Des fouilles archéologiques y ont été menées de mars à septembre 2008 sur 400 m2 et jusqu'à 6 m de profondeur. Elles ont mis en évidence d'importants détails de l'infrastructure du camp légionnaire romain qui est à l'origine de la ville médiévale et contemporaine.
Le contexte de la fouille
La cour se trouve dans l'emprise du camp légionnaire de la legio VIII Augusta (VIIIe Légion Auguste), qui fut transférée vers 90 de notre ère de Mirebeau, en Côte-d'Or, à Strasbourg, où elle séjourna jusqu'à la fin de la présence romaine en Alsace. Ce camp de près de 20 ha, dont le tracé de l'enceinte est assez bien connu, succède à un hypothétique camp d'environ 6 ha qui remonterait à l'époque tibérienne (14 à 37 de notre ère).
Les premières installations romaines
Les Romains se sont installés à l'emplacement de la ville actuelle sur un lambeau de terrasse entrecoupée de chenaux. À proximité de l'un d'eux, des tranchées orthogonales semblent marquer la présence d'un premier bâtiment en bois et en terre. Elles ont été comblées et recouvertes par des limons de débordement qui témoignent de crues fréquentes qui ont peut-être anéanti cette première viabilisation du site. Sur ce sol alluvial, de nouvelles tranchées de murs, toujours en matériaux légers, ont été creusées selon le même plan orthogonal. La vocation militaire du bâtiment est envisagée dans la mesure où il se situe dans l'emprise supposée du camp dit de Tibère. Le mobilier issu des tranchées ainsi que les sols et les foyers conservés dateraient cette deuxième phase d'occupation de l'époque claudienne (41 à 54 de notre ère).
L'infrastructure du camp de la legio VIII Augusta
Après 80 de notre ère, une épaisse couche de limon, d'argile et de gravier apportés sur les vestiges de ces premiers aménagements a servi à niveler, assainir et préparer le terrain pour l'installation du camp légionnaire de la legio VIII Augusta.
Une rue antique large de 4 m a été découverte. Elle est la première rue parallèle à la via sagularis (voie qui fait le tour de l'enceinte à l'intérieur d'un camp), dont le tracé connu se trouve à une trentaine de mètres. En bordure de la rue, se situe un bâtiment muni d'un portique. D'une surface de plus de 220 m2 et doté de plus de quinze de pièces identifiées, ce bâtiment est si grand qu'il dépasse les limites de la cour actuelle. Certaines pièces comportent des foyers et des sols de mortier ou de terrazzo (mortier de tuileau). Construit à la fin du Ier siècle, il subit une réfection complète à une date qui reste à déterminer, tout comme sa fonction. On note toutefois la présence d'un lot important de pièces métalliques liées à l'équipement du cavalier. Ce bâtiment aurait-t-il accueilli la cavalerie de la légion (atelier, casernement...) ?
Les vestiges du Moyen Âge
Les matériaux de construction qui ont servi à la réfection du bâtiment romain ne seraient récupérés qu'à partir du XIe siècle. Les fonds semi-enterrés de deux maisons sont orientés selon le plan romain. Les aménagements médiévaux semblent ainsi suivre les grandes lignes de ce cadastre orthogonal. Parmi les vestiges, on compte, outre les deux maisons et plusieurs fosses, trois latrines et deux puits à eau, le tout contenant un abondant mobilier : céramique, récipients en bois, pots de poêle, tuiles, petits objets de la vie quotidienne, ossements animaux dont une quantité importante porte des traces de découpe bouchère.
Les vestiges modernes
Une cave en brique et en pierre, deux latrines en brique et un mur de séparation, toujours orientés selon le cadastre romain, constituent les vestiges du XVe ou du début du XVIe siècle. Après plusieurs réfections, dont la dernière peu après 1850, la maison qui s'élevait au-dessus de la cave est entièrement arasée en 1872 pour faire place à la construction de l'actuel bâtiment qui accueille alors le « Stadtbauamt » de la ville de Strasbourg, c'est-à-dire le service d'urbanisme de l'administration allemande.
Aménageur : Ville de Strasbourg
Responsable d'opération : Gertrud Kuhnle, Inrap
Contrôle scientifique : SRA Alsace