce mercredi 17 avril. Dans le cadre du partenariat entre le musée Narbo Via et l’Inrap, une exposition dédiée à la nécropole de la Robine se déroulera en 2026 au musée dont le commissariat scientifique sera assuré par Valérie Bel, responsable de recherches archéologiques à l’Inrap en charge de l’opération.
Amulettes phalliques en os.
© Denis Gliksman, Inrap
Amulettes phalliques en os.
© Denis Gliksman, Inrap
L’opération en chiffres
Cette fouille hors norme a mobilisé 160 agents de l’Inrap (techniciens, spécialistes, agents admnistratifs) sous l’autorité de Valérie Bel. Il s’agit d’une opération exceptionnelle, ayant bénéficié d’un important financement public. Les découvertes ont été réalisées dans le cadre d’une fouille archéologique préventive menée par l’Inrap fin 2017 - début 2018 puis de fin juillet 2019 à fin novembre 2020. La densité et l’état de conservation des vestiges mis au jour lors de la première phase de la fouille portée par la société d’économie mixte Alénis, maître d’ouvrage de l’aménagement de la Zac des Berges de la Robine, a conduit la Commission Territoriale de la Recherche Archéologique à émettre un avis de « découverte d’importance exceptionnelle ».
Par la suite, le Service régional de l’archéologie a prescrit une seconde tranche de fouilles, financée pour l’essentiel par des subventions publiques. Ainsi, c’est grâce au soutien de l’État (Préfecture de région Occitanie), de la Région Occitanie, du Département de l’Aude, de l’agglomération du Grand Narbonne et de la Ville de Narbonne que l’opération a été menée à son terme. Du fait d’un surcoût résultant de la pandémie de Covid, le montant total des fouilles s’élève à 7 500 000 euros HT, réparti entre l’État (2 900 000 euros de Fonds national pour l’archéologie préventive (FNAP) plus 1 250 000 euros au titre du plan France relance), les collectivités territoriales (Région Occitanie : 800 000 euros ; Département de l’Aude : 300 000 euros ; Grand Narbonne : 800 000 euros ; Ville de Narbonne : 800 000 euros) et la SEM Alénis (650 000 euros).
Contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie (Drac Occitanie)
Recherche archéologique : Inrap
Responsable scientifique : Valérie Bel, Inrap