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Le Pré de l'Église
A Éterville, Calvados, le diagnostic archéologique a été réalisé dans un secteur géographique particulièrement riche en vestiges.
L'exploration des 35 000 m2 concernés par l'aménagement a été menée sous la forme de huit tranchées parallèles de 120 à 150 m de long. Au centre de la parcelle, la découverte de nombreuses anomalies inscrites dans le limon dans l'axe des tranchées 3 à 8 a nécessité la réalisation de tranchées complémentaires et d'une petite fenêtre de fouille de manière à évaluer plus finement l'état de conservation des vestiges.
Les vestiges appartiennent à quatre grandes périodes chronologiques : les traces archéologiques les plus anciennes sont datées de la fin de la Préhistoire ; il s'agit principalement de nombreux silex taillés appartenant au Néolithique. Après un hiatus de plusieurs millénaires, le site est à nouveau occupé, de façon extensive (par deux, voire trois, systèmes d'enclos), au début du second âge du Fer (au cours du Ve s. av. n. è.).
Durant l'Antiquité, cette zone géographique ne semble pas être occupée densément, mais des fossés de parcellaire témoignent de la mise en valeur des terrains à proximité d'un habitat.
Enfin, plusieurs structures appartiennent à la période moderne (fosses et fossés) et contemporaine (trous de bombe...).
Si les occupations préhistoriques et historiques présentent un intérêt mineur qui ne nécessite probablement pas une approche archéologique plus lourde, la découverte d'un établissement protohistorique, offrant des caractéristiques encore rarement observées au niveau régional, mérite toute notre attention. En effet, avec une datation qui doit être située entre la fin du Ier âge du Fer ou plus probablement au début de La Tène ancienne, le ou les systèmes fossoyés du Pré de l'Église ont vraisemblablement connu une occupation synchrone de l'utilisation de la nécropole voisine du Clos des Lilas. Cette dernière, située à seulement 500 m au sud de l'emprise diagnostiquée, a été évaluée en 1995 par A. Hérard-Dumont/Inrap et vient, au cours de l'hiver et du printemps 2004, de faire l'objet d'une fouille d'archéologie préventive dirigée par I. Jahier/Inrap. Il s'agit pour l'instant d'un des plus importants ensembles funéraires régionaux de cette période. Les premiers résultats obtenus lors du diagnostic faisaient état d'une fréquentation comprise entre le Hallstatt D2 et La Tène Ib, c'est-à-dire entre 520 et 370 av. J.-C.
Il est difficile de préciser à l'issue du diagnostic si l'occupation domestique reconnue au Pré de l'Église a pu fonctionner en relation avec cette nécropole. Une chose est sûre, d'une part avec plus d'une centaine de sépultures étudiées à l'issue de la fouille de 2004, la nécropole a dû être utilisée par une communauté relativement importante, situation inédite jusqu'à présent dans la région où les nécropoles contemporaines ne présentent généralement qu'un nombre restreint de sépultures regroupant tout au plus une trentaine d'individus. Entre la nécropole et l'enclos, des vestiges assez fugaces d'une occupation humaine du Ve s. av. n. è. avaient d'ailleurs déjà été repérés à l'occasion des opérations menées sur le « terrain Kersabiec » à l'instar des concentrations observées cette année. Ces occupations qui semblent moins ancrées dans le paysage pourraient en revanche se situer dans une relation hiérarchique avec les systèmes fossoyés repérés à l'occasion du diagnostic. Bien que ce schéma ne présente pour l'instant aucun parallèle dans la région, l'hypothèse d'un habitat de statut élevé agglomérant autour de lui un certain nombre d'occupations périphériques est ici clairement posée.
Outre la vérification de cette situation, toutes les conditions sont réunies pour étudier de façon approfondie les relations entre une nécropole dont certaines sépultures ont bénéficié d'un traitement ostentatoire (inhumation à l'intérieur d'un vaste enclos, riche mobilier d'accompagnement) et un site d'habitat dont le statut potentiellement élevé est perceptible au travers de son caractère enclos (ce qui pour la période considérée ne représente probablement pas encore le modèle standard de l'habitat rural), d'un mobilier céramique à la finition soignée, sans oublier la présence d'une sépulture dans l'un des fossés, pratique funéraire atypique dont le sens demeure dans l'état actuel difficilement compréhensible.