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Le Bois Gaulpied et Le Grand Ormeau
Entre juillet et novembre 2012, plusieurs chantiers de fouilles archéologiques sont menés à Sublaines (Indre-et-Loire). Les archéologues y fouillent des vestiges néolithiques, antiques et médiévaux.
Parmi les témoignages de la période médiévale, un souterrain-refuge du Moyen Âge, intégralement conservé, a été mis au jour. Il est rare de découvrir un souterrain-refuge dans un tel état de conservation, en archéologie préventive, notamment.
Un souterrain refuge médiéval
Creusé dans le calcaire lacustre à 2,30 m de profondeur sous le niveau de décapage, ce souterrain médiéval découvert est constitué d'un réseau de plusieurs couloirs et de différentes salles. Il se développe sur une distance de plus de quinze mètres linéaires. Dans sa globalité, il est étroit et bas : 0,50 m de large en moyenne pour une hauteur variant de 0,92 m à 1,61 m pour sa partie la plus haute. Au Moyen Âge, il devait servir à la fois de refuge, comme en attestent les différents éléments typiques de défense : « coudes » à angle droit, permettant de se dissimuler et de freiner l'assaillant ; présence de deux portes (l'une à l'entrée du souterrain, en bas de l'escalier, l'autre encastrée dans le calcaire après le premier coude) ; trou de visée, etc. On suppose qu'il pouvait également servir de lieu de stockage des denrées agricoles en les protégeant des pillards lors des raids.
Un aménagement soigneux et réfléchi
Ce souterrain a fait l'objet d'un aménagement soigneux et réfléchi. Un petit puits à eau, taillé dans le calcaire et alimenté naturellement par la nappe phréatique, vingt niches destinées aux lampes à huile, et des bancs taillés à même le calcaire démontrent que le refuge devait être parfois occupé de manière prolongée. La présence d'un petit puits est un élément assez rarement attesté dans ce genre de souterrain, pourtant l'eau est un élément vital de survie dans le cadre d'un retranchement dans une structure de ce type.
Lors de la fouille, quelques planches ont été mises au jour. Elles permettaient une mise à niveau entre deux portions de couloirs du souterrain, et sont le témoin d'une occupation réelle du souterrain et d'une circulation fréquente dans cet espace. On estime que cette excavation pouvait accueillir une petite unité familiale d'environ 5 à 6 personnes : de fait, il pouvait parfaitement servir de refuge à une élite locale et être la propriété particulière d'un seigneur local.
L'entrée de cette excavation refuge était à la fois dissimulée par un plancher recouvrant l'escalier et par une infrastructure en bois afin d'être caché à la vue des assaillants. Le plancher en bois est supposé par la présence de trous le long de l'escalier, trous dans lesquels étaient fixés des branches en bois supportant ledit plancher. Le bâtiment recouvrant l'ensemble est quant à lui supposé par l'existence de trous de poteaux répartis autour de l'escalier d'entrée et de probables sablières basses.
Un ouvrage inachevé ?
Ce souterrain semble inachevé. En effet, plusieurs départs de couloirs sont amorcés tant dans la salle nord (une amorce de galerie ouest et une amorce de galerie est) que dans la salle ouest. Ces débuts de creusement sont visibles, dans les parois, en plan et elles sont parfois même marquées dans le sol comme dans la salle ouest.
La présence d'un trou de visée aveugle laisse aussi supposer une volonté de poursuivre l'ouvrage. Ce trou de visée devait initialement déboucher sur une salle située derrière le couloir d'entrée et permettre la défense directe de l'escalier. Un arbalétrier aurait pu se tenir dans cette salle et assurer la défense du bas de l'escalier.
L'intérêt du site
L'intérêt du site réside dans son exceptionnel état de conservation. Mis au jour dix siècles après son abandon et son comblement volontaire, il est dans son état d'origine. Son remplissage en eau et en argile l'a préservé des dégradations du temps.
Le soin apporté à la construction de cet ensemble est aussi remarquable tant par la présence des nombreuses niches, disposées tout au long du parcours des galeries, à chaque changement d'orientation des couloirs ou bien encore dans les salles, que par la présence de banquettes pouvant servir de siège aux occupants.
Ce souterrain présente toutes les caractéristiques d'un souterrain refuge : système de défense perfectionné, plusieurs portes condamnant l'accès, présence d'un puits, et de galeries pour le stockage des denrées, permettant de résister à l'assaillant mais également de vivre en autarcie complète.
Enfin, l'intérêt de ce site réside dans sa datation : le comblement final et volontaire est daté par la céramique, dont une oule complète, de la fin du XIe siècle ; son creusement et son utilisation sont donc antérieurs. Or, les souterrains de ce type, connus pour la période médiévale dans la région Centre ou en Limousin sont généralement plus tardifs, creusés et utilisés plutôt aux XIIIe-XIVe s.
Les analyses en laboratoire
Une série d'études en laboratoire permettra d'affiner la connaissance et la compréhension de ce site médiéval. Un céramologue étudiera les vestiges céramiques (tessons et vases) issus du comblement du souterrain, un dendrochronologue datera l'abattage des bois utilisés, un xylologue déterminera leur essence. Des datations radiométriques seront aussi entreprises. L'étude des techniques de construction du souterrain sera menée au travers de l'analyse des traces d'outils utilisés et des techniques de taille. L'ensemble de ces études devrait fournir de très importantes informations permettant de confirmer ou non les hypothèses, de préciser la datation, pour mieux interpréter cette découverte.